Du lait, du sucre, des œufs, du chocolat… Sans oublier la crème fraîche fermière rehaussée de mascarpone pour préparer la chantilly : rien de sorcier dans la recette du liégeois au chocolat de Marie Morin, la société bretonne spécialisée dans les desserts ultrafrais. Mais le tour de main armoricain fait toute la différence. «Il y a du coffre, de la matière, de l’authenticité. Rien à voir avec ce que l’on trouve d’habitude sur le marché», s’enflamme Bruno Morin, le cogérant de la PME familiale, en faisant goûter des échantillons des dernières trouvailles maison. Et sur le plan calorique ? «Ah c’est sûr, nos produits sont riches. Ils sont mal notés sur l’application Yuka, mais vous savez quoi ? On s’en fout !», rigole le patron de 48 ans.

Apparemment, les consommateurs aussi : partout où ils sont distribués, les desserts de l’entreprise des Côtes-d’Armor font un tabac. Comme sa mousse au chocolat, un best-seller directement inspirée d’une création de la grand-mère paternelle dont le livre de recettes est précieusement conservé dans la famille.

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A elle seule, la mousse représente 45% des 21 millions d’euros de chiffre d’affaires de la PME. Lequel progresse chaque année de 10 à 12% malgré la baisse régulière du marché de l’ultrafrais, une conséquence de l’évolution des habitudes de consommation. La performance est d’autant plus notable que les produits des Bretons sont chers : 13 à 14 euros en moyenne le kilo, contre 6 euros chez un concurrent comme Bonne Maman, d’après les relevés de la société d’études Kantar.

«Aujourd’hui, les consommateurs sont prêts à payer plus pour des produits goûteux et élaborés selon des recettes traditionnelles, explique un cadre de Système U. Nous les recherchons, car les marges sont bien plus intéressantes que sur de simples yaourts.» Et voilà comment la PME, avec ses quelque 30 références, a réussi à se faire une belle place au sein de la niche des desserts premium aux côtés de rivaux comme Gü, La Fermière, Michel et Augustin ou encore Malo…

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L’affaire a débuté modestement, dans les années 1990. Alain et Marie Morin (parcours de directeur commercial dans l’agroalimentaire pour lui, dans la comptabilité pour elle) décident de se lancer dans un négoce de desserts faits maison. Les crèmes et les flancs en pots individuels étaient alors vendus en Bretagne sous la marque Mammig (mamy en vieux breton). Un nom qu’il faudra abandonner plus tard sous la pression d’une certaine… Mamie Nova, qui ne voulait pas que l’on fasse de l’ombre à ses yaourts. Rebaptisée Marie Morin en l’honneur de la mère d’Alain, la PME a ensuite décollé grâce à la mousse au chocolat. «C’est elle qui nous a ouvert les portes, mais aussi la recette de crème brûlée concoctée par mon père», raconte Bruno Morin, qui, dès 14 ans, accompagnait le paternel dans ses tournées en camion.

L’histoire aurait pu s’arrêter brusquement en 2001, après l’incendie du premier site de production breton. Mais la famille a fait bloc pour repartir de l’avant. Bien vu : installée à Quessoy, près de Saint-Brieuc, l’entreprise n’a cessé de s’agrandir, passant de 800 mètres carrés en 2003 à plus de 3 800 mètres carrés aujourd’hui, avec 60 salariés. A présent retraité, Alain Morin a passé la main à ses fils. Bruno, formé à la vente, s’occupe du commercial et de la logistique. Eric, passé par une école hôtelière où il s’est spécialisé en pâtisserie, supervise la production et la R&D. David, lui, est parti au Canada pour y implanter la marque. Quant à Marie, la mère, elle s’occupe toujours de la comptabilité.

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La nouvelle génération s’est bien gardée de changer quoi que ce quoi à l’esprit «roots» des débuts. Elle l’a même accentué. «On veut apporter quelque chose de différent au marché des desserts frais, retourner aux vraies valeurs. Il n’y a que des produits fermiers de super qualité dans nos recettes», vante le patron. Lait bio, crème fraîche, caramel au beurre salé, œufs… tous les ingrédients proviennent d’exploitations situées dans un rayon de 40 kilomètres autour de l’usine.

Même souci de tradition dans les ateliers, où flotte une délicieuse odeur de chocolat. Les œufs sont battus en neige avec les mêmes instruments que ceux de la ménagère lambda. Et sur la ligne des clafoutis, on surprend le responsable en train de poser délicatement des cerises au fond des pots en verre, remplis ensuite d’une préparation de lait, de sucre et de vanille, puis passés au bain-marie. Du vrai artisanat, l’automatisation qui mobilise 1,5 million d’euros par an depuis quatre ans étant limitée aux tâches les plus pénibles.

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«La traçabilité, les circuits courts, l’authenticité, tout ça correspond bien aux attentes des Français et valorise l’image de l’entreprise», salue Romain Le Texier, directeur de clientèle spécialisé dans les produits laitiers chez Kantar. Le côté rustique se retrouve même dans l’emballage des traditionnels pots en verre de la marque, utilisés en quantité astronomique : 25 millions par an ! «On a fait un gros travail pour renforcer notre identité et retransmettre la notion de qualité au travers du packaging», confirme Maxime Resmond, le responsable du marketing. Avant, le fond était noir dans le but d’exprimer le côté premium. Il représente désormais une table de bois sur laquelle reposent un pot ouvert et une petite cuillère contenant une bouchée prête à être consommée. De quoi exciter la gourmandise. Une calligraphie à l’ancienne complète cette approche campagnarde en diable, bien dans l’air du temps.

Les Morin ont conservé un autre principe : ils ne lancent que des produits qui leur plaisent. Intronisé «créateur de bonheur», Eric, le pâtissier de la famille, fait régulièrement goûter ses nouveautés dans le bureau de son frère. Représentants du marketing, de la qualité, de la production, chacun donne son avis. Mais attention, l’exercice n’est pas infaillible. Plébiscité en interne, le moelleux pistache chocolat n’a par exemple jamais séduit les foules : la couleur kaki du fruit sec surprenait les consommateurs, davantage habitués au vert fluo de versions plus industrielles. La tarte à la mandarine («trop segmentant») ou l’amandine aux poires, difficile à vendre en pot individuel, n’ont pas non plus passé la barre… On peut souhaiter au dernier-né, une pannacotta astucieusement sucrée au miel, un plus bel avenir.

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Celui de Marie Morin est en tout cas ouvert. «La marque est achetée une fois par an par 7% des foyers habitués à fréquenter les enseignes de grande distribution», indique Romain Le Texier. Malo atteint les 18%, La Fermière 16% , il y a donc de la marge. L’entreprise peut aussi investir de nouveaux marchés en dehors du créneau des seuls desserts pâtissiers et autres entremets qui ont forgé sa réputation. Enfin, elle peut élargir son rayon d’action. Aujourd’hui, la PME réalise 37% de ses volumes de vente en région parisienne et 26% dans l’ouest du pays. Bref, foin de Yuka, d’autres territoires sont à conquérir.

Une histoire de famille

Bruno Morin, l’aîné de la fratrie, s’occupe du commercial et de la logistique.
Eric Morin, lepâtissier, réinvente les desserts comme s’ils étaient faits à la maison.
Les deux frères continuent à s’inspirer dulivre de recettes de leur grand-mère.
La PME produit jusqu’à 60.000pots par jour de son produit phare, la mousse au chocolat.

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