“Une dizaine de policiers me sont tombés dessus au moment où je sortais du tabac où je venais d’acheter du papier à cigarette, près de chez mes parents”, explique Matmati, 27 ans, en buvant un café noir dans le centre de Tunis.

Le jeune homme, guitariste et diplômé dans le secteur du tourisme, se souvient de cette nuit de décembre 2014 où sa vie s’est comme arrêtée. Après avoir trouvé le papier à cigarette sur lui, les agents l’arrêtent et l’emmènent au poste de police où ils découvrent du cannabis dans son portefeuille. Le jeune homme n’avait pas fumé ce jour-là, mais il était un consommateur régulier. Il ne s’opposa pas à une analyse d’urine, un test capable de prouver jusqu’à trois mois après le dernier joint qu’un individu a consommé de la marijuana. “Le test était positif”, reconnaît Matmati. Résultat, il a été condamné à un an de prison en vertu de la loi tunisienne n° 92-52 sur l’usage de drogues.

Je ne pensais pas aller en prison pour quelque chose comme ça. Je n’avais fait de mal à personne, c’était complètement aberrant.”

Plus connu sous le nom de “loi 52”, ce texte condamne les consommateurs de drogue à des peines allant de un à cinq ans de prison et à une amende allant jusqu’à 3 000 dinars [1 236 euros], et ce quelle que soit la drogue utilisée. D’après les chiffres du ministère de la Justice, en 2016 plus de 6 000 personnes détenues dans les prisons tunisiennes avaient été condamnées pour usage de drogue, constituant près d’un tiers de la population carcérale.

Matmati a passé huit mois dans la prison de Mornaguia, au sud de Tunis – “une jungle démente”, se souvient-il. Il en est sorti après une grâce présidentielle. Le jeune homme, qui vit avec sa mère, explique que son arrestation a surtout été une épreuve pour sa famille. Il a été extrêmement difficile pour lui de reconstruire sa vie après son séjour en prison. Passionné de musique depuis toujours, il espérait faire carrière dans ce domaine. Ayant désormais un casier judiciaire, il n’a toutefois jamais reçu la carte de musicien professionnel qui lui aurait permis de jouer par exemple dans des hôtels et de se faire rémunérer.

“La loi 52 ne protège pas vos enfants. Quand vous protégez vos enfants et vos principes, vous ne les envoyez pas en prison”, lâche Matmati. Mise en place en 1992 par le dictateur Ben Ali [déchu en 2011], cette loi a été adoptée après la découverte de la “couscous connection”, un trafic de drogue international dans lequel était impliqué le frère de Ben Ali, Habib. En 1992, Habib Ben Ali a été condamné en France à dix ans de réclusion pour blanchiment d’argent issu du trafic de cocaïne et d’héroïne entre la Tunisie, la France et les Pays-Bas.

Arrestations fondées sur des soupçons

Avant la loi 52, la loi n° 64-47 de 1964 prévoyait déjà des peines de prison pour les