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Facebook-dependant ! Leurs business ont été ruinés par l'affaire Cambridge Analytica

Ils utilisaient les data mises à disposition par Facebook. Avec l'affaire Cambridge Analytica, le réseau a coupé les vannes... et eux ont tout perdu. C’est le cas de Goosebump. Récit d'une faillite.

« On était complètement “Facebook dépendant”. » Rémy Fontanier le reconnaît. Le jeune homme de 23 ans, au côté de ses deux associés, Raphaël Doulonne et Axel Delafosse a été contraint de fermer sa startup, Goosebump, quand, à la suite du scandale Cambridge Analytica, Facebook a décidé de fermer le robinet des données pour des entreprises tierces.

La société britannique a récemment défrayé la chronique. Elle est accusée d’avoir collecté et exploité les données personnelles de 90 millions d’utilisateurs, sous le regard passif du réseau social. La société avait ensuite travaillé pour Donald Trump lors de l’élection présidentielle américaine de 2016. Alors, pour redorer son blason, l’entreprise de Menlo Park, récemment entendue par la justice américaine et attendue au tournant par l’Europe sur le sujet de la loi de protection des données personnelles (RGPD), a décidé d’être plus regardante sur le profil des entreprises qui utilisent ses données.

Side project et levée de fonds

L’histoire avait pourtant bien commencé pour les trois fondateurs de Goosebump. Il y a deux ans, ces copains de collège ont eu l’idée d’une sélection d’événements personnalisés envoyée via Messenger. Un chatbot de sorties, en somme. « On a commencé l’aventure en tant que “side project”. On a arrêté nos études à partir du moment où on a reçu des investissements. » L’été dernier, l’équipe s’envole pour la Californie. Le projet est sélectionné par Y Combinator, une entreprise américaine de financement précoce de startups à Mountain View en Californie. À la fin de l’été, l’équipe lève un demi-million d’euros, amplement suffisant pour commencer leur projet. Les entrepreneurs repartent en France et peaufinent leur idée.

Facebook connect et API

Pour envoyer les meilleures recommandations aux usagers de Goosebump, les entrepreneurs ont exploité les données mises à disposition par Facebook via son API. Grâce à cette interface de programmation, des sites extérieurs peuvent aspirer des informations du réseau, comme les pages aimées ou les articles lus et les coupler avec les siennes. Cette ouverture mis en place en 2010, présente un double intérêt. Du côté des sites tiers, les données fournies par Facebook sont une véritable mine d’or pour proposer du contenu archi spécialisé aux internautes. Et côté Menlo Park, Facebook a étendu et renforcé sa présence en ligne en créant un écosystème de business dépendants à ses données ainsi qu’un système de connexion unique : le Facebook Connect.

Clap de fin

Durcir l’ouverture de ses données est un changement de stratégie majeure dans l’histoire du réseau social. « À l’époque, c’était même recommandé par Facebook d’utiliser leurs données. Ils étaient ravis ! Il existait même des groupes avec des gens de chez Facebook qui donnaient des conseils pour mieux utiliser l’API. On avait de bons rapports avec eux. »

Hélas, il y a une dizaine de jours, le vent tourne pour l’agenda de recommandation de sorties culturelles. « Les robots ont commencé à nous envoyer des messages d’erreur. On s’est dit que c’était peut-être temporaire. Et là, on a vu une annonce Facebook qui disait que c’était fini. » L’agenda culturel des trois étudiants utilisait plusieurs parties névralgiques de l’API de Facebook : celle qui permettait de chercher et de trouver les événements, et celle qui donnait accès à la liste des participants. « Facebook a estimé que ça atteignait trop la vie privée des gens. Lol. »

Rémy Fontanier déplore l’opacité dont a fait preuve Facebook : « Sur les forum, beaucoup disent qu’il y a un double standard : certaines applications ont été moins affectées. Ils semblerait que celles qui sont plus grosses, comme Tinder, aient récupéré leur login le lendemain.» Le site Mac 4 Ever a en effet pointé que l’application de rencontres aux 50 millions de clients, aurait été HS le 4 avril 2018 pour « bon nombre d’utilisateurs »

Fin des partenariats avec les agrégateurs de contenus

Goosebump n’est pas la seule startup à souffrir du durcissement des règles d’accès aux données personnelles de ses utilisateurs. Le Figaro, dans un article daté du 29 mars 2018, explique comment Mark Zuckerberg a tourné le dos aux agrégateurs de données. Ces « data brockers » (courtiers en données) collectent des quantités astronomiques de données de consommateurs et les croisent avec celles de Facebook pour proposer des espaces publicitaires à des annonceurs. Facebook a annoncé mettre fin aux partenariats conclus avec 7 d’entre eux : Acxiom, Experian, Oracle (Datalogix), Transunion et WPP PLC. L’annonce de cette nouvelle a fait chuté de plus de 10% l’action Axicom.

Instagram en ligne de mire

Autres perdants, les sociétés s’appuyant sur l’API d’Instagram. Sans crier gare, l’appli a décidé de réduire de manière considérable le nombre de données exploitables par les entreprises tierces. C’est une catastrophe pour les applications, parfois payantes comme Reports+, proposant des analyses d’audience. Le journaliste de Tech Crunch, Josh Constine, écrit « Les développeurs me disent qu’ils sentent qu’ils sont dans le noir le plus complet et qu’ils sont furieux que le changement n’ait pas été planifié ou même annoncé officiellement, les obligeant à reconstruire leur app avec moins de requêtes vers l’API. » Mais la petite soeur de Facebook n’a probablement pas envie de passer le même sale quart d’heure que son grand frère...

Quant aux petits frenchies de Gossebump, ils ne se font pas trop de souci : « Nous c’est terminé. Mais on est jeune, on a envie de faire une stratup et il nous reste de l’argent. On va partir sur autre chose. » Et peut-être que cette première expérience aura appris à nos jeunes entrepreneurs que la dépendance totale aux grandes plate-formes est un modèle plus que précaire ?

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