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Transparence de la vie publique : ce que doit faire le prochain Président

Des pratiques d’hier qui choquent et dont plus personne ne comprend ni ne défend la pertinence ? Il semble bel et bien urgent de revenir sur le fond du sujet de la transparence de la vie publique. Car une démocratie qui va bien, c’est une démocratie (et ses représentants) qui accepte de se remettre en question. Une démocratie qui sait se réinventer et changer ses règles obsolètes avec les nouvelles exigences des citoyens sur le socle d’un consensus gauche-droite. L’organisation d’hier ne convient plus.

  • Il faudra réduire le nombre d’élus

La France compte un trop grand nombre d’élus, mal indemnisés : cela encourage les tentations et les cumuls (des mandats et des indemnités). C’est pour cela que la France crée sans cesse de nouvelles strates locales (comme les intercommunalités) pour que les élus puissent vivre de leurs mandats. Ce n’est pas une solution.

La France n’est pas mieux gérée grâce à nos plus de 645 000 élus. 114 000 suffiraient amplement. Cela passe par la réduction du nombre de députés de 577 à 350, le nombre de sénateurs de 348 à 150 mais aussi réduire le nombre de maires et de conseillers municipaux et supprimer les mandats intercommunaux. L’idée n’est pas là de réaliser des économies sur le coût des élus mais bel et bien de rehausser les indemnités, pour la même dépense totale d’environ 2 milliards d’euros par an.

  • Il faudra, en parallèle, augmenter leur indemnisation

Pour les parlementaires, cela se traduira par la fusion de l’indemnité de base mensuelle d’environ 5 000 euros nets avec les frais de mandats (IRFM) représentant 5 805 euros, qui pour le moment ne sont pas contrôlés et pas imposables. Cette mesure est à faire passer en loi de Finances dès juillet 2017. Il est temps que nos parlementaires assument être indemnisés 10 000 euros nets par mois et paient l’impôt sur le revenu sur ce montant. Cela ne choquera personne étant donné l’importance du travail et de la disponibilité 7j/7 que l’on attend de leur part. En contrepartie, il faudra renforcer les sanctions financières en cas d’absentéisme dans l’hémicycle.

Les frais de mandats seraient déductibles sur justificatifs qui seraient publiés (comme le font déjà certains députés avec plus ou moins de détails) sur les sites de l’Assemblée, du Sénat ou de la collectivité. Ces frais professionnels seraient déductibles de l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Idem pour les présidents des grandes régions. Un président de région est aujourd’hui indemnisé 5 512 euros bruts par mois, un montant peu en phase avec la responsabilité de territoires comptant entre 2,5 et 12 millions d’habitants. Le minimum serait de passer aussi cette indemnité à 10 000 euros bruts. Idem pour les maires des grandes villes de France (plus de 100 000 habitants). Là encore, cela éviterait bien des contorsions et bien des cumuls de mandats.

Pour ce qui est des frais de collaborateurs, il s’impose de supprimer la possibilité de faire travailler son conjoint ou toute personne de sa famille en tant qu’assistant parlementaire aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat. C’est d’ailleurs déjà la règle au Parlement européen et l’exemple italien étendant les incompatibilités jusqu’au quatrième degré de parenté semble une piste plausible.

  • Il faudra limiter la durée des mandats dans le temps

Pour ce qui est de la durée des mandats, une limitation des mandats dans le temps à trois mandats identiques successifs devrait permettre de renouveler aussi les générations d’élus et d’éviter que nos élus se sentent propriétaires de leurs sièges ou « postes » comme ils peuvent le dire parfois.

  • Il faudra publier les statuts et les comptes des groupes parlementaires à l’Assemblée et au Sénat… et les grilles de rémunérations des agents du Parlement

Pour ce qui est  des comptes des groupes politiques à l’Assemblée et au Sénat, quelques avancées ont été faites au gré des affaires mais il faudrait encore obtenir l’obligation de publication des comptes annuels sur le site de l’Assemblée et du Sénat.  

Autre zone d’ombre : pour l’instant, personne n’a accès aux grilles de rémunération des agents des deux chambres. Il serait nécessaire de les publier en ligne sur les sites de nos deux assemblées.

  • Il faudra supprimer l’usage de la réserve parlementaire, à l’Assemblée et au Sénat

L’idée sera de supprimer la survivance de la réserve parlementaire (80 millions d’euros par an à l’Assemblée, 50 millions au Sénat) qui fleure bon le clientélisme. Et ce, même si les sommes allouées par député ou par sénateur sont maintenant identiques (130 000 euros par député, 260 000 euros par président de commission et 520 000 euros pour le président de l’Assemblée nationale) et même si les sommes versées aux associations et collectivités sont maintenant publiées, cela ne suffit pas. Plus rien ne peut justifier cette pratique.

  • Il faudra renforcer le Parlement dans son rôle de contrôle de l’utilisation des deniers publics

Nous avons un Parlement qui ne contrôle pas l’utilisation des deniers publics comme il devrait le faire.  Au cours du prochain quinquennat, il faudra doter le Parlement d’un organe d’audit des dépenses publiques qui permette aux parlementaires d’être indépendants pour l’évaluation (impact financier notamment, pour les particuliers et les entreprises) des projets de lois, des amendements mais aussi et surtout, pour évaluer la gestion de nos administrations. Chaque euro d’argent public dépensé doit être vraiment contrôlé par le Parlement.

  • Il faudra réfléchir à supprimer le poste de Premier ministre

L’organisation avec un président de la République élu au suffrage universel direct et un Premier ministre issu de la majorité de l’Assemblée avec des moyens de gouverner essentiellement dévolus à Matignon ne tient plus la route, surtout dans le cadre du quinquennat. Il faudra, par une réforme constitutionnelle, supprimer le poste de Premier ministre et mettre tous les moyens de réforme au service de l’Elysée… dans les mains de celui qui est choisi en direct par les Français pour mener les réformes. 

  • Engager la responsabilité budgétaire des ministres sur leurs ministères

On dit bien qu’un ministre récupère un portefeuille ? Prenons-le au mot ! Chaque ministre doit engager sa responsabilité politique et pécuniaire sur la gestion budgétaire de son ministère. Le ministre sera responsable du respect de son budget et devra lui-même proposer des coupes budgétaires sur son périmètre.

Cela existe déjà au Canada où les ministres sont personnellement responsables devant le Parlement et, même s’ils sont rarement démis de leurs fonctions pour cause d'irresponsabilité, cette possibilité, et surtout, l'embarras et les conséquences politiques qui affligent celui qui est pris en défaut, constituent une sanction plus que suffisante.

Le défi est à relever. Il en va de la bonne santé de notre démocratie. Si le prochain gouvernement ne se sent pas de faire ce travail dès les premières semaines du quinquennat, il faudra poser ces questions par référendum aux Français. Et vite.