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Des influenceurs davantage payés par les marques

Dans le marketing d’influence, un secteur qui brasse plusieurs milliards de dollars, les collaborations rémunérées sont en train de prendre le pas sur les cadeaux en nature.

M le magazine du Monde

Publié le 30 mars 2018 à 10h15, modifié le 03 avril 2018 à 13h21

Temps de Lecture 6 min.

Les comptes Instagram des influenceuses Jeanette Friis Madsen et Emili Sindlev.

« Je ne peux pas payer mes impôts avec un sac », résume Veronika Heilbrunner, influenceuse et cofondatrice du magazine Hey Woman !. Avec plus de 150 000 abonnés sur Instagram et plusieurs collaborations avec de prestigieuses marques de luxe à son actif, Heilbrunner n’a aucun doute : l’époque où les influenceurs acceptaient des cadeaux plutôt que des chèques est révolue.

Désormais, rien que pour Instagram, le secteur de l’influence est évalué à un milliard de dollars (800 000 000 d’euros) par l’agence Mediakix. Les influenceurs ont parcouru un long chemin en peu de temps. Tout a démarré avec quelques blogs perso et des cadeaux occasionnels de la part des marques.

Des budgets réservés

Aujourd’hui, il existe toute une économie dans laquelle les marques doivent rémunérer les influenceurs, avec des budgets marketing alloués au coup par coup mais de plus en plus conséquents. Cela étant, la nature de la collaboration est compliquée à évaluer : pour les influenceurs, il ne s’agit pas seulement de publier un post et de recevoir un chèque – tout cela requiert en réalité beaucoup de travail, la plupart du temps sans contrepartie financière.

Le fait que ces budgets soient désormais réservés aux influenceurs est tout à fait logique puisque en cinq ans, selon Tribe Dynamics, 90 % des marques ont augmenté leur « earned media budget », c’est-à-dire leur budget pour une exposition sur les réseaux sociaux, les blogs ou dans les avis et les commentaires en ligne.

Alors que le prix d’une publicité dans le Vogue anglais se négocie au minimum 28 000 livres (22 500 euros), un influenceur suivi par plus d’un million d’abonnés – avec un retour sur investissement quantifiable et des fans mobilisés – facture environ 15 000 dollars (12 000 euros) le post sur Instagram. Il permet aussi de s’adresser à la « génération next », ces jeunes qui puisent leur inspiration sur leur téléphone plutôt qu’en lisant attentivement des magazines.

« Une marque qui me donne un sac ne va pas compenser pour tout le travail créatif que je fais pour elle. » Leaf Greener, styliste et consultante

« Toutes les marques s’y mettent de façon naturelle : elles étudient leurs budgets marketing et voient bien vers quoi les jeunes se tournent », explique Pernille Teisbaek, cofondatrice de l’agence de marketing d’influence Social Zoo, qui s’occupe d’influenceuses comme Emili Sindlev et Jeanette Friis Madsen. Beaucoup de ces marques, qui n’enregistrent plus de retours sur investissement satisfaisants avec la publicité traditionnelle, se lancent donc dans le marketing d’influence pour essayer d’augmenter leur valeur aux yeux des internautes. Mais au fur et à mesure que le pouvoir des influenceurs augmente, il devient difficile de ne pas les payer.

D’après Teisbaek, même les plus grandes marques européennes, comme Chanel, « commencent à rémunérer les influenceurs. Elles estiment qu’il est important de rétribuer les gens qui travaillent avec elles ». Les marques, qui pouvaient compter sur leur prestige pour mettre en place des collaborations, ne peuvent plus se contenter d’offrir des cadeaux et des voyages. « Une marque qui me donne un sac ne va pas compenser pour tout le travail créatif que je fais pour elle », estime la styliste et consultante Leaf Greener. Désormais, on sait que Louis Vuitton, Dior et Gucci rémunèrent aussi les influenceurs.

Mettre en scène les cadeaux

Cependant, toutes les interactions entre une marque et un influenceur ne sont pas rétribuées. « Les marques de luxe essaient de trouver un équilibre entre rémunérations et prestations gratuites, comme la présence à un événement, explique l’influenceuse Doina Ciobanu. Elles paient de temps en temps pour une collaboration purement commerciale, mais elles s’attendent à ce que par ailleurs tu assistes aux dîners, aux défilés de mode, ou que tu mettes en scène leurs cadeaux. »

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Selon une étude de Tribe Dynamics, parmi les marques qui bénéficient de la meilleure exposition sur les réseaux sociaux, toutes ont envoyé leurs produits aux influenceurs, les trois quarts les ont invités à des événements, la moitié à des voyages. La règle étant que les collaborations commerciales se négocient avec un budget alors que les voyages, les défilés de mode et les dîners font partie des simples relations d’affaires entre marques et influenceurs. « On ne peut pas dire qu’à chaque fois qu’un influenceur et une marque travaillent ensemble, il est question d’argent, mais s’il s’agit d’un vrai projet formel, alors oui il y aura une forme de rémunération financière », résume Max Stein, le directeur général de Brigade, une agence de management pour créatifs.

Micro-influenceurs gratuits

La difficulté ? Trouver le juste milieu. « Bien sûr qu’il est question d’argent, précise Jennifer Powell, fondatrice d’une agence éponyme qui représente des influenceurs. Mais les talents dont je m’occupe doivent faire des choses gratuitement au quotidien pour préserver l’intégrité de leur démarche en ligne. »

Les micro-influenceurs, dont les fans sur Instagram se comptent en milliers et non en millions, travaillent, eux, surtout gratuitement. Le fait que le prestige de la marque mette en valeur leur propre profil et leur standing parait suffisant. Néanmoins, quand ces influenceurs atteignent un certain seuil – nombre de fans important, bonne viralité – les collaborations rémunérées commencent.

Le compte Instagram de Veronika Heilbrunner, influenceuse et cofondatrice du magazine Hey Woman !

Dans tous les cas, la clef du succès demeure l’authenticité, et tout le monde est d’accord sur le fait que les relations à long terme sont cruciales. « Il n’y a pas plus de dix marques que j’apprécie vraiment et avec qui je travaille depuis plusieurs années », explique Heilbrunner. Effectivement, les marques haut de gamme font régulièrement appel à une cohorte d’influenceurs pour des collaborations à petite ou grande échelle. « Je ne cherche que des relations à long terme où j’épouse totalement la marque, décrit Danielle Bernstein, l’une des clientes de Powell qui affiche 1,7 million d’abonnés sur Instagram. Un post unique sur un sujet, c’est du passé. »

Quand un influenceur et une marque partagent la même esthétique, le fait de collaborer sur plusieurs projets confère une forme d’authenticité aux yeux des clients. La relation semble plus sincère lorsqu’une interaction sur cinq est rémunérée et que les quatre autres – quelques photos d’un dîner ou d’un voyage organisé par la marque – sont simplement le fruit de l’engouement spontané de l’influenceur pour la marque. Mais pour Heilbrunner, même pour ces quatre interactions-là, « il faudrait qu’il y ait une forme de rétribution ».

Une société tiers

Si les marques de luxe paient, elles ont plutôt tendance à le faire en passant par une société tiers ou par le biais de leur marque sous licence. Chanel, par exemple, compte une branche mode et une licence pour les produits de beauté. Une collaboration rémunérée, que ce soit une campagne de publicité ou une bannière sur un site, viendra plutôt de la partie beauté – un nouveau parfum ou ligne de maquillage – alors que l’influenceur se rendra en parallèle gratuitement au défilé de la marque pendant la semaine de la mode, et recevra des vêtements et des accessoires à porter et mettre en valeur, sans paiement direct.

Les grandes marques ne vont rémunérer un influenceur que s’il a déjà atteint un certain niveau dans sa carrière, et de façon ciblée, selon que le projet commun est purement commercial ou s’il s’agit d’une simple mise en scène de ses produits. « Mais ce n’est pas une bonne raison de ne pas payer un petit quelque chose », estime Heilbrunner. De la même façon, Ciobanu affirme que, « c’est de la responsabilité des influenceurs d’établir leurs propres règles. Si nous insistions tous un peu, de plus en plus de marques nous rémunéreraient ».

Par Victoria Berehna de Business of Fashion.

Traduction : Emma Fisherman

Retrouvez l’article en anglais sur : Businessoffashion.com

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