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Les nouveaux défis des banques privées

Conseils mieux encadrés, relations davantage formalisées, tarification transparente, outils numériques de plus en plus présents : les prestations haut de gamme des établissements bancaires opèrent leur mue.

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Publié le 07 mars 2018 à 07h00, modifié le 07 mars 2018 à 15h44

Temps de Lecture 5 min.

Les banques privées ? Une offre premium pour une population avide de services et produits sophistiqués, personnalisés. Mais à la faveur des évolutions réglementaires, technologiques et sociétales, la nature de leurs relations avec ces clients privilégiés connaît des chamboulements faisant figure de tsunami dans un monde réputé pour son immobilisme. Mots d’ordre de ces mutations : protection, transparence et numérisation.

La réforme « MIF 2 »

L’année 2018 est d’abord marquée par l’entrée en vigueur de plusieurs réglementations visant à accroître la protection des investisseurs et la transparence du secteur. Appliquée depuis janvier, la législation communautaire « MIF 2 », qui concerne compte-titres et plans d’épargne en actions, a ainsi réformé l’en­cadrement du marché d’instruments financiers. Pour l’assurance-vie, une évolution proche est attendue en octobre.

L’idée est d’approfondir et de formaliser la connaissance du client par le banquier, pour aboutir à sa classification dans différents profils de risque

Si vous êtes client d’une banque privée, vous avez for­cément déjà constaté les effets de MIF 2. Votre conseiller s’est montré très curieux ces derniers mois ? Il a posé une foule de questions sur votre expérience sur les marchés, votre tolérance au risque et vos connaissances ? Vous avez cru passer un examen quand il vous a demandé la définition d’ETF ? Mieux vaut s’y faire, ces enquêtes sont vouées à être actualisées chaque année. L’idée est d’approfondir et de formaliser la connaissance du client par le banquier, pour aboutir à sa classification dans différents profils de risque. Car sous MIF 2, la banque doit vérifier l’adéquation entre les produits proposés et ce profil. Tout le processus de souscription, conseil compris, doit être documenté et archivé.

Autre nouveauté : l’obligation de détailler les frais avant et après chaque opération, et de les récapituler en fin d’année. Une transparence qui sera, à coup sûr, source de négociations début 2019, si le client découvre qu’il paie plus qu’il ne l’imaginait. Par ailleurs, les rétrocessions sont désormais interdites en gestion sous mandat – pour ceux qui confient à leur banquier le pilotage de leur portefeuille, donc. La rétrocession est une part de frais prélevée par la société de gestion sur la performance d’un fonds commun de placement ou une sicav, et reversée à la banque… Une pratique opaque, qui éveille la suspicion : comment s’assurer que le gérant ne soit pas tenté de ­sélectionner un produit qui lui rapporte plus ?

Impacts collatéraux

Ces nouveautés en termes de protection et de transparence ont des impacts collatéraux sur l’offre et la tarification. La frontière entre gestion conseil (le client bénéficie de recommandations mais décide) et gestion libre (l’investisseur est autonome) s’est clarifiée. « Il n’est plus possible d’apporter de conseil au client en gestion libre, celui-ci est désormais forcément encadré par contrat, note Olivier Paccalin, de Société générale Private Banking. Cette contractualisation marque le passage d’un modèle aux marges arrière mal perçues, où le conseil n’était historiquement pas ­facturé, à des marges avant transparentes. »

Plus le patrimoine est important, plus l’appétit numérique grandit

En gestion sous mandat, qui dit fin des rétrocessions dit, pour le client, hausse de la rentabilité du produit. Certains établissements la compensent en élevant leurs frais de mandat sous gestion, mais pas tous, et pas entièrement. Il ne faudrait pas décourager la gestion sous mandat, moins chronophage pour la banque que le conseil, surtout dans le nouveau cadre réglementaire. Pour les banques, se conformer aux nouvelles procédures fut un défi, d’autant qu’il leur est difficile de doper les frais, si visibles avec MIF 2. « Seule la numérisation des processus internes permet de gérer une telle masse d’informations sans erreur, d’assurer la traçabilité, sans répercuter nos contraintes sur les tarifs », détaille Olfa Maalej, membre du directoire de Neuflize OBC. « La réglementation est un des accélérateurs de la numé­risation », renchérit Renzo Evangelista, directeur délégué chez Edmond de Rothschild. Si les banques privées n’ont pas été précurseuses en matière de numérisation, beaucoup s’y sont en effet enfin attelées. « Nos études montrent que contrairement à ce que le secteur a longtemps pensé, plus le patrimoine est important, plus l’appétit numérique grandit, affirme Sébastien Lacroix, directeur associé senior chez McKinsey. Tirée par d’autres habitudes de consommation, la demande d’expérience client multicanale est en avance sur l’offre. Mais il y a eu un vrai réveil ces deux dernières années. »

Processus de démocratisation

En attendant sa mue numérique, le processus de démocratisation de la banque privée est enclenché. Différentes innovations sont disponibles depuis peu, d’autres attendues cette année. Arkéa Banque privée propose ainsi, depuis début 2018, le paiement par téléphone et a mis sur pied un mandat de gestion d’assurance-vie entièrement piloté par un algorithme. Société générale Private Banking prépare aussi « une offre de gestion conseil digitalisée pour la fin d’année, avec des services adaptés au profil de chacun, en complément du dispositif traditionnel ». Swiss Life Banque privée mise sur un agrégateur de comptes rassemblant tous les supports financiers du client. BNP Paribas Wealth Management a, de son côté, notamment mis sur pied un réseau social pour les clients très fortunés désireux de ­co-investir. Et prévoit d’ici à l’été le déploiement de la signature électronique. Dans les cartons, également, la création d’une « banque privée 100 % numérique en 2019, indique Sofia Merlo, codirectrice. Il s’agit de répondre aux attentes des clients les plus autonomes. Ils auront toutefois toujours accès à un conseiller dédié, je ne pense pas qu’un patrimoine ­complexe puisse s’en passer. »

« L’enjeu est de passer au numérique sans perdre son âme, car nos clients ne s’y retrouveraient pas »

Chacun cherche sa voie, pour ne pas laisser les acteurs émergents manger une part du ­gâteau avec leurs offres d’investissements financiers peu coûteuses, basées sur l’intelligence électronique. Avec aussi ses limites. « Notre stratégie “phygitale” laisse le conseiller au cœur de la valeur ajoutée, dans une relation à la fois physique et digitale », décrit Tanguy Polet, directeur général de Swiss Life Banque privée. Une banque privée 100 % numérique ? « Possible » à ses yeux pour la gestion financière pure, mais pas pour la gestion du patrimoine globale, comme les questions fiscales et successorales. « L’enjeu est de passer au numérique sans perdre son âme, nos clients ne s’y retrouveraient pas », estime Olivier Nigen, directeur d’Arkéa Banque privée. « Quand nous découvrons un client, poursuit-il, certains aspects sont indicibles, évoqués à demi-mot, par exemple des questions de succession en présence d’enfants de plusieurs lignées, qu’on entend favoriser ou non. Un robot n’entre pas dans cette dimension. » Mais la technologie libère du temps pour cette mission.

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