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Pourquoi meurt-on ?

Publié le 26 Juin 2017 à 07H00 Modifié le 26 juin 2017
L’ossuaire des catacombes de Paris
Cruelle ? Injuste ? Pour la science, la mort est une sorte de dommage collatéral. Car la sélection naturelle cesse de protéger l'individu une fois qu'il a passé l'âge de se reproduire. Si nous mourons, c'est pour que vive l'humanité...

Comment expliquer qu’on ait été mis au monde pour, un jour, mourir ? A chaque instant, nos cellules vieillissent un peu plus et nous mourons de cette lente débâcle. Mais pourquoi la vie programme-t-elle sa propre mort ? C’est pour le moins paradoxal si l’on songe à l’énergie que déploie le vivant pour subsister ! Au fil des générations, la sélection naturelle n’aurait-elle pas dû éliminer les gènes qui, in fine, nous sont fatals ? Là réside justement le secret. Ou plutôt le timing !

Car si mourir paraît inacceptable au niveau de l’individu, c’est tout le contraire à l’échelle de l’espèce : si nous mourons, c’est parce que la finalité de la vie n’est pas sa préservation, mais sa perpétuation. Une fois que l’individu a rempli sa mission de reproduction, la sélection naturelle ne le préserve plus. En sorte, c’est notre faculté à donner la vie qui, mécaniquement, signe notre arrêt de mort.

Pour comprendre cette surprenante conclusion, il faut avoir à l’esprit une loi intangible : au sein d’une même espèce, entre un individu doté d’une faible longévité mais se reproduisant abondamment, et un individu vivant longtemps tout en se reproduisant peu, le premier obtiendra les faveurs de la sélection naturelle, via une diffusion plus importante de ses gènes au cours des générations.

Nous sommes trahis par la sélection naturelle

La preuve : tous les gènes qui manifestent des effets délétères conduisant à la décrépitude de l’organisme s’activent après l’âge de la reproduction ! D’où la perpétuation, dans notre génome, des gènes qui conduisent à la sénescence : s’ils n’ont pas été éliminés au fil des générations, c’est parce qu’ils ne nuisent pas à la capacité de l’individu à se reproduire ! Pour ne citer qu’elle, la maladie de Huntington (une maladie génétique responsable d’une dégénérescence du cerveau) frappe ses victimes à partir de 35 ans, c’est-à-dire après qu’elles ont censément obtenu une descendance. Si cette maladie se déclenchait plus tôt, on pourrait supposer que ces individus auraient, à la longue, été éliminés.

Les mutations s’accumulent dans l’ADN

Déprimant ? En tout cas, dès que les organismes vivants ne sont plus capables de se reproduire, la sélection naturelle laisse s’accumuler les mutations délétères dans leurs génomes, lesquelles les mènent à une mort inéluctable. Ces gènes néfastes confèrent-ils en contrepartie certains avantages, tels qu’une meilleure aptitude à se reproduire ou une plus grande vitalité dans la fleur de l’âge ? Des scientifiques ont observé des souris dont la longévité avait été génétiquement augmentée. Résultat : elles présentaient, en contrepartie, non pas une plus grande vitalité, mais divers troubles, tels que le nanisme et une diminution très sensible de la fécondité, voire une stérilité complète…

Finalement, les lois de l’évolution ne semblent pas comporter de programme dédié à la mort naturelle des organismes. La mort ne s’inscrit dans aucune stratégie à long terme. Elle n’est qu’un effet collatéral dans une course à la reproduction entre organismes subissant des mutations aléatoires. Certains génotypes ont rendu ceux qui les portaient meilleurs reproducteurs, ce qui a fini par les rendre majoritaires. Si nous mourons, c’est pour mieux donner la vie. Tel est le véritable paradoxe de notre finitude.

D’après Science & Vie QR n°19 « La vie & la mort » – Feuilleter ce numéroAcheter ce numéro 

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