Vidéo : quelle stratégie adopter pour les marques ?

Henri Griesmar, alias Hardisk, explique dans cette interview les pratiques des marques en matière de vidéo.

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Crédit : Getty / Mack15

Les marques créent de plus en plus de vidéos pour leurs besoins en communication ou en marketing, avec plus ou moins de succès. Moins de 15 ans après la création de YouTube, les codes du genre ont beaucoup évolué, avec l’avènement de YouTubers stars et d’une culture forte autour de ce genre bien particulier. Dans ce contexte, quelle place reste-t-il aux marques ? Quelles sont les bonnes pratiques pour donner du sens à ses vidéos ? Quels rapports avoir avec les autres créateurs de contenu et leurs communautés ? Henri Griesmar, YouTuber sous le pseudo Hardisk et dirigeant d’une entreprise de production vidéo, nous offre dans cette interview sa vision du marché actuel.

Peux-tu commencer par te présenter ? Depuis combien de temps t’es-tu spécialisé dans le domaine de la vidéo ?

Je suis Henri Griesmar, Hardisk sur Internet, je fais de la vidéo depuis 6 ans maintenant. J’ai d’abord travaillé sur des productions assez classique (corpo, publicité…) avant de m’intéresser aux films en réalité virtuelle, pour lesquelles j’ai participé à la production d’expériences pour Coca-Cola, Club Med, Nestlé et d’autres. En parallèle, je gère ma chaîne YouTube qui est mon travail principal depuis septembre 2017.

Avec la démocratisation de l’usage de la vidéo, de nombreuses marques se sont mises à en produire. Quelles sont les erreurs qu’elles doivent éviter ? Les bonnes pratiques et objectifs recherchés ?

C’est vrai que c’est devenu pour beaucoup de marques très présentes sur les réseaux sociaux un passage obligé. On retrouve dans cet exercice le même problème que dans d’autres types de créations originales : la peur du contrôle. On ne peut pas contrôler comment la vidéo va être commentée, reprise, parodiée… Les marques qui fonctionnent le mieux sur ces médias sont celles qui s’autorisent justement le plus cette perte de contrôle voire jouent avec en partageant les créations et détournements de leur communautés sur leurs réseaux.

Je ne pense pas en revanche qu’il y ait de limites sur qui peut faire de la vidéo en ligne : n’importe quelle marque peut commencer à en faire, mais il faut que cela serve un propos plus général. Faire de la vidéo n’est pas un objectif en soi. Il ne faut pas que ce soit un effet de mode impulsé par des dirigeants qui ne veulent pas rater le coche. Ceux qui ont du succès dans l’exercice sont généralement ceux qui ont des choses à dire.

Un autre risque concerne l’équipe qui va s’en occuper. De nombreuses entreprises essaient de les réaliser elles-mêmes, sans compétence particulière, en faisant travailler des gens déjà présents en interne. Mais si ce n’est pas pris au sérieux avec de vrais moyens, les résultats ne seront souvent pas à la hauteur. Deux choix sont possibles pour avancer dans le bon sens : engager quelqu’un avec de vraies compétences pour s’occuper du sujet de manière récurrente, ou prendre un prestataire externe dont c’est le métier pour des besoins ponctuels.

Qu’est-ce que permet de faire la vidéo que les autres médias ne permettent pas ?

La vidéo va permettre de toucher d’autres gens car c’est devenu le média de diffusion prioritaire, notamment chez les jeunes. Elles sont faciles d’accès, rapides, permettent la sérendipité et sont souvent hébergées sur des plateformes multi-contenus comme YouTube ou Facebook. Les marques peuvent donc avoir leur vidéo parmi d’autres, alors que quand on lit un article, on est déjà engagé dans un processus de consommation qui ne nécessite pas de parcourir plusieurs pages.

Un autre avantage est le fait de pouvoir communiquer de manière beaucoup plus directe. Une marque comme Shadow, par exemple, a fait le choix de communiquer comme des YouTubers, en adoptant les mêmes codes. Ils ont pris un représentant de leur marque qui est présent dans toutes les vidéos et qui reprend ses actualités, ses événements, et qui se fait le relai sur les réseaux sociaux de ce qui se dit sur elle. Cela permet une vraie incarnation et un ton totalement adapté. Il est de plus en plus pertinent pour les marques de construire une communauté sur le long terme et de devenir en quelques sortes leur propre média. Elles économiseront ensuite sur leurs achats médias et pourront engager cette communauté sur toutes leurs nouveautés.

Cette incarnation de la marque est-elle devenue un passage obligé ?

Plus tu es connu, et moins c’est un problème. Quand tu es Danone ou Apple, c’est beaucoup plus simple de présenter une vidéo en motion design pour parler de ses produits ou d’une de ses actualités. Une PME aura plus de soucis à se faire entendre de cette manière. Le fait d’humaniser sa présence, avec une personnalité déjà connue ou non, permettra alors de créer une relation avec la marque que l’on n’avait pas nécessairement avant. Cela engage plus que des informations sur un produit que l’on ne connait pas.

Le paid et la collaboration avec des YouTubers déjà établis sont-ils des passages obligés ?

Forcément, cela aide. Mais il y a toujours la notion de bonne idée au bon moment. Il est important de se tenir au courant de l’actualité et des tendances. L’achat a son intérêt dans différents cas, comme par exemple pour une annonce de produit pour une marque qui fait de la tech. Cela permet d’acquérir de la visibilité rapidement à un coût maîtrisé. Mais au-delà du paid, le plus intéressant est à mon avis l’influence, car elle permet de construire son propre canal de communication, là où l’achat mise sur une communication plus orientée « one-shot ». Si une marque dispose de quelqu’un qui fait des vidéos en son nom, elle peut très bien payer un influenceur pour coanimer un épisode. Il va alors ramener son public, ce qui a une valeur beaucoup plus grande qu’une campagne classique.

Quelles sont les bonnes pratiques dans ce travail avec les influenceurs ?

Le mieux pour une marque est de passer beaucoup de temps à chercher un sujet qui corresponde à l’influenceur et qui plaise à sa communauté. Cela ne sert à rien de se précipiter, cela peut parfois prendre des mois pour trouver les bons angles. Ensuite, une bonne pratique est de poster un épisode sur sa chaîne et un autre sur la chaîne de l’influenceur, cela permettra un vase communicant où le public pourra aller chercher une suite, un épisode 2 ou des explications plus poussées sur l’autre chaîne. Nous avons eu de beaux résultats quand nous avons testé ce genre de dispositifs.

As-tu observé une évolution de la présence des marques en vidéo ? Arrive-t-on à une maturité du marché ou les pratiques sont-elles encore très inégales ?

Selon les moyens, les marques peuvent produire des contenus qui sont de plus ou moins bonne qualité. On voit encore certaines d’entre elles produire des vidéos à l’iPhone sans budget avec des résultats très moyens. D’autres ont fait parler d’elles en mal avec des contenus maladroits. Mais ce qui est intéressant, c’est que les talents sont de plus en plus faciles à trouver puisque la génération YouTube arrive à un âge où elle est sur le marché du travail. Il est donc possible de trouver ces profils et de les intégrer pour des résultats pertinents. Pour reprendre l’exemple de Shadow, ils ont pris un YouTuber qui avait une petite chaîne, qui n’était pas forcément communicant mais qui connaissait bien YouTube, que ce soit la plateforme ou ses tendances. Cela permet d’augmenter la qualité des productions et les rendre pertinentes. Un autre facteur aide à la maturité des marques sur le marché de la vidéo : le coût de la production a drastiquement baissé, il devient de plus en plus abordable.

Pour terminer, quelles sont d’après toi les tendances de l’année en matière de vidéo ?

Le rapport à la monétisation est en train d’évoluer du côté des YouTubers. Depuis plusieurs années, les Américains ont une façon de vendre des placements de produits aux marques qui est très différente de celle des Français. On voit actuellement apparaître en France un format de publicité qui n’existait pas il y a quelques années, les InStream Ads. Il s’agit d’introduire sa vidéo en précisant qu’elle est sponsorisée par un annonceur, puis de parler de ce sponsor en plein cœur de la vidéo, au milieu du contenu. C’était encore très mal vu il y a peu de temps, mais cela commence à se démocratiser. Cela devrait se normaliser assez rapidement. Pour les marques, c’est beaucoup plus engageant de faire parler d’elles sans nécessairement être au centre du sujet de la vidéo, cela permet plus de libertés et de facilités à s’insérer dans les lignes éditoriales, mais aussi plus de récurrence dans les prises de parole.

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