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Interview

Anne Hidalgo : « Depuis dix ans, Paris a aidé plus de 1.000 start-up »

Anne Hidalgo (Maire PS de Paris) et Olivier Mathiot PDG de PriceMinister Rakuten et coprésident de France Digitale

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Par Matthieu Quiret, Nicolas Barré, Guillaume Bregeras

Publié le 14 juin 2017 à 01:01

Paris est l'une des places montantes en Europe pour le développement de start-up. Comment peut-on aller plus loin ?
Anne Hidalgo : Paris aurait pu devenir une ville musée, comme Rome par exemple. Mais nous avons voulu que la ville devienne une capitale européenne et mondiale de l'économie numérique, et lorsque l'intuition s'est confirmée, nous avons agi avec la création d'incubateurs, un soutien financier aux start-up en amorçage et la transformation de quartiers comme le « Silicon Sentier ». En dix ans, Paris a conduit plus d'un milliard d'euros d'investissements publics dans l'innovation. Depuis 2010, le fonds Paris Innovation Amorçage a aidé plus de 1.000 start-up pour un total de 46 millions d'euros.

Olivier Mathiot : Paris a changé profondément durant ces dernières années. On peut le mesurer par le nombre de levées de fonds et de start-up créées. Mais ça ne va pas assez vite ! PriceMinister a été racheté par un groupe japonais, dont les dirigeants et les employés apprécient la qualité de la vie parisienne. En revanche, la perception « business » n'est pas encore assez forte, notamment auprès des Américains et des Chinois. Tout ne dépend pas seulement de la Mairie : il faut que les grands groupes rachètent davantage de start-up, que la fiscalité soit plus incitative, il faut créer davantage de conditions pour l'éclosion de vrais champions. Nous n'en avons pas assez, or c'est ce que regarde la Silicon Valley : le nombre de start-up ne les intéresse pas alors que des succès comme Criteo ou BlaBlaCar leur parlent.

Quels sont les éléments à travailler en priorité ?
O. M. : L'attractivité pour les fonds d'investissement, les grandes entreprises et les talents. Il ne faut pas que l'on pense que Paris n'attire que des chauffeurs de taxi. Pour cela, il faut travailler sur le logement et l'accompagnement des familles et afficher l'ambition que Paris devienne le premier hub en Europe. Pour développer cet écosystème, il faut un ensemble d'éléments, dont une offre scolaire bilingue importante, comme c'est le cas à Londres par exemple.

A. H. : Oui, mais cette offre scolaire est très chère à Londres. Ici, nous avons fait le choix avec l'Etat et la région de développer un enseignement public accessible à tous et d'accroître le nombre de filières internationales. Nous avons créé un guichet unique pour faciliter les rapatriements après le Brexit et l'accueil d'entreprises étrangères. Nous veillons toutefois à ce que les entreprises privilégient un développement économique utile socialement et respectueux de l'environnement. Dans ce sens, Paris va créer un Fonds vert avec la Caisse des Dépôts, qui attirera les financements en faveur de la transition énergétique. Nous allons aussi fédérer les initiatives autour de l'apprentissage du codage et des compétences numériques autour d'un lieu dédié, pour que chaque jeune Parisien puisse apprendre le langage numérique et que Paris devienne l'endroit où l'on vient massivement apprendre ce langage du futur.

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O. M. : Il est bon que Paris soit moteur dans ce domaine : 1 jeune sur 4 est au chômage et les start-up ne trouvent pas les talents dont elles ont besoin, elles sont en « chômage négatif » ! Nous avons besoin de plus de jeunes qualifiés à la sortie de l'école. J'ajoute que l'anglais est aussi capital pour renforcer notre attractivité : une ville où l'on parle mal anglais, ça n'attire pas les grands groupes internationaux ni les talents...

A. H. : Les outils numériques ne sont pas assez utilisés sur ce point. Je fais moi-même un rattrapage intensif de l'anglais avec l'application ABA English. Je trouve que des applications comme celle-ci mériteraient d'être déployées à grande échelle auprès des plus jeunes. Je ne suis pas ministre de l'Education, mais j'ai compris que, pour réformer l'école, il faut aussi agir sur son environnement. C'est pourquoi je tiens beaucoup à la réforme des rythmes éducatifs. A Paris, nous avons fait un choix qualitatif. Près de 300 ateliers périscolaires sont consacrés au numérique : initiation au codage, création multimédia, création de film d'animation. Si, vous aussi, vous pouvez dire à l'Etat qu'il doit s'appuyer sur ces expérimentations, ce sera une aide importante.

O. M. : Il faut aussi arrêter les querelles de chapelle : nous l'avons vécu au moment des labellisations de métropoles French Tech avec des équipes municipales, régionales qui tiraient la couverture à elles. Pour transformer l'écosystème, il faut mettre l'usager au centre et s'organiser autour de lui.

Comment Paris se saisit-il des nouvelles technologies numériques ?
A. H. : Nous investissons d'abord dans les écoles. Elles sont désormais dotées de capteurs de température pour que la communauté éducative puisse ajuster ses comportements et limiter la consommation d'énergie en temps réel. Avec le budget participatif, nous avons équipé tous les établissements qui le souhaitaient de matériel numérique et de petits robots programmables. Plusieurs collèges numériques sont en train d'être construits. Nous travaillons aussi sur la ville intelligente, pour laquelle j'ai organisé une mission à part entière dans mon administration. Pour mener des expérimentations, nous fourmillons d'idées et nous sommes souvent très forts. Par exemple, nous chauffons l'eau de la piscine de la Butte-aux-Cailles grâce à un data center en sous-sol. Nous expérimentons aussi des navettes sans chauffeur avec la RATP. La prochaine étape, c'est de passer à grande échelle. Dans ce sens, Paris va créer un Fonds vert avec la Caisse des Dépôts, qui attirera les financements en faveur de la transition énergétique.

O. M. : Il me semble qu'aujourd'hui, nous sommes à la bonne époque pour y parvenir grâce au Big Data et à l'intelligence artificielle. Mais encore faut-il que les données soient accessibles. Il serait intéressant que l'Etat ou la Mairie les mettent à disposition des start-up.

A. H. : Nous le faisons ! Les données de Paris sont ouvertes, nous avons créé un poste de « chief data officer » et sommes à l'origine du programme Data City avec Numa pour faire travailler ensemble les collectivités, les grands groupes et les start-up sur ces problématiques. Il y a encore des progrès à faire, par exemple sur les places de parking souterrain. Il y a plein de start-up qui ont des solutions imaginatives pour mieux partager et gérer ces places. La prochaine étape, c'est de les déployer sur tout le territoire parisien. On résoudra ainsi 30 % des difficultés de stationnement !

Comment peut-on mettre les habitants au centre de la révolution numérique ?
A. H. : La propreté est un excellent exemple. Nous avons mis en place l'application « Dans ma rue », qui permet à chaque Parisien de signaler depuis son mobile un dépôt sauvage en envoyant la photo à l'administration. Cela a nécessité des changements profonds de l'administration qui réceptionne ces signalements. Car si ce lien direct entre le passant et l'administration concernée ne débouche sur rien, ça aurait été rapidement déceptif. Une nouvelle version de cette application sort en juillet. La grande leçon de ce type d'expérience, c'est que les citoyens ont une expertise de l'usage et qu'il est possible de mettre cette expertise au service de la ville. Je vais bientôt mettre en place un « Civic Hall », sur le même principe que celui qui existe à New York, qui sera un lieu ouvert où les start-up et les citoyens travailleront à renforcer la démocratie par le numérique. Il sera installé temporairement à la Maison de l'air dans le parc de Belleville, avant de rejoindre en 2020 le coeur de Paris, dans l'un des bâtiments qui vont se libérer grâce à la fusion des quatre premiers arrondissements.

La Station F ouvre dans quelques jours. Il y a déjà beaucoup de lieux de travail collaboratif à Paris. Approche-t-on de la saturation ?
A. H. : Paris a donné l'impulsion et beaucoup investi dans les incubateurs. Aujourd'hui, l'écosystème est performant et les champions ajoutent leurs fonds, à l'image de Station F. C'est une très bonne chose. La ville va ainsi pouvoir orienter ses investissements vers de nouvelles priorités, notamment le numérique dans les quartiers populaires.

O. M. : Ce qui est certain, c'est que nous n'avons plus de problèmes de place pour les start-up, on a dénombré 250 espaces de travail collaboratifs comme le Numa, celui de Microsoft. Le problème est ailleurs. Je trouve qu'à l'image de New York qui a su se transformer d'une capitale financière à une ville orientée vers le numérique depuis la crise de 2008, il faut réfléchir au rapprochement entre les start-up et nos chercheurs qui sont très bons mais très mal payés. On pensait être un peu en retard sur le numérique, notamment à cause du Minitel. Aujourd'hui, nous pourrions être en avance dans le Big Data et l'intelligence artificielle, notamment parce que nous avons d'excellents chercheurs et mathématiciens. Les ingrédients sont là...

A. H. : Il y a des raisons d'être optimiste. J'ai lu attentivement la lettre adressée récemment par Mark Zuckerberg à sa génération sur la question de l'égalité. Je partage beaucoup son intuition. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose d'inhérent à cette génération, une volonté de résoudre les grands problèmes de l'humanité à travers la créativité.

O. M. : Le numérique peut certainement activer l'ascenceur social. Le partage du risque mais aussi de la valeur est bien plus répandu que dans le reste de l'économie, c'est une nouvelle vision du capitalisme qui partage beaucoup plus. Il y a aussi le mouvement des « start-up for good » comme les applications qui aident les réfugiés ou les SDF. Des fonds commencent à regarder l'impact social des technologies. Cela étant, je constate aussi que les start-up restent encore trop peuplées de mâles blancs issus des grandes écoles et vivant en centres-villes...



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L'actualité d'Anne Hidalgo

La Mairie de Paris confirme la création prochaine d'un « Civic Hall », un lieu provisoire connectant start-up et habitants et qui sera implanté à terme au coeur de la capitale.Anne Hidalgo promet également à l'horizon de quelques mois la mise en place d'une école de codage pour les jeunes Parisiens qui auront accès à deux heures de cours par semaine dans le cadre des rythmes scolaires éducatifs ou le week-end.

Le parcours d'Olivier Mathiot

Agé de 46 ans est diplômé d'HEC Paris.En 2000, il cofonde PriceMinister avec quatre autres personnes, dont Pierre Kosciusko-Morizet.Après le rachat du site d'e-commerce par le groupe japonais Rakuten, il devient PDG de PriceMinister.Il se lance dans l'aventure du capital-risque à travers le fonds Isai.Il préside l'association France Digitale avec Jean-David Chamboredon et Marie Ekeland.

demain jeudi

L'interview de Stéphane Richard, PDG d'Orange, et Ian Rogers, directeur digital de LVMH.

Nicolas Barré, Guillaume Bregeras et Matthieu Quiret

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