Publicité digitale : enfin une réglementation !

Comme chaque semaine, les avocats Eric Caprioli, Pascal Agosti, Isabelle Cantero et Ilène Choukri se relaient pour décrypter les évolutions juridiques et judiciaires nées de la digitalisation : informatique, cybersécurité, protection des données, respect de la vie privée...

Aujourd'hui, Pascal Agosti aborde la réglementation de la publicité digitale et explique les tenants et aboutissements du Décret n°2017-159 du 9 février 2017 issu de la loi Macron.

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Publicité digitale : enfin une réglementation !

L’essor de la publicité digitale

 

Avec l’avènement du Big Data, le marché de la publicité digitale est en pleine évolution, porté par les nouveaux supports (ordinateurs, tablettes, smartphones, panneaux numériques...) et de nouvelles pratiques : retargeting : pratique publicitaire qui consiste le plus souvent à cibler un individu qui a visité un site Internet, mais sans achat ou transformation lors de cette visite, mise en place d’études de parcours, de mesure de la performance des campagnes publicitaires, transformations d’espaces publicitaires, enchères en temps réel (ou "real time bidding", pratique qui consiste en une impression publicitaire mise aux enchères en temps réel sur une place de marché. Sauf exceptions, l’annonceur produisant l’enchère la plus haute voit sa création diffusée).

 

Mais voilà...

 

De nouveaux intermédiaires – particulièrement puissants puisqu’il s’agit de Google et de Facebook – sont en train de déloger les acteurs traditionnels (annonceurs) de ce marché qui représentait en 2016, en France 3,453 milliards d’euros. Or, Facebook et Google ne sont pas connus pour la transparence de leurs mesures d’audience qu’il est impossible de faire auditer ou de faire certifier. De telles pratiques étaient pour l’heure particulièrement opaques.

 

Le périmètre initial de la Loi Sapin

 

La Loi Sapin du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence économique avait pour objectif de lutter contre l’opacité des transactions avec pour objectif de supprimer les sur-commissions payées par les médias aux agences sous peine d'être déréférencés. Mais le périmètre initial de la loi ne comprenait pas – et à juste titre – la publicité sur Internet et les acteurs. Or, si un pan sans cesse plus important du marché de la publicité échappe à toute règle juridique, le risque était grand d’orienter la publicité vers les supports qui sont les moins régulés et qui permettent aux agences d’obtenir des rémunérations complémentaires.

 

L’extension du périmètre de la loi à la publicité digitale

 

Issu de la loi Macron, le Décret n°2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale permet de préciser l'article 23 de la loi Sapin, pour les nouvelles pratiques des entreprises de la publicité digitale, qui orientent notamment les messages vers des destinataires ciblés en temps réel, dans le cadre d'enchères.

 

Le compte rendu , élément central de la réglementation

 

Le décret précise les modalités de compte rendu communiqué par le vendeur d'espaces publicitaires (comme Google ou Facebook) à l'annonceur, notamment la date et les emplacements de diffusion des annonces, le prix global de la campagne ainsi que le prix unitaire des espaces publicitaires facturés (art. 2). Le compte rendu est exigé pour toutes les publicités, sauf pour les "campagnes de publicité digitale qui s’appuient sur des méthodes d’achat de prestations en temps réel sur des espaces non garantis, notamment par des mécanismes d’enchères, pour lesquelles les critères déterminants de l’achat sont le profil de l’internaute et l’optimisation de la performance du message" (art. 3).

 

Dans ce dernier cas, le vendeur d’espace publicitaire communique à l'annonceur un compte rendu comportant au moins les informations suivantes :

  1. Les informations permettant de s'assurer de l'exécution effective des prestations et de leurs caractéristiques (contenu des messages publicitaires diffusés, formats utilisés, résultat des prestations au regard du ou des indicateurs de performance convenus lors de l'achat des prestations, montant global facturé pour une même campagne publicitaire) ;
  2. Les informations permettant de s'assurer de la qualité technique des prestations (outils technologiques, compétences techniques, identification des acteurs de conseil, résultats obtenus par rapport aux objectifs qualitatifs définis par l'annonceur ou son mandataire avant le lancement de la campagne tels que le ciblage, l'optimisation, ou l'efficacité) ;
  3. Les informations sur les moyens mis en œuvre pour protéger l'image de la marque de l'annonceur, toutes les mesures mises en œuvre, y compris les outils technologiques, pour éviter la diffusion de messages publicitaires sur des supports illicites ou dans des univers de diffusion signalés par l'annonceur comme étant préjudiciables à l'image de sa marque et à sa réputation ;
  4. Le cas échéant, les conditions de mise en œuvre des engagements souscrits dans le cadre de chartes de bonnes pratiques applicables au secteur de la publicité digitale.

 

En outre l'annonceur pourra avoir accès aux outils de compte rendu mis le cas échéant à la disposition du mandataire. 

 

Ce décret sera appliqué dès le 1er janvier 2018, sauf aux vendeurs d'espaces publicitaires établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen si « des obligations équivalentes » en matière de compte rendu sont déjà mises en œuvre. Le nouveau régime doit permettre d’apporter - avec la transparence requise- un peu de loyauté dans un secteur opaque...

 

Pascal Agosti, Avocat associé, Docteur en droit

 

Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.

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