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EDF, un géant attentif et prudent dans le minage de cryptomonnaies

Premier fournisseur d'électricité en France, le groupe travaille avec des « mineurs » tricolores. Mais EDF préfère garder ses distances avec un secteur qui pâtit encore d'une mauvaise image.

En France, EDF a des clients « mineurs » comme Tresorio.
En France, EDF a des clients « mineurs » comme Tresorio. (François Nascimbeni/AFP)

Par Raphaël Bloch, Nicolas Richaud

Publié le 11 mars 2019 à 07:30Mis à jour le 11 mars 2019 à 09:16

Le minage de cryptomonnaies, EDF suit ça de près. « C'est un aspect, parmi d'autres, de la blockchain qui est une technologie qu'on prend au sérieux, même si c'est encore une activité embryonnaire », souligne Gilles Deleuze, chef de projet Blockchain à EDF R&D au sein du Lab Saclay qui coordonne les activités liées à cette technologie chez EDF. 

Le minage est l'activité permettant de valider et sécuriser les transactions de cryptomonnaies, dont le bitcoin est la plus populaire. Or, Le minage nécessite une consommation énergétique élevée pour faire tourner les machines qui sécurisent les blockchains. 

En France, EDF a des clients « mineurs » comme Bigblock Datacenter ou Tresorio, avec qui le groupe fait de la récupération de chaleur à Metz, via un partenariat avec sa filiale Dalkia. Pour eux, la dépense énergétique représente la quasi-intégralité (entre 60 % et 90 %) des coûts. 

Les fournisseurs d'énergie sont donc des prestataires incontournables pour ces sociétés de minage auxquels EDF est attentif. En pleine fièvre « bitconienne » il y a près d'un an, une start-up française aurait même reçu une offre de rachat d'EDF à hauteur de 3 millions d'euros déclinée par son patron, a avancé ce dernier aux « Echos ». EDF n'a pas souhaité faire de commentaires.

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« Il y a encore un problème réputationnel avec la blockchain »

Cependant, le groupe avance à tâtons sur le sujet du minage. « Il y a encore un problème réputationnel avec la blockchain, les cryptos et donc le minage », fait valoir Gilles Deleuze. Mais ce buzz négatif qui colle à la peau du secteur n'est pas la seule raison de cette prudence.

« La question de l'utilisation de l'énergie est toujours sensible et EDF a besoin qu'un cadre réglementaire et légal soit fixé pour avancer. Par exemple, le minage n'a pas été reconnu comme une activité électro-intensive », fait valoir Gilles Deleuze. Cela avait pourtant été proposé par les députés impliqués dans la mission d'information sur la blockchain qui a donné lieu à un rapport présenté en décembre.

Mais l'amendement sur le minage a été rejeté par Bruno Le Maire il y a quelques semaines. La conséquence ? Impossible de faire bénéficier les acteurs privés du secteur de la réduction sur le tarif d'utilisation du réseau public de l'électricité (Turpe). Et donc de mettre du vent dans les voiles des sociétés tricolores.

« C'est aussi une question de souveraineté numérique »

Car le paysage du marché du minage a été bouleversé en un an. la rentabilité du minage est indexée sur les cours du bitcoin et autres cryptomonnaies. Pour chaque opération, tous les « mineurs » le désirant sont en compétition et celui qui la valide le plus rapidement est rémunéré dans la « crypto » qu'il « mine ». 

En corollaire, quand le cours de celle-ci baisse, le revenu du « mineur » décroît automatiquement. Et les cryptomonnaies se sont littéralement effondrées (-70 % en moyenne, bitcoin en tête) en 2018. Résultat, les «mineurs » doivent limiter leur dépense énergétique s'ils veulent rester dans le vert. Ou simplement survivre.

« La France a des ressources énergétiques considérables qui devraient permettre aux acteurs privés d'avoir un avantage concurrentiel. Nous avons un parc nucléaire conséquent et, lors des creux de consommation électrique, il pourrait être mis à profit des acteurs français du minage. C'est aussi une question de souveraineté numérique », expose Jean-Michel Mis, député (LREM) et co-rapporteur du rapport.

Bitfury met un pied en Allemagne

En attendant, le français Bigblock Datacenter va déménager sa ferme de minage au Kazakhstan pour bénéficier de tarifs plus compétitifs. De son côté, Bitfury, l'acteur numéro un du secteur en Europe, confie aux « Echos » qu'il est en négociations pour ouvrir de nouvelles installations de minage en Allemagne.

« Si la France dit demain qu'elle veut accueillir des fermes de minage et propose une électricité à un prix compétitif, on arrive tout de suite », lâche Jeremy Sewell, directeur financier de Bitfury qui possède aussi des « pools » en Norvège, en Géorgie, en Islande et au Canada.

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« C'est vrai que pour l'instant, ce sont des marchés qui échappent à EDF. Mais nous sommes prêts à travailler avec tout le monde, note Gilles Deleuze. Après, EDF ne pourra jamais s'aligner sur les tarifs de certains pays. Mais ce n'est pas forcément pertinent car les risques comparés à certains territoires sont moindres en France, les infrastructures numériques sont fiables et notre énergie est décarbonée, ce qui a une valeur. » Dans le minage, la France et EDF ne sont pas en pole position, mais pas non plus hors course.

Pour aller plus loin, rejoignez « Les Echos Cryptoclub »

Le minage, c'est quoi ?

Toute l'infrastructure d'une blockchain, technologie sur laquelle s'appuient les cryptomonnaies comme le bitcoin, repose sur le minage. Ce terme désigne l'opération par laquelle un bloc (soit un groupe d'opérations et de transactions) est validé par un des membres du réseau (un « mineur »), après avoir résolu un problème mathématique très complexe nécessitant la puissance de calcul d'un ordinateur. Pour chaque opération, tous les mineurs le désirant sont en compétition et celui qui la valide le plus rapidement se voit rémunéré dans la cryptomonnaie qu'il « mine ». En corollaire, quand le cours de celle-ci baisse, le revenu du « mineur » décroît automatiquement. Le minage est indispensable à la fluidité et à la sécurisation des échanges de cryptomonnaie. Pour simplifier, il est un peu à la blockchain ce que les serveurs sont au Web.

Raphaël Bloch

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