La grande pauvreté est une solitude qui lentement mais sûrement arrache des individus à leurs familles, à leurs amis et enfin, à leur vie. Les sans-abris deviennent des membres invisibles de nos sociétés. À l’heure de la connexion généralisée, peut-on les aider à se re-connecter à leur vie ?

Ils s’appellent Ben, Isaac, Alex et ont vécu plus d’une décennie dans la rue. Ce sont des sans-abris, et à ce titre, ils sont des disparus, des échappés, des invisibles. Nos sociétés ne leur portent que de rares attentions et l’on présuppose souvent à tort qu’ils ont une bonne raison d’être là, dans le froid d’une rue quand la nuit tombe.

CC. Kamil Porembiński

CC. Kamil Porembi?ski

Mais perdre son toit, ce n’est pas seulement perdre sa dignité d’être humain : c’est également perdre sa connexion aux autres, à ses proches, à ses voisins et enfin à sa famille. Kevin F. Adler, le fondateur de Miracle Messages, ajoute très justement que la phrase qu’il entend le plus souvent quand les sans-abris parlent de leur vie précaire est la suivante  : « Je n’avais pas réalisé que j’étais un sans-abris quand j’ai perdu ma maison, je ne l’ai compris que lorsque j’ai perdu ma famille et mes amis qui me soutenaient. »

Tous connectés ?

Quelles que soient les distances physiques ou affectives qui séparent les sans-abris de leurs proches, elles finissent toutes par l’emporter. Le lien entre des êtres humains peut parfois se montrer très précaire quand la grande pauvreté est là. D’autant que les raisons qui conduisent un individu à la rue peuvent être très diverses, même si un motif revient souvent : la perte de la famille et d’une structure sociale rassurante.

Que ce soit la toxicomanie, le déséquilibre mental ou d’autres troubles qui plongent les individus dans la misère, le résultat est bien souvent un éloignement de toutes structures sociales. Or, pour les volontaires de Miracle Message, une association américaine, il existe un terrible paradoxe entre notre connexion permanente à nos proches grâce à nos smartphones et le monde de solitude dans lequel sont reclus les sans-abris.

Et plutôt que de se résigner, les volontaires de l’association ont décidé de se lancer un défi : reconnecter des sans-abris à leurs proches perdus dans les aléas de la vie. Avec un smartphone, les bénévoles enregistrent un message d’un sans-abri adressé à une mère, un oncle, un vieil ami ou des frères. Puis, grâce au message vidéo, ils remontent avec la collaboration des individus jusqu’à la communauté la plus proche de la famille recherchée.

Ainsi, pour retrouver la famille d’Isaac à Miami, l’association va cibler les groupes et points d’intérêts relatifs à la ville. Et progressivement, grâce à la viralité des vidéos, les messages parviennent jusqu’à leur destinataire original, jusque-là perdu de vue.

L’objectif final de Miracle Messages est de transformer ces prises de contact en réunion bien réelle. Une fois le proche alerté et volontaire, l’association va organiser une rencontre qui aboutit à d’intenses retrouvailles qui peuvent, parfois, sauver un homme ou une femme de la rue. Ainsi, plus de 40 % des messages envoyés ont fini par se transformer en retrouvailles puis en intégration du sans-abri au foyer familial. Une réussite un peu magique qui émeut beaucoup outre-Atlantique.

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CC. Osvaldo Gago

Miracle Messages commence à s’organiser en dehors des États-Unis, notamment à Londres. Pour le moment, en France, personne n’a encore repris cette méthode. Un nouveau chapitre à écrire pour mettre fin à l’exclusion ?

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