L’artiste américain Robert Indiana est mort le 19 mai à Vinalhaven, petite île située au large de la côte de l’Etat du Maine. Né sous le nom de Robert Clark le 13 septembre 1928 à New Castle, dans l’Indiana, il était âgé de 89 ans.
S’il fallait un exemple des méfaits que peut causer la célébrité d’une seule œuvre sur la réputation d’un artiste, ce serait lui. En 1964, il a l’idée de faire du mot « LOVE » – en quatre majuscules – l’objet d’un travail d’abord graphique et pictural, puis sculptural. Parce que ce mot est compris à peu près partout sur la planète, les déclinaisons de son idée deviennent vite innombrables, au point que beaucoup lui échappent, aussi bien du point de vue juridique que de celui de l’art.
Qui n’a vu des sérigraphies, des affiches, des objets dérivés conçus d’après son modèle initial sans savoir nécessairement qu’il en était le créateur ? De ce succès qui lui devint extérieur, puis dommageable, il conçut assez d’amertume et décida de quitter New York pour Vinalhaven en 1978. Il y est mort seul, après quatre décennies de retraite volontaire, retraite si complète que son décès n’a été connu qu’avec retard.
Sujets et matériaux dans la rue
Or l’œuvre d’Indiana est bien plus complexe et variée que ce que ce succès ferait croire. Issu d’un milieu modeste marqué par la crise économique des années 1930, il passe par plusieurs établissements scolaires et par l’US Air Force avant d’être admis en 1949 dans l’école de l’Art Institute de Chicago (Illinois), formation qu’il complète par un séjour au College of Art d’Edimbourg et par un voyage en Europe en 1953.
A son retour, en 1954, plutôt que de retourner à Chicago, il décide de ne pas aller plus loin que New York. Il y entre bientôt en relation avec de jeunes artistes de son âge, Ellsworth Kelly, Cy Twombly, Jack Youngerman. Mais, à la différence de ceux-ci, dès ses premiers travaux, il prend sujets et matériaux dans la rue.
Ses sujets : il compose avec des signes tels qu’étoiles, cercles ou triangles, auxquels s’ajoutent des mots complets ou incomplets, en capitales : « ELECTI », « MAN », « THE AMERICAN DREAM ». S’y ajoutent aussi des chiffres et des sigles industriels ou publicitaires – tous signes qu’il peint avec la plus parfaite minutie dans des couleurs intenses.
Quand il ne peint pas, il assemble : poutres, caisses et roues de bicyclette forment des sortes de totems à l’industrie, marqués eux aussi de mots en capitales, « HOLE », « MATE », « BAR », « SLIP ». On peut y voir des allusions au quotidien le plus ordinaire ou, pour certaines, aux combine paintings de Robert Rauschenberg.
Il vous reste 46.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.