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Voulons-nous devenir des citoyens assistés ?

Google abandonne le moteur de recherche « pour mieux nous aider », disent ses dirigeants, et se lance ainsi dans « l’ère de l’assistance ». Allons-nous ainsi devenir des « citoyens assistés » presque sans nous en rendre compte ?

Publié le 19 avril 2017 à 11h28, modifié le 19 avril 2017 à 11h28 Temps de Lecture 4 min.

Un assistant très attentif. Image Pixabay CC0 Public Domain

C’est lors du salon E-Commerce One to One 2017 de Monaco que Google a annoncé, le 23 mars, sa décision d’abandonner un modèle presque exclusivement basé sur la recherche d’informations pour passer à « l’ère de l’assistance ». Cela implique des services plus personnalisés, plus vocaux, plus mobiles, plus intelligents et des réponses réduites à une seule le plus souvent, comme on peut les obtenir en cliquant sur « J’ai de la chance ». Avec la différence que, cette fois, c’est automatique.

« L’ordinateur devient capable de gérer l’ambiguïté, l’incertitude », a expliqué Guillaume Bacuvier, vice-président de Google pour les solutions publicitaires en Europe, au Moyen Orient et en Afrique, en présentant la nouvelle approche. L’acteur principal est l’assistant baptisé Google Home (concurrent du Echo d’Amazon) qu’on installe chez soi et qui a toutes les informations possibles nous concernant. Il fournit des suggestions multimédias. « C’est la logique écosystémique qui prime : l’aide est géolocalisée, personnalisée, tient compte de vos habitudes d’interrogation et d’aide apportée » (via le machine learning), poursuit Guillaume Bacuvier.

Des assistants dans les objets connectés

Autre dimension importante, « l’assistance se niche de plus en plus dans les objets connectés de tous les types : vitrines intelligentes, montres, assistants à domicile, etc. », explique sur Frenchweb Jean-Luc Raymond, consultant formateur en stratégies numériques. « A ce stade, précise Guillaume Bacuvier, il ne s’agit plus d’un internaute ou d’un mobinaute mais plutôt d’un socionaute : un individu aidé et plongé dans un Internet en continu qui évolue bien entendu en société, peu importe l’interface qu’il utilise ».

Pour les entreprises, les implications sont considérables. L’appareil grâce auquel on se connecte importe peu. L’expérience nous suit quel que soit celui que nous utilisons. Notre relation au web, par l’entremise notamment de nos requêtes, passe par une multitude de micromoments de connexion, en particulier pendant les déplacements.

« Lorsque les utilisateurs considèrent leur appareil mobile comme un assistant et non plus comme un terminal de recherche, la sémantique de leurs questions se modifie, observe Mathieu Bruc sur Etourisme. info. Au lieu d’utiliser des mots-clés comme “météo Clermont-Ferrand aujourd’hui”, ils vont demander “comment dois-je m’habiller ce matin ?” Une question qui paraît toute simple mais, avant de pouvoir répondre, une intelligence artificielle épaulée avec des capteurs et des algorithmes doit prendre en compte plusieurs données : la compréhension de la langue et les éléments du contexte comme la géolocalisation induite, l’heure et l’intention de la question ». Cette technologie se permet déjà de nous dire (sans que nous l’interrogions) quand nous devons partir pour un prochain rendez-vous en fonction de l’état de la circulation sur le trajet.

De ce fait, les entreprises ne peuvent plus se contenter d’un site web bien fait comme au début du siècle. « Il vous faudra entièrement repenser votre écosystème numérique », leur dit Fred Cavazza. Et Mathieu Bruc de conclure : « Il va falloir plus que jamais analyser en profondeur les besoins des consommateurs pour mieux les anticiper et proposer des solutions sur mesure ».

Que les entreprises soient obligées de se mettre à jour fait partie de la logique de la destruction créatrice qui caractérise notre système économique. Mais nos intérêts et nos besoins de citoyens ne convergent pas nécessairement avec ce que nous apprécions comme consommateurs. Loin de là.

Une passivité dangereuse

Au cours d’une journée, nous passons sans cesse de la couche digitale à la physique et vice versa. Ce que nous faisons en ligne (et ce que l’Internet fait avec nous) peut avoir un impact considérable sur notre comportement social (en ligne comme hors ligne). Le passage de la recherche à l’assistance ne saurait donc être neutre. Au lieu de poser des questions et de trier parmi les suggestions proposées – ce qui implique une action volontaire de notre part – nous recevrons bientôt des réponses à des questions que nous n’avons pas (encore ?) posées.

Sans oublier que, dans bien des pays, Google bénéficie d’une position monopolistique de fait (94 % des requêtes en France, en novembre 2016, selon StatCounter). Une seule réponse, une seule suggestion d’un seul moteur de recherche : quel rétrécissement de nos perspectives citoyennes !

Imaginons que j’aie envie que la machine fasse le tri entre les multiples itinéraires et le déluge d’offres de billets d’avion pour mes prochaines vacances et choisisse la meilleure à ma place. Assez vite, je lui laisserai mon numéro de carte de crédit pour qu’elle réalise l’opération pendant que je finis de voir un beau film à la télévision.

Ces facilités qui nous seront « offertes » risquent de nous pousser vers une passivité béate, confortable et pleine d’avantages dans le parcours de nos vies quotidiennes tendues. Le passage à « l’âge de l’assistance » risque de nous pousser à devenir des consommateurs encore plus dociles.

A chacun d’en mesurer les conséquences.

Qui peut nous assurer que cela ne déteindra pas sur notre comportement en tant que citoyens ? Nous avons besoin d’une approche mesurée de ces vagues technologiques qui arrivent si vite. Ni le rejet ni l’acceptation béate… mais une relation critique.

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