François Carré et Yannick Guillodo sont médecins du sport. Le premier est professeur en physiologie cardio-vasculaire à l’université Rennes-I et cardiologue au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes. Le second, qui exerce à Brest, est secrétaire scientifique de la Société française de traumatologie du sport, et créateur des programmes « Bouge ».
Pour la première fois, un décret – applicable depuis le 1er mars – autorise les médecins à prescrire de l’activité physique à leurs patients. Est-ce la reconnaissance de cette approche comme une thérapeutique à part entière ?
Yannick Guillodo : En tant que médecins du sport, qui nous battons depuis des années pour faire reconnaître les bienfaits de l’activité physique, nous sommes très heureux que ce sujet soit enfin à l’ordre du jour des pouvoirs publics et à la « une » des médias. Il ne s’agit cependant pas de « sport sur ordonnance » comme cela a été beaucoup dit et écrit, mais d’activité physique.
Le terme « sport » n’est pas adapté car c’est la forme la plus aboutie, donc potentiellement la plus à risque, de l’activité physique. Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui correspondent à trente minutes de marche quotidienne et à des activités musculaires deux fois par semaine, suffisent pour un effet bénéfique sur la santé et sans risque, bien des études scientifiques l’ont confirmé.
François Carré : Cette loi constitue un message fort, malheureusement elle ne concerne que les patients en affection de longue durée (ALD), c’est-à-dire les malades les plus sévères. En France, ils sont dix millions, mais il est dommage que la prévention primaire n’ait pas été évoquée. Pourquoi ne pas avoir profité de cette occasion pour promouvoir l’activité physique et lutter contre la sédentarité dans toute la population ?
On peut aussi se demander si une loi était vraiment nécessaire. La Haute Autorité de santé a validé l’activité physique comme thérapeutique non médicamenteuse en 2011. Les recommandations pour la pratique d’une activité physique sont facilement accessibles, les médecins devraient les connaître.
Il y a enfin le paradoxe du financement : les patients en ALD sont pris en charge à 100 % pour les soins liés à leur maladie, donc, si le décret considère l’activité physique comme une thérapeutique, elle devrait être remboursée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. S’il n’y a pas de prise en charge financière, cela aura du mal à fonctionner.
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