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Gazoduc Maroc-Nigeria : l’avenir de l’Afrique de l’Ouest ou chimère ?

Rabat et Abuja ont annoncé le lancement d’une étude de faisabilité pour ce méga-projet énergétique, dont la réalisation semble extrêmement compliquée.

Par  et

Publié le 17 mai 2017 à 17h35, modifié le 17 mai 2017 à 17h35

Temps de Lecture 3 min.

Le roi du Maroc Mohammed VI et le président nigérian Muhammadu Buhari à Abuja, en décembre 2016.

Le projet de gazoduc géant qui doit relier le Maroc et le Nigeria par la façade atlantique verra-t-il le jour ? Annoncé en grande pompe fin 2016, ce méga-projet a franchi un premier pas, lundi 15 mai, à Rabat, avec la signature d’un protocole d’accord en présence du roi Mohammed VI et du ministre nigérian des affaires étrangères, Geoffrey Onyeama. Mais en l’absence du président nigérian, Muhammadu Buhari, gravement malade et actuellement à Londres pour des soins.

En décembre 2016, un accord de partenariat stratégique avait été signé entre le fonds souverain marocain Ithmar Capital (ex-FMDT) et la Nigeria Sovereign Investment Authority (NSIA). Le nouvel accord conclu lundi entre la Compagnie pétrolière nationale nigériane (NNPC) et l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) marocain prévoit le lancement d’une étude de faisabilité du projet. Cette première phase devrait durer environ deux ans.

Près de 4 000 kilomètres

Sur le papier, ce gazoduc doit parcourir près de 4 000 km. « C’est peut-être le plus grand projet d’infrastructure d’Afrique », s’enthousiasme Nasser Bourita, ministre marocain des affaires étrangères, qui met en avant un modèle de « coopération Sud-Sud » : « Il pourra produire de l’énergie pour toute la région ouest-africaine où se trouve un tiers des réserves de gaz du continent et où la plupart des habitants sont privés d’électricité. »

Le gazoduc devrait traverser douze pays. Selon ses promoteurs, les Etats producteurs pourront y injecter leur production et les importateurs satisfaire leurs besoins en énergie. Dans un second temps, l’acheminement pourrait se faire jusqu’en Europe. « Ce qui favorisera l’intégration africaine, contribuera à la stabilité, au développement économique et à la création d’emplois. Ce n’est donc pas seulement un projet d’infrastructures mais un axe structurant économiquement pour toute l’Afrique de l’Ouest », se félicite le ministre marocain.

Son enthousiasme n’est toutefois pas partagé par tous. « C’est présenté comme un gros projet panafricain, mais on voit mal comment il va être mené à bien, souligne un bon connaisseur du dossier. Son approvisionnement se trouve dans le delta du Niger, une région [du sud du Nigeria] qui n’est pas sécurisée. Personne ne mettra 15 à 20 milliards de dollars [17,9 à 26,9 milliards d’euros] dans un tel projet. » En outre, le gazoduc traverserait « une dizaine de pays, dont certains sont dans des situations particulièrement difficiles ». Enfin, les découvertes récentes de gaz faites en Mauritanie et au Sénégal sont colossales et situées beaucoup plus près du Maroc.

Au regard de la complexité géostratégique, plusieurs projets se sont déjà cassé les dents. Comme le gazoduc transsaharien, qui devait, à partir du Nigeria, traverser le Niger et l’Algérie. Il n’a jamais pu être réalisé alors que les ministres de ces deux pays, comme l’Union européenne, étaient très enthousiastes. « L’annonce de ce nouveau gazoduc relève en grande partie d’une stratégie politique, estime notre expert. Il s’agit, d’une part, d’obtenir du Nigeria une neutralité bienveillante face aux ambitions africaines du Maroc, que ce soit pour son entrée dans la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao, quinze pays] ou sur la question sahraouie ; d’autre part, de faire pression sur les Algériens en vue de la renégociation des prix du gaz prévue à l’horizon 2020. »

Vaste offensive marocaine sur le continent

Le projet s’inscrit dans la stratégie africaine du Maroc, qui mène depuis quinze ans une vaste offensive politique et économique sur le continent : depuis 2000, le roi y a fait 51 visites, dont près de la moitié en Afrique de l’Ouest. Son objectif ? Faire reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et développer l’influence du royaume, qui veut s’affirmer comme une puissance régionale et vient de réintégrer l’Union africaine après trente-deux ans d’absence.

Pour tout cela, le Nigeria, géant du continent, représente un interlocuteur précieux. Les deux pays entretiennent historiquement des relations compliquées, Abuja ayant toujours soutenu la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Un rapprochement serait donc profitable à Rabat. Sans l’accord d’Abuja, il ne sera pas non plus possible au Maroc d’intégrer la Cédéao, dont le prochain sommet doit avoir lieu en juin au Liberia.

Interrogé sur ce dernier point, M. Bourita est clair : « Le Maroc n’attend pas d’intégrer la Cédéao pour développer sa présence en Afrique de l’Ouest. Nous sommes les premiers investisseurs de la région, nous avons participé à des opérations de maintien de la paix, mené plusieurs médiations, comme en Gambie. »

Un autre accord a été signé, lundi 15 mai, entre l’Office chérifien des phosphates (OCP) et l’Association nigériane des producteurs et fournisseurs d’engrais (FEPSAN) pour un « renforcement des capacités de production et de distribution d’engrais au Nigeria ». Il marque la seconde phase d’un partenariat agricole, également lancé en décembre, entre Rabat et Abuja.

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