Les plateformes de location touristique ont pris ce mercredi l’«engagement volontaire» de limiter à 120 jours par an la location des résidences principales, en mettant en place d’ici fin 2018 un blocage automatique. Avec cette décision, elles anticipent ainsi une obligation prévue par le projet de loi Elan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) en cours de discussion au Parlement. Dans un texte signé mercredi en présence du secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires Julien Denormandie, les plateformes membres de l’Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) s’engagent à «mettre en place, en concertation avec les villes, dans les meilleurs délais», cet outil, «dès lors qu’elles en ont la possibilité».

Les députés s’apprêtent à examiner le projet de loi logement censé créer le fameux «choc d’offre». Parmi ses 66 articles, un a retenu particulièrement l’attention des plateformes de location de type Airbnb: l’article 51. Il prévoit de sanctionner les propriétaires qui publient des annonces illégales (entre 5000 et 10.000 euros) et, pour la première fois, les sites eux-mêmes qui refusent de supprimer ces offres (entre 10.000 et 50.000 euros).

Face à ce nouveau risque pour leur modèle économique, les acteurs de la location de vacances (Abritel-Homelidays, Airbnb, LeBonCoin, TripAdvisor...) ont pris des engagements. «Concrètement, les plateformes rappelleront aux loueurs l’existence d’une limite réglementaire de 120 jours pour les résidences principales, mettront à leur disposition un compteur du nombre de jours de location, et un système de blocage de leur calendrier de réservation à 120 jours pour chaque annonce», précise le texte signé par les plateformes.

Il y a quelques jours, le directeur général d’Abritel (groupe HomeAway) et président de l’Union nationale pour la promotion de la location de vacances, Timothée de Roux, avaient présenté en avant-première au Figaro Immobilier les propositions des plateformes.

Le Figaro - Le projet de loi logement prévoit de sanctionner les plateformes qui ne suppriment pas les annonces de location illégales. Comment avez-vous accueilli cette mesure?

Timothée de Roux - Nous ne sommes pas des agents de contrôle. C’est à la mairie de contrôler les particuliers qui publient des annonces de location, pas à nous. En revanche, si la mairie estime que l’un d’entre eux ne respecte pas la loi et nous demande de supprimer l’annonce, nous sommes d’accord pour vérifier son profil et éventuellement supprimer l’offre. Depuis 2014, nous avons constaté un durcissement des obligations à l’encontre des plateformes. Nous sommes favorables à une réglementation de notre activité à condition qu’elle soit intelligente. Or, la logique incitative de coopération s’est transformée en contraintes.

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L’article 51 du projet de loi cible tous les loueurs sans exception, y compris les particuliers louant occasionnellement leur résidence principale en leur imposant des lourdeurs administratives supplémentaires et en pénalisant leur pouvoir d’achat. Le gouvernement aurait dû cibler exclusivement les investisseurs qui font de la location saisonnière dans des zones d’habitat tendues. Nous estimons enfin que les sanctions prévues par le projet de loi sont disproportionnées au regard des potentielles infractions (dépassement de la durée de location de 120 jours par an et absence de numéro d’enregistrement).

Timothée de Roux, directeur général d’Abritel et président de l’Union nationale pour la promotion de la location de vacances Crédit Photo : Franck Thibault/HomeAway France

L’obligation pour un propriétaire de s’enregistrer est un échec pour vous?

C’est un échec évident. La mairie de Paris, par exemple, le reconnaît elle-même. À ce jour, entre 15 et 20% des propriétaires se sont enregistrés. Le projet de loi va renforcer ce mécanisme, aujourd’hui inapplicable et inefficace, alors qu’il doit au contraire d’urgence être réévalué. Et ce, d’autant plus que toutes les annonces ne sont pas soumises à cette obligation, comme celles de chambres d’hôtes. Et ce n’est pas fini: à partir du 1er janvier 2019, les propriétaires devront également communiquer aux plateformes leur numéro fiscal dans le cadre de la transmission automatique des revenus des utilisateurs au fisc.

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Il ne faudrait pas que ces contraintes incitent les propriétaires à se tourner vers des sites non contrôlés. J’entends que le gouvernement veut développer le tourisme. Avec ces mesures, il fait exactement le contraire. La France est devenue le pays le plus réglementé pour la location de vacances alors qu’il est le plus touristique.

Que proposez-vous?

Les principaux acteurs du secteur sont prêts à s’engager à mettre en place à partir du 1er janvier 2019* le blocage automatique à 120 jours par an de la location de toutes les résidences principales en France. Dès qu’il aura atteint ce seuil maximal, le propriétaire recevra un mail ou une alerte sur son compte Internet l’informant que son planning est fermé. Son annonce ne pourra donc plus recevoir de nouvelle réservation. S’il souhaite dépasser cette durée, il devra certifier être en droit d’héberger des vacanciers au-delà de cette limite. Par exemple, cet hébergement est sa résidence secondaire pour laquelle il dispose d’un numéro de déclaration valide. Nous proposons de mettre en place une demande systématique d’un numéro de déclaration pour les résidences secondaires dans les grandes villes (de plus de 200.000 habitants) qui ont instauré un système d’autorisation préalable.

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Enfin, et c’est une première mondiale, pour éviter que des propriétaires dépassent illégalement les 120 jours par an en cumulant leurs réservations sur plusieurs plateformes, nous proposons de mettre en place un dispositif permettant aux mairies de solliciter les plateformes via un tiers agrégateur afin d’identifier les fraudeurs. Notre objectif est de décourager les spéculateurs immobiliers. Nous sommes persuadés que nos propositions seront plus efficaces que celles du gouvernement. Il n’y aura plus de trous dans la raquette, à l’exception des petites annonces publiées sur des plateformes comme Facebook qui ne sont pas contrôlées. Nous espérons que cette économie souterraine sera soumise à la même loi et demandons au gouvernement qu’il n’y ait pas de distorsion de concurrence.

Avez-vous soumis ces propositions au gouvernement?

Nous avons présenté nos propositions aux ministres concernés qui les ont trouvées intéressantes. Nos échanges ont été constructifs. Nous attendons désormais leurs réponses et espérons qu’ils en tiendront compte durant l’examen du projet de loi.

*date à laquelle les plateformes devront communiquer les revenus perçus par leurs utilisateurs au fisc et collecteront partout les taxes de séjour