Le nombre de bénéficiaires d’Erasmus doit augmenter et leurs profils être plus variés », recommandait, en 2014, la députée (socialiste) de Gironde Sandrine Doucet, dans un rapport intitulé « La démocratisation d’Erasmus : bilan et perspectives ». Deux ans et un changement de nom plus tard – le dispositif est rebaptisé Erasmus + depuis janvier 2014 –, l’élue est plutôt satisfaite : « Le programme fonctionne bien, la démocratisation de l’accès à la mobilité européenne est en marche. »
Un succès pour lequel l’Union européenne a consacré davantage de moyens. Sur la période 2014-2020, le budget mobilité a été revu à la hausse et a crû de 40 % par rapport à 2007-2013. Le calcul des bourses pour les étudiants a été repensé et tient davantage compte du coût de la vie dans le pays d’accueil. De 160 euros par mois, elles s’échelonnent désormais entre 150 et 300 euros. Il faut y ajouter des aides très variables des collectivités territoriales – généralement les régions – et du ministère de l’éducation nationale. Les étudiants en stage à l’étranger bénéficient de 150 euros supplémentaires. Quant aux étudiants en master, ils ont la possibilité de solliciter des prêts garantis par la banque européenne d’investissement.
« Attirer de nouveaux publics et de nouveaux candidats »
En conséquence, « il y a plus d’étudiants boursiers sur critères sociaux en proportion dans Erasmus + qu’au niveau national : 35 % contre 28 % », souligne Laure Coudret-Laut, directrice d’Erasmus + France en introduction du rapport d’activité 2015 de l’agence. Elle constate le succès d’Erasmus + auprès des lycéens professionnels : 18 % d’entre eux participent aux programmes d’échanges alors qu’ils ne représentent que 13 % du total des lycées.
« Ces résultats sont très encourageants, mais il faut aller plus loin pour attirer de nouveaux publics et de nouveaux candidats », estime Sylvie Guillaume, vice-présidente (PS) du Parlement européen. Ce qui suppose de revoir les montants des aides financières accordées.
En troisième année de licence à l’Institut d’administration des entreprises de Savoie-Mont-Blanc (Chambéry), Morgan Decourriere est parti cinq mois en Finlande. Il a perçu 210 euros par mois d’Erasmus +, complétés par une bourse sur critères sociaux des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et une aide à la mobilité internationale (AMI) du ministère de l’éducation nationale. « Sans ces aides complémentaires d’un montant total de 260 euros par mois et l’argent que j’avais économisé en prévision de ce projet, je n’aurais jamais pu partir, témoigne le jeune homme. Labourse Erasmus + ne permettait pas de couvrir mon loyer de 440 euros par mois. D’autant que je n’en ai perçu que 70 % avant de partir et 30 % trois mois après la fin du séjour. J’ai dû contracter un emprunt étudiant. »
Aides très variables
Emilie Viret, directrice des relations internationales à l’université Savoie-Mont-Blanc, nuance : « Pour les pays de l’Est, moins demandés mais qui offrent pourtant des expériences tout aussi intéressantes, les bourses Erasmus + complétées avec celles de la région s’avèrent généralement suffisantes. » A condition toutefois que les conseils régionaux maintiennent leurs aides, « ce qui, dans un contexte de réorganisation des régions et de tension budgétaire, n’est pas évident », craint Sylvie Guillaume.
Pour l’heure, ces aides sont très variables. Ainsi, la région Auvergne accorde un montant forfaitaire de 500 euros aux étudiants en mobilité, mais en Ile-de-France l’aide s’échelonne de 250 à 450 euros par mois en fonction de la situation de l’étudiant. En Rhône-Alpes, le dispositif Explora’sup prévoit une bourse de 95 euros par semaine pendant huit semaines, à laquelle s’ajoute une somme de 530 euros pour les boursiers sur critères sociaux. Quant à la région Midi-Pyrénées, elle accorde un forfait de 380 euros pour un trajet aller-retour quelle que soit la destination.
En 2016, à peine 61 % des demandes de financement des projets de mobilité et de partenariat, tous secteurs confondus, ont été satisfaites
Public jugé prioritaire par Erasmus +, les apprentis français de niveau CAP-BEP ou bac, n’étaient, en 2015, que 4 500 à être partis en séjours courts, de vingt-huit jours en moyenne. Souvent par manque d’information. « L’ouverture aux jeunes en apprentissage à la mobilité de longue durée – de six à douze mois – est encore mal connue des chambres de métier et des entreprises », regrette Sylvie Guillaume.
La Commission européenne s’est fixé comme objectif que 6 % des diplômés de la formation professionnelle connaissent une expérience à l’étranger d’ici à 2020. De l’avis de Sandrine Doucet, « développer cette mobilité implique de mener une véritable campagne auprès des chefs d’entreprise, encore trop nombreux à ne pas voir l’intérêt d’envoyer un apprenti à l’étranger ».
Un nouveau coup de pouce budgétaire semble donc nécessaire. En 2016, à peine 61 % des demandes de financement des projets de mobilité et de partenariat, tous secteurs confondus, ont été satisfaites. Pour que le programme bénéficie à davantage de jeunes, notamment les moins qualifiés, « peut-être faudra-t-il que les participants partent moins longtemps ? », s’est interrogée Sylvie Guillaume, en octobre, à Strasbourg, lors d’une conférence sur Erasmus +. « On y réfléchit », a-t-elle assuré.
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