Le cerveau ado et l’apprentissage – trouver l’équilibre

Comment les adolescents apprennent-ils ? Comment fonctionne leur cerveau face aux apprentissages ? Un article pour faire le point.

Quelles sont les conséquences du développement du cerveau pubère sur l’apprentissage ? Le cortex frontal n’est pas encore entièrement développé.  Il y a donc parfois décalage entre le cerveau ado et l’apprentissage.  Et sur leurs résultats scolaires !  Un résumé de la situation.

Article mis à jour le 18 mai 2021.

Dans un article précédent, Ecole, cerveau et puberté, le triangle des Bermudes, j’évoquais le fait que le cerveau des ados continue à se construire.   Et que toutes les parties du cerveau ne se développent pas toutes en même temps.  Que la communication entre toutes ces aires, n’est pas encore très bien établie.

Quelles sont les conséquences de ces phénomènes sur l’apprentissage ?

Le cortex frontal : le centre de coordination

Dans l’article précédent, j’ai appelé le cortex frontal “le centre de commande de nos facultés cognitives”.   C’est que le cortex a une fonction de régulateur.  Il coordonne l’activité d’autres aires cérébrales et donc des fonctions qu’elles contrôlent.  Sur la mindmap ci-dessous, vous pouvez voir les différentes facultés cognitives coordonnées par le cortex frontal. (Cliquez sur l’image pour l’agrandir).

Carte mentale réalisée avec le logiciel de mindmapping Novamind sur le cortex frontal et son rôle de coordination des différentes fonctions cérébrales
Le cortex frontal – centre de commande

Prenons l’exemple de la planification du travail scolaire.   Cela paraît facile ou naturel à beaucoup d’adultes.   En réalité, cela suppose un enchaînement et une coordination de tâches intellectuelles complexes.

Planifier : un ensemble de tâches complexes

Notre ado, appelons-le Antoine, doit d’abord se souvenir d’indiquer au journal de classe la matière à étudier ou le devoir à rendre.  Cela suppose de pouvoir comprendre l’information, d’en extraîre l’essentiel et de le formuler sous forme d’objectif (filtrage d’information) : une description précise de ce qu’il faut faire, de la forme que cela doit prendre, et du délai dans lequel il faut le rendre.

 Cela suppose de ne pas se laisser distraire par ce qui passe à ce moment-là dans la classe (attention soutenue).   Pendant qu’il étudie ou rédige son devoir, Antoine doit pouvoir rester concentré sur ce qu’il fait et ne pas se laisser distraire par l’environnement (sms, bruits de la maison, etc.).

Mais un devoir – comme une catastrophe – n’arrive jamais seul : souvent, il y en a plusieurs dans une même journée, qui correspondent à des cours différents et qu’il faut remettre à des dates diverses (flexibilité).  Cela suppose également de pouvoir établir des priorités : quel devoir rendre demain, le jour suivant, etc.  Lequel me demandera le plus de temps.  Par lequel commencer ?  Il faut donc être multitâches et pouvoir jongler avec l’ensemble des devoirs et leçons à remettre.

Il faut pouvoir se souvenir d’un ensemble important de choses (mémoire) et être capable de demander des précisions ou des informations complémentaires pour pouvoir s’adapter à se qui est demandé  (emploi du feedback).

Et tout cela doit être géré dans le temps en tenant compte des ressources disponibles.

Le cerveau ado et l’apprentissage : des aires qui évoluent séparément et à des moments différents

Une coordination efficace des aires cérébrales qui accomplissent toutes ces fonctions suppose une maturation complète du cerveau et en particulier du cortex frontal.

Or, chez les adolescents, certaines de ces aires sont encore en construction.  Si la plupart des fonctions de résolution de problème se mettent en place entre 5 et 12 ans, les fonctions les plus complexes, nécessaires à la planification, se construisent entre 15 et 25 ans.

Dans ce cas, demander à un adolescent de 14 ans de gérer son argent de poche n’a pas beaucoup de sens : s’il sait déjà compter depuis plusieurs années, son cortex frontal n’est pas assez développé pour assurer les tâches de gestion, planification, respect des règles, etc. que cela suppose… Une fois de plus, le cerveau ado et l’apprentissage sont en décalage.

La mémoire de travail

Une des découvertes les plus récentes des neurosciences est l’importance de la  mémoire de travail.  Celle-ci est beaucoup plus efficace chez les adultes que chez les enfants : les adultes peuvent se souvenir d’un nombre plus important d’objets pendant un temps plus long.  Mais ce qui fait surtout la différence, c’est le nombre et la complexité des manipulations qu’un adulte peut accomplir en utilisant sa mémoire de travail, comparativement à un enfant ou à un adolescent.   Or, dans la planification, nous sommes amenés à effectuer des opérations complexes en utilisant notre mémoire de travail.  Et chez les adolescents, les différentes aires qui travaillent ensemble à ces opérations complexes ne communiquent pas bien ensemble.

Un exemple tout simple : on demande à des enfants, des ados et des adultes de retenir une séquence de lettres pendant quinze secondes : A – D – C – E.  Tout le monde y parvient sans peine.  Si on leur demande de réciter la suite à l’envers, les ados et les enfants ont beaucoup plus de mal.  Et si on leur demande de les reciter dans l’ordre alphabétique, seuls les adultes s’en sortent bien.  Parce que la communication entre les aires du cerveau concernées est meilleure chez les adultes.  Elle n’existe pas encore chez les enfants et elle se construit chez les ados.

C’est également le cas du cortex frontal latéral, responsable de l’emploi du feedback.  Or, ce feedback ne sert pas uniquement à demander des précisions par rapport à un devoir.  C’est l’étalon personnel qui nous permet de mesurer où nous en sommes et donc d’évoluer.  Cette aire du cerveau est l’une des dernières à se construire.  Cela explique aussi pourquoi les adolescents ont du mal à changer leur façon d’agir, à tenir compte des changements dans leur environnement et de réagir à temps.  Notamment à une baisse des notes sur le bulletin.  Ou à un avertissement du professeur.  C’est aussi une des raisons pour lesquelles les ados changent difficilement leur façon d’étudier, même si celle-ci ne leur réussit pas…

Les leçons du Jacques a dit

Vous vous souvenez du jeu “Jacques a dit” de votre enfance ?  Vous devez respecter la consigne uniquement si elle s’accompagne de l’expression “Jacques a dit”.  Sinon, vous devez rester immobile.  Les adultes s’en tirent mieux que les enfants.  Les enfants de moins d’un an en sont pratiquement incapables.  Entre un an et 8 an, cela reste difficile.  Les chercheurs ont découvert qu’entre 8 et 12 ans, les enfants utilisent l’aire dorsale du cortex frontal pour mener cette opération à bien.  Entre 12 et 18 ans, le cerveau se réorganise et les adolescents utilisent désormais l’aire ventrale latérale du cortex frontal.  Mais pendant cette réorganisation, la communication entre les différentes aires est plus laborieuse que chez les adultes.  Il faut donc attendre 25 ans pour que le jeune arrête au feu orange.  Ou qu’il puisse se concentrer dans un environnement bruyant.  Ou qu’il ne sur-réagisse pas à certaines remarques désobligeantes de ses copains.

Interférences versus multitâches

John Ridley-Stroop a mis au point un test que bon nombre d’entre vous ont certainement déjà essayé : celui de dire à voix haute le nom d’une couleur alors que celui-ci est écrit dans une autre couleur.  Par exemple, lire le mot jaune écrit en vert.  Comme sur l’image ci-dessous. (Cliquez sur l’image pour l’agrandir).

le-cerveau-ado-et-lapprentissage - Mesure des interférences pendant la lecture
Test de Stroop

Les adolescents, une fois de plus, ont de la peine à dire le bon mot.  Ils sont victimes de ce que les neurosciences appellent des interférences.  Le côté gauche du cortex frontal, qui permet de gérer cette dissonance entre deux informations, n’est pas mûr avant 18 ans au moins.   C’est malheureusement aussi le siège qui nous permet d’être multitâches.  Alors que les ados adorent étudier tout en écoutant leur MP3 et en regardant l’évolution d’un jeu sur Internet, leur cerveau est moins préparé que celui de leurs aînés à la gestion de plusieurs tâches à la fois.   Mais allez les convaincre d’éteindre la radio ou la télé pendant qu’ils révisent les maths ou l’anglais !

Le jeune cerveau pour l’anglais et le vieux pour les maths ?

Le cerveau de l’enfant est plus adapté à l’apprentissage des langues.  C’est pourquoi les enfants multilingues peuvent passer d’une langue à l’autre, parfois au milieu d’une même phrase, en variant les accents comme par jeu.  Il y a une “fenêtre” d’apprentissage des langues.  Entre un et deux ans, les enfants connaissent ce que les spécialistes appellent “vocabulary burst”, une explosion du vocabulaire.  A trois ans, un enfant est généralement capable de construire des phrases grammaticalement correctes.  Et jusqu’à 8 ou 10 ans, il est capable d’apprendre n’importe quelle langue étrangère avec l’accent juste.

Les spécialistes pensent que le développement intense de la matière grise jusqu’à cet âge est également responsable de cette acquisition facile du langage.   Mais après les choses se compliquent.  Et si l’apprentissage des langues est possible tout au long de la vie, il nécessite plus de temps et d’énergie.  C’est le moment d’utiliser des méthodes dynamiques et efficaces…

Par contre, les neurosciences démontrent que les enfants utilisent surtout leur cortex frontal et leur mémoire de travail pour effectuer des opérations mathématiques simples : autrement dit, ils utilisent énormément de ressources mentales.  Alors que les adultes qui ont pratiqué les mathématiques régulièrement depuis des années effectuent ces mêmes opérations avec leur cortext pariétal.  Ces opérations sont devenues en quelque sorte automatiques.

Ils vaut donc mieux commencer l’apprentissage des langues et des maths le plus tôt possible.  Mais pour des raisons différentes.

En attendant, conseillez à vos ados d’étudier dans un environnement calme, qui leur permet de se concentrer.  Et ne leur demandez pas de planifier leurs études à trop long terme.

Conclusion : le cerveau ado et l’apprentissage – un équilibre sans cesse remis en question

Si nos ados grandissent de plus en plus vite. S’ils ressemblent à des adultes de manière de plus en plus précoce… Ils restent des adolescents.

Avec un cerveau en construction. Avec un équilibre toujours mouvant entre le cerveau ado et l’apprentissage, qu’il soit scolaire ou celui que les parents essaient d’inculquer. Comme la gestion de l’argent de poche, la capacité à se projeter dans l’avenir.

Parce que nos adolescents nous ressemblent tellement, nous croyons qu’ils ont les mêmes capacités que nous. C’est une erreur courante. Mais c’est une erreur.

Essayez de vous en souvenir la prochaine fois que votre ado dépensera son argent de poche du mois en une semaine…

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25 commentaires

  1. […] Le cerveau ado et l’apprentissage Quel étudiant êtes-vous ? L’école dispense son enseignement à tous de manière indifférenciée. Scientists have recently explored whether comprehending common metaphors can activate parts of the brain that provide sensory experiences. For example, do your fingers feel rough if someone is said to have a gritty style? Prior research on metaphors, such as George Lakoff and Mark Johnson’s Metaphors we live by , suggests that our daily language is so full of metaphors, some of which are so familiar (like “rough day”), that they may not seem especially novel or striking. […]

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