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Tendance : après l'escape game, les marques se mettent au théâtre immersif

© Nikada via Getty Images

Les marques ont aimé l’escape game, elles vont adorer le théâtre immersif. Puissant vecteur d’émotions et d’aventures « in real life », la pratique plaît à un public avide de déconnexion et d’authenticité.

De la vraie vie, sans casque de VR ni sophistication technologique ? À Paris, le théâtre immersif (un théâtre interactif, sans frontière entre les acteurs et le public, ndlr) creuse son sillon. On se rappelle de DAU, cet événement controversé qui proposait une immersion dans l’époque soviétique. Quelques mois plus tard se jouait Heroes au Bus Palladium, une pièce de théâtre immersif réunissant David Bowie, Janis Joplin et Joe Cocker dans un show de 3 heures dont vous étiez le héros. De fil en aiguille, nous avons découvert Close, une expérience similaire dans le Paris de 1917 où spectateurs et acteurs déambulaient masqués, coupe de champagne à la main. Le 22 mai dernier, le théâtre Mogador inaugurait même son premier « escape game théâtral » , un genre de Cluedo géant organisé dans les coulisses du bâtiment. Portée par le succès des escape games et popularisée dans les années 2000 par la compagnie anglaise Punchdrunk, la tendance séduit désormais les marques pour sa capacité à engager physiquement et émotionnellement le public.

Heroes au Bus Palladium - Vidéo : Antoine Della Maria

Lâcher son smartphone pour vivre une aventure « IRL »

Ancien du monde des agences et co-auteur fantasque du spectacle Heroes, Jules Guillemet évoque une similarité propre aux deux mondes : « Le théâtre immersif, c’est comme en événementiel, il n’y a pas de quatrième mur, tout est décloisonné ». Lors d’un show immersif, les barrières tombent, les inhibitions aussi. On oublie son smartphone, on reprend le contrôle de son attention et on se lance dans une aventure aux côtés d’inconnus, tantôt acteurs, tantôt spectateurs. Ludique, excitante, galvanisante, l’expérience s’inscrit dans un élan global de déconnexion. « Les gens en ont marre du numérique et du virtuel. Ils veulent vivre des histoires dans la vraie vie, dont ils sont les héros, poursuit Jules. Il y a ce désir de ne plus être spectateur, de ne plus être simplement passif face à des flux "débilisants" ». Sur Facebook, un sondage publié sur un groupe d’initiés ( « Everything Immersive » ) dresse le même constat. À la question « Pourquoi participer à une pièce de théâtre immersif ? » , trois réponses sont fréquemment données. 1) Avoir la possibilité de vivre une aventure dans la vie de tous les jours 2) S’initier à une nouvelle forme d’art 3) S’échapper.  

« Nous vivons dans une société boostée à la "gamification" et sommes nous-mêmes des créateurs de contenus quotidiens. Pour moi, le théâtre immersif s’inscrit dans ce contexte », affirme Jules. Équivalent physique et dramatique d’un bon jeu vidéo, le genre répondrait aux attentes de notre génération. « La recherche de l’expérience, du voyage… les jeunes générations sont très tôt confrontées à la diversité du monde. Elles voyagent et sont plus aventureuses. Le théâtre immersif s’apparente à cela. Vous êtes plongé dans un monde qui a ses propres règles. Vous devez travailler vos capacités d’adaptation, vos réactions, c’est très challengeant. »

Passer un moment intime avec une marque

Challengeant, mais aussi particulièrement engageant pour une communauté de marque. À Paris, la société de production Big Drama collabore régulièrement avec des entreprises pour créer des spectacles immersifs sur mesure. Surfant sur des storytelling de marque bien léchés, le collectif d’artistes a notamment créé deux shows pour Bacardi et My Little Paris. À la clé, des fictions ultra personnalisées qui permettent aux communautés de plonger dans un univers de marque théâtralisé.

Big Drama & Bacardi

En parallèle de ses projets artistiques, Jules Guillemet participe aussi à la création d’expériences immersives pour des entreprises. Parmi elles, Princesse tam.tam qui lançait en février 2019 sa nouvelle plateforme de marque sur le thème de la complicité féminine. « L’idée était de créer une expérience immersive qui puisse rapprocher deux inconnues », détaille Jules. Orchestré dans 5 salles différentes, le parcours invitait les participantes à partager des secrets les unes avec les autres, à se découvrir le temps de quelques heures. « Un atelier leur permettait notamment de créer un parfum qui corresponde au ressenti de l’inconnue qu’elles avaient en face d’elles. Un autre reprenait à son compte les 12 étapes de l’intimité pensées par l’écrivain Desmond Morris. À l’issue de ce rapprochement progressif, les femmes avaient le choix de dévoiler le secret d’une inconnue ou de le garder pour elles. C’était une expérience très forte, très personnelle ». 

Plus anachronique : l’inauguration immersive de l’hôtel Victor Hugo dans le 16ème arrondissement de Paris. Déco style empire, groom old school dans l’ascenseur, comédiens débarquant tout droit du 19ème siècle, mise en scène romantique d’un poème de l’auteur… Jules nous décrit ici un tout autre espace-temps. « L’hôtel venait de rouvrir après une période de travaux et nous aimions cette idée de créer une capsule temporelle et poétique en lien avec l’époque de Victor Hugo ». Une inauguration en grande pompe qui a le mérite de faire voyager. « Contrairement à l’escape game, le théâtre immersif nous fait flotter entre réalité et fiction. C’est aussi un genre beaucoup plus puissant pour véhiculer des émotions ».

Théâtraliser l’expérience client

Si l’expérience physique doit être au cœur du dispositif, teaser le public au préalable fait aussi partie du show. Pour Jules Guillemet, le maître en la matière reste la compagnie anglaise Secret Cinema. Depuis plus de 10 ans, la société propose des expériences de cinéma en direct avec des acteurs et un décor reproduisant des scènes cultes du film projeté. Prisé des londoniens, ce format de spectacle nécessite que vous remplissiez un questionnaire en amont. En fonction de vos réponses, vous êtes muni d’une identité propre et d’un faux nom et avez pour consigne de respecter un certain style vestimentaire.

« Pour que l’expérience soit la plus immersive possible, il faut nourrir le public en amont, l’abreuver de contenus pour qu’il puisse s’y préparer », ajoute Jules. C’est d’ailleurs ce que commence à faire L’Antoinette, magasin multimarques immersif dont l’ouverture est prévue à la fin de l’année 2019 à Paris. Au programme, une vingtaine de comédiens incarnant des personnages de la cour de Louis XVI et Marie-Antoinette animeront différents stands de marques. Piloté par l'agence L'Antenne, le projet promet 700 m2 de jardins à la française, de cachettes secrètes et de couleurs pop... « Ambiance Sofia Coppola garantie ! », prévient Jules. Comme quoi, le shopping immersif se conçoit parfaitement avec 0 réalité virtuelle (ou augmentée) dedans.

Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.
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