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L’Impact De La Data Dans La Responsabilité Sociale Du DRH

Le sujet de l’organisation responsable a largement été traité au cours de ces vingt dernières années : le pacte mondial, les rapports RSE, les directions du développement durable, les luttes contre les discriminations, en allant même jusqu’aux plans sociaux responsables. Mais le monde a changé, et le sujet de la responsabilité des organisations a vu son domaine s’enrichir d’une nouvelle problématique : la responsabilité sociale face au digital. Le DRH est désormais dans l’oeil de ce cyclone digital. N’est-il pas temps de statuer sur les risques de dérives liées à ces données, et aux outils qui permettent de les acquérir, les stocker, les traiter et les restituer ? 

Le paradigme de la data face au DRH

La fonction RH n’a jamais disposé d’autant de données sur ses collaborateurs et ses candidats qu’aujourd’hui. Et ce n’est probablement rien relativement à la quantité et à la nature des données dont elle sera en possession demain. Une tendance permise par la pénétration accélérée du digital dans les usages professionnels.
 
L’organisation de demain intègrera sans nul doute le digital comme l’une de ses composantes intrinsèques. Il y a peu encore, le digital était considéré comme un parc matériel et logiciel correspondant à un plan d’amortissements, avec un ensemble de prérogatives de sécurité, d’obsolescence et de compatibilité. Tout cela géré par le service informatique. Alors qu’en 2017, ce temps parait bien loin, il n’en est rien. Il s’agit simplement d’un changement de paradigme en pleine accélération. Le digital est désormais le principal vecteur d’efficience et de productivité au sein des organisations. Les outils de gestion de données, les places de marché, les assistants virtuels, sont autant de leviers qui permettent de s’affranchir de tâches à faible valeur ajoutée, tout en augmentant drastiquement la capacité de structuration et de capitalisation.
 
Le paradigme de la data rend le CV anonyme complètement aberrant.
 
Ainsi, alors que le CV anonyme semblait jusque récemment la clé de la responsabilité face à la discrimination, c’est tout un marché RH qui aujourd’hui comprend qu’avec plus d’informations, il est possible de sélectionner au plus près des besoins, et possiblement indépendamment de critères socialement discriminants. La donnée apporte la flexibilité, et avec elle un pouvoir inégalé jusqu’alors : connaitre ses collaborateurs et ses candidats sous toutes les coutures, pour servir au mieux les besoins de l’organisation. Et pour parvenir à un résultat sans dérive, il convient de s’assurer de quelques fondamentaux en matière de gestion des données :
– qualité des données d’entrée ;
– qualité du stockage ;
– qualité du traitement ;
– qualité de la restitution.
Dans tous les cas évoqués, il s’agit avant tout pour le DRH de s’assurer de la qualité des outils utilisés. On ne le dira jamais assez, l’outil n’est ni bon ni mauvais, il dépend de deux paramètres que sont la qualité de sa conception, et de la qualité de son utilisateur.

Les données d’entrée : Shit In, Shit Out

Pour reprendre une expression désormais célèbre outre atlantique en matière de gestion de données : « Shit in, shit out ». Autrement dit, vous ne tirerez rien de bon de données fausses ou biaisées. Tous les RH ont connu cette problématique bien avant l’ère digitale, avec le bon vieux CV par exemple. L’habitude veut que 30% d’un CV soit généralement gonflé ou faux. Mais quelle partie ? Et parfois plus, parfois moins ? Le digital n’a fait que porter ces problématiques, en ajoutant un volume colossal de données au passage. Tant et si bien qu’une fois enregistrées, il peut être délicat de dissocier les ‘bonnes données’ des ‘mauvaises données’.
 
Il est extrêmement difficile de mener à bien un processus en se demandant si la matière première utilisée est fiable ou non. Il se trouve que c’est pourtant le quotidien de nombreux métiers propres à la fonction RH ! Mais le digital crée dans le temps les solutions aux problèmes qu’il a créés ou importés. De plus en plus de solutions de vérification ou de transfert de données existent, assurant progressivement une véracité suffisante pour travailler. Que les données soient acquises de manière déclarative, par un test, par un tiers ou par un autre procédé, il convient de se poser la question de la validité probable des données au moment de la mise en place du canal d’acquisition !

Le stockage : Fort Knox ou moulin ?

 Le stockage des données fait appel à deux enjeux de sécurité. En anglais, on parle d’ailleurs de ‘safety’ et de ‘security’, pour évoquer la protection de l’intégrité des données, et la gestion sécurisée de l’accès à ces données, très souvent personnelles lorsqu’il s’agit de données utiles aux DRH. Il s’agit donc de s’assurer que les données ne sont ni perdues, ni corrompues, ni transmises à des tiers non autorisés. Un vaste chantier par les temps qui courent, et un pan à lui seul de la responsabilité sociale des organisations. En effet, en acceptant de confier des données souvent confidentielles à leur employeur, l’organisation hérite d’une responsabilité qui dépasse le champ de la confiance, et entre bel et bien sur le territoire de la responsabilité sociale au sens large.

Traitement : 1+1 = ?

Si je vous montre trois candidatures, et vous demande de choisir la meilleure, que répondrez-vous ? Probablement (et préférablement), que cela dépendra du poste à pourvoir, et de nombreux autres facteurs propres à l’entreprise qui recrute pour ce poste. Et vous aurez raison. Lorsque cette tâche est confiée à un outil, ce sont les algorithmes qui prennent le relai pour déterminer laquelle parmi ces candidatures sera susceptible de correspondre au mieux. C’est la théorie ! En pratique, la qualité du traitement dépendra de la qualité de l’algorithme utilisé. Rappelons ici qu’un algorithme est tout simplement une suite finie d’opérations logiques. En d’autres termes, et appliqué au cas de l’entreprise, l’algorithme est supposé reproduire les meilleures pratiques d’un processus donné. Mais qui décide de la structure des algorithmes aujourd’hui ?
 
Dans la très grande majorité des cas, ce sont leurs concepteurs, avec leurs prismes, voire leurs biais, et surtout, leur vision singulière de la répétabilité des processus : la même règle doit s’appliquer à tout le monde. Ce qui peut avoir pour effet probable de réduire la capacité de l’outil à capter la valeur résidant dans la diversité. Les outils de traitement de données fonctionnent aujourd’hui comme des boites noires, dont il est plus ou moins aisé de saisir les règles de fonctionnement. Un outil pourrait parfaitement être programmé pour écarter les candidatures dont les noms de famille contiendraient trop de consonnes, ou dont la zone de résidence serait identifiée comme non souhaitable. Si l’algorithme est sensé reproduire les meilleures pratiques de l’humain, qui s’en assure effectivement ? Un bon algorithme est construit sur la base de l’expérience et de la réflexion, avec ceux qui mènent humainement les opérations à automatiser. Sans quoi on ne peut parler de responsabilité sociale en la matière.
 
Un bon algorithme reproduit les meilleures pratiques de l’être humain sur un sujet donné. 

Restitution : Now you see me !

Nous connaissons tous la relativité des sondages qui nous sont constamment montrés dans les médias. Selon que je vous parle d’un taux de participation, ou d’un taux d’abstention, je peux prendre, pour une même situation, l’air dramatique ou l’air réjoui. En matière de processus RH, c’est tout simplement la même histoire. La manière de restituer un classement de candidats peut fortement orienter votre perception du candidat le mieux adapté. Parfois il s’agira simplement d’une mise en forme de ces données, et donc d’une conception donnée de l’interface, et parfois, il pourra également s’agir d’une erreur de programmation, affichant ensemble des données qui ne devraient pas être liées. Qu’il s’agisse d’une conception maladroite ou d’une programmation défectueuse, les conséquences liées aux décisions peuvent avoir un impact social non négligeable, selon le domaine d’utilisation : refus de formation, mauvaise priorisation de candidat, erreur de communication, etc. Quel que soit donc l’outil utilisé, il devrait présenter une interface de restitution des résultats sans ambiguïté, et comprise de la même manière par tous ses utilisateurs, conformément aux pratiques humaines qui seraient indépendamment adoptées !

Le DRH, acteur du Ping-Ping Homme-Machine

Bien entendu, le meilleur des outils n’est rien face à la malveillance ou aux biais potentiels d’un individu. Pour lutter efficacement contre les discriminations intentionnelles, il faut bien plus qu’un outil. Il est nécessaire de faire monter en compétences les personnes concernées, établir un ensemble de règles non sujettes à interprétation, et bâtir une culture de l’inclusion et de la diversité. En cela, la fonction RH a bien plus de travail à accomplir en matière d’humain qu’en matière d’outils. Pour autant, c’est bien sur le sujet de l’outil que le DRH est aujourd’hui quasi-aveugle et inexpérimentée.
 
L’humain détermine les choix de la machine, qui déterminent ensuite les choix de l’humain. Sympa.
 
Nous vivons en France une période qui voit les entreprises s’équiper de nouveaux systèmes d’information RH, destinés à constituer le ‘Core’, ou le noyau des données relatives aux Ressources Humaines. Un changement de paradigme majeur en matière de SIRH, puisque ce noyau a pour vocation de s’interfacer avec une multitude de services externes, construits sur mesure ou disponibles sur étagère. C’est là le sens de l’Histoire, qui présage pourtant d’une perte de visibilité et de contrôle sur plusieurs aspects des processus. Dans tous les cas, se pose les questions relatives à la qualité du processus de données, et notamment sur comment s’assurer de la validité des données acquises, ou comment s’assurer de la validité des algorithmes utilisés.
 
Pour un DRH socialement responsable, au delà des actions menées sur les personnes et les processus, et qui aujourd’hui sont parfaitement appréhendées par la fonction RH, il convient de définir un ensemble de bonnes pratiques en matière de gestion des données par des outils digitaux. Le vide juridique et intellectuel qui persiste sur ce sujet présente non seulement un risque évident pour l’atteinte des objectifs RH, mais également une potentielle destruction de valeur sociale quasi-aveugle, noyée dans les flux digitaux toujours plus importants.
 
Et, comme le rappelle Michel Barabel :  » Plus que jamais, avec l’omniprésence du digital et de son rôle prépondérant dans les décisions, les DRH devront véritablement jouer leur rôle de régulateurs sociaux, en garantissant un traitement équitable et juste en toutes circonstances. Pour y parvenir, ils devront lutter contre de nombreux risques induits par les nouvelles pratiques, comme le risque de déshumanisation des interactions, le risque de stupidité artificielle, et le risque de discrimination par l’algorithme « . Bref, le DRH et la fonction RH ne risquent pas de disparaitre, pour peu qu’ils prennent la dimension de leurs responsabilités sur l’ensemble des sujets où ils interviennent.
 
 
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