«"Quoi, tu ne nous laisses pas dormir ?", ont hurlé mes deux grands de 17 et 15 ans », raconte Stéphanie, enseignante à Lomme (Nord). « Je leur ai répondu qu’ils n’étaient pas encore en vacances. On se lève tous à 8 h 30, ils ont surtout râlé les premiers jours… » Ali lève aussi son fils, Anis, 15 ans, entre 8 h 30 et 9 h. Chez Suzanne, 14 ans, on est un peu plus cool, « Surtout pour que mes parents puissent travailler tranquillement en télétravail avant. »

Garder un rythme, voilà une préconisation qui fait l’unanimité : « Pas exactement le rythme de l’école car la situation est différente mais il faut conserver une hygiène de vie avec du sommeil, de l’activité physique, des repas équilibrés », avance Blandine Delignon, pédopsychiatre à Lille.

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Cette médecin, mère de trois garçons de 14, 17 et 18 ans, insiste aussi sur l’alternance semaine/week-end, « en essayant d’inventer des moments moins "ordinaire" le week-end, autour des repas ou des activités ». Pour casser, autant que possible, cette drôle de routine.

Travaux d’intérêt familial

Il s’agit de suivre les devoirs et les rendez-vous donnés par le collège ou le lycée mais aussi faire preuve de souplesse : « Je remarque que mes deux grands de 12 et 14 ans travaillent mieux en musique », note Anne Lucas, psychologue dans le Nord. Cette maman de quatre enfants de 3 à 14 ans a également établi un planning de confinement plus large, « avec des travaux d’intérêt familial pour tenir la maison : ranger, trier, nettoyer, jardiner… »

« Ici, il y a visiblement un report d’activité sur la cuisine », observe une autre Anne, contente de voir ses filles de 15 et 18 ans tester de nouvelles recettes. Le défi ? Jongler entre souplesse et rigueur : « On ne va pas en profiter pour leur faire apprendre le mandarin, sourit Anne Lucas, qui a cessé son activité même si ses patients peuvent la contacter par Skype. Et on lâche un peu de lest sur les écrans car c’est primordial qu’ils puissent rester en lien avec leurs amis. »

Conserver une activité physique

La présence physique des copains manque, les regroupements aussi, mais les ados savent y faire pour garder le contact virtuellement : « On a créé un groupe avec ma classe pour les devoirs, raconte Céleste, 15 ans, et avec mes amis, on se parle par message : je leur ai envoyé la liste de mes films préférés. » Suzanne, en classe de 3e, patiente avant de revoir son petit copain : « Je ne le voyais que le week-end avant, donc pour l’instant ça va… »

« On peut aussi apprécier qu’eux nous initient à leurs manières de communiquer », observe Blandine Delignon. Alice, 16 ans, organise des soirées de jeux en ligne avec des amis, grâce à une appli, Plato, et son club de basket a lancé un challenge vidéo « Stay at home » pour garder le lien social. Anis, lui, retrouve en fin d’après-midi des copains pour jouer en réseau sur sa playstation.

Si l’adolescent, en classe de 2de, ne ressent pas trop le besoin de sortir, la plupart des ados rivalisent d’idées pour conserver une activité physique : « Je fais une séance d’abdos tous les matins avec une appli, Lose belly fat », raconte Céleste. À Nantes, Eulalie, 16 ans, prend la main pour la séance de gym quotidienne : « Ça clôture l’après-midi de boulot en télétravail, raconte Sophie, sa maman. Nous suivons son entraînement en musique, façon salle de fitness. »

Partager son ressenti, échapper au regard parental…

Le confinement n’en est encore qu’au début mais il permet aussi de se ressouder autour des repas, des jeux de société… « Pas d’angoisse par rapport aux notes, et Céleste apprécie que je lui consacre du temps en dehors des devoirs », observe Anne. « Pour l’instant, je me surprends à être la mère que j’aimerais être toute l’année ! », note avec humour l’autre Anne.

Il y a en tout cas un autre point à prendre en compte : « Il faut respecter l’intimité des adolescents et leur besoin d’échapper parfois au regard des adultes pour grandir en autonomie notamment le soir », insiste le Dr Delignon. « Sans pour autant les laisser se décaler totalement du reste de la famille. »

Et puis, il peut y avoir des angoisses à gérer autour de l’argent, la maladie, la mort… « Jeunes et adultes, on doit s’autoriser à exprimer et à partager ses angoisses et on a le droit de pleurer ensemble, considère Blandine Delignon. « Pour ensuite mieux se réassurer les uns les autres. Si c’est compliqué de parler à un membre du foyer, on peut appeler un interlocuteur privilégié à l’extérieur. »