Une grande dame s’est éteinte : Michiko Ishimure, écrivaine qui révéla aux Japonais les souffrances des victimes de la maladie de Minamata (intoxication par le mercure) est morte le 10 février à Kumamoto. Elle avait 90 ans. Mêlant romanesque, poésie, journal intime, témoignages et histoire, elle fut la voix des 10 000 personnes qui ont été officiellement atteintes de cette maladie affectant le système nerveux central.
Née le 11 mars 1927 dans le village de Kawaura sur l’île Amakusa, elle avait grandi à Minamata (département de Kumamoto, dans le Kyushu) sur la rive opposée de la mer de Shiranui. Institutrice, elle avait découvert en se rendant à l’hôpital, où avait été hospitalisé son fils, les premiers malades souffrant de cette maladie mystérieuse qui n’épargnait pas les enfants, dont beaucoup naissaient avec des infirmités motrices et cérébrales lourdes. Un faisceau de symptômes (poissons morts, chats pris de spasmes convulsifs…) allait permettre de conclure à un empoisonnement de la mer. La maladie fut reconnue en 1956 mais, jusqu’en 1968, l’usine chimique Chisso qui déversait du méthyle-mercure dans la mer et l’Etat nièrent toute responsabilité.
A l’écoute des victimes
Michiko Ishimure rompit cette conspiration du silence qui contribua à contaminer la mer pendant des décennies. Elle ne fut certes pas seule à militer pour que la lumière soit faite et que les victimes soient dédommagées mais, par son empathie pour celles-ci, la trilogie qu’elle publia en 1959, Mer de souffrance, terre de lumière (Paradise in the Sea of Sorrow : Our Minamata Disease, University of Michigan, 2003) eut un retentissement particulier, s’inscrivant dans ce que l’on appellerait aujourd’hui la « narration littéraire documentaire ».
Michiko Ishimure a écouté les victimes provenant pour la plupart de communautés de pêcheurs des petites îles de la mer de Shiranui. A partir du récit de ces drames individuels (découverte d’une maladie sournoise à laquelle, au début, personne ne veut croire, agonie des malades dans des convulsions atroces, enfants handicapés se traînant sur les tatamis…), elle a reconstitué avec sensibilité une catastrophe collective.
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