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MMOIRE

PROJET DE LOI 115


LOI VISANT LUTTER CONTRE LA MALTRAITANCE ENVERS LES ANS
ET TOUTE AUTRE PERSONNE MAJEURE
EN SITUATION DE VULNRABILIT

PROTGER LA PERSONNE VULNRABLE


EN RESPECTANT SON DROIT
LAUTODTERMINATION

JANVIER 2017

MMOIRE
PROJET DE LOI 115
LOI VISANT LUTTER CONTRE LA MALTRAITANCE ENVERS LES ANS
ET AUTRE PERSONNE MAJEURE
EN SITUATION DE VULNRABILIT
Le Conseil dadministration de lOTSTCFQ tient remercier le personnel professionnel
de la permanence pour son prcieux concours.
Les orientations gnrales de ce mmoire ont t adoptes en sance spciale
par le Conseil dadministration de lOTSTCFQ le 16 dcembre 2016.

CONTENU ET RECHERCHE
Anouk BOISLARD, agente de communications
Genevive CLOUTIER, T.S., courtire de connaissances
Myriam DELISLE, stagiaire en droit
Alain HBERT, T.S., charg daffaires professionnelles
Guylaine OUIMETTE, T.S., prsidente
Marielle PAUZ, T.S., directrice, dveloppement professionnel
Sylvio RIOUX, T.S., directeur gnral et secrtaire
Marie-Lyne ROC, T.S., charge daffaires professionnelles
Richard SILVER, avocat, T.S., conseiller juridique
Luc TROTTIER, directeur, communications
RDACTION, RVISION ET MISE EN PAGE
Direction des communications

Ce document est disponible en ligne sur le site de lOTSTCFQ : www.otstcfq.org

TABLE DES MATIRES


UN ORDRE, DEUX PROFESSIONS. 5
UN OBJECTIF NOBLE ET RASSEMBLEUR,
MAIS UNE APPROCHE QUI SOULVE DES INQUITUDES 6
MALTRAITANCE ET BIENTRAITANCE;
DES CONCEPTS QUI MRITENT DTRE MIEUX CONNUS. 7
UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA MALTRAITANCE
AU SEIN DE CHAQUE TABLISSEMENT.. 9
LE PROCESSUS DINTERVENTION ET LES ENTENTES INTERSECTORIELLES. 11
LES PILIERS DU SYSTME PROFESSIONNEL ET DE LINTERVENTION
EN SANT MENTALE ET RELATIONS HUMAINES. 13
LES CONDITIONS ENTOURANT LA LEVE DU SECRET PROFESSIONNEL.. 15
EST-IL NCESSAIRE DALLER AUSSI LOIN
POUR ATTEINDRE LA FINALIT DU PROJET DE LOI?............................................................. 16
LA MALTRAITANCE INSTITUTIONNELLE 18
ENCADRER LUTILISATION DES CAMRAS DE SURVEILLANCE 21
EN CONCLUSION 24
LISTE DE NOS RECOMMANDATIONS.. 25

UN ORDRE, DEUX PROFESSIONS


Le Code des professions du Qubec confie lOrdre des travailleurs sociaux et des
thrapeutes conjugaux et familiaux du Qubec (ci-aprs lOrdre) le mandat de protger le public,
notamment en sassurant de la qualit des activits professionnelles de ses membres et en
favorisant le maintien et le dveloppement de leurs comptences. Dans le cadre de ce mandat de
protection du public, lOrdre estime quil est de son devoir de prendre part aux dbats qui portent
sur les grands enjeux sociaux. LOffice des professions du Qubec incite dailleurs les ordres
nourrir les dbats publics1. Cest ce que nous appelons notre mission sociale, sur laquelle nous
prenons appui pour promouvoir la mise en place et le maintien de politiques et de services qui
favorisent la justice sociale et dfendre les droits des personnes, des familles, des groupes et des
collectivits dans une perspective dintrt public.

LOrdre regroupe plus de 13 000 travailleurs sociaux et thrapeutes conjugaux et


familiaux, lesquels uvrent majoritairement dans le rseau de la sant et des services sociaux,
mais galement au sein dorganismes communautaires, en pratique autonome ainsi que,
notamment, dans les milieux de lenseignement, de la recherche et de la planification de
programmes. Nos membres interviennent rgulirement auprs de personnes et de
communauts qui comptent parmi les plus vulnrables de la socit, en particulier celles qui sont
ges ou handicapes. Par leurs interventions, ils visent rtablir le fonctionnement social de ces
personnes, favoriser leur intgration et leur participation sociales, dvelopper leur
autodtermination et leur rseau de soutien social ainsi qu amliorer leurs conditions de vie.
Pour ce faire, ils agissent entre autres sur les dterminants sociaux de la sant, faisant ainsi cho
lappel de la Commission sur les dterminants sociaux de lOrganisation mondiale de la sant2.
Ils utilisent galement ces leviers incontournables que sont les politiques sociales et les
programmes de ltat, lesquels servent de support leurs actions et en prolongent les
retombes3.

Office des professions du Qubec. Sommaire du Plan daction stratgique 2015 2019.

OMS (2009). Combler le foss en une gnration, Rapport de la Commission sur les dterminants sociaux de la sant.

Harper, Elizabeth, Dorvil, Henri (dir.) (2013). Le travail social. Thories, mthodologies et pratiques, Presses de
lUniversit du Qubec, 436 p.

LUTTER CONTRE LA MALTRAITANCE ENVERS LES PERSONNES ANES


ET TOUTE AUTRE PERSONNE MAJEURE EN SITUATION DE VULNRABILIT

UN OBJECTIF NOBLE ET RASSEMBLEUR,


MAIS UNE APPROCHE QUI SOULVE DES INQUITUDES
Prsent lAssemble nationale le 19 octobre 2016 par la ministre responsable des Ans
et de la Lutte contre lintimidation, Mme Francine Charbonneau, le projet de loi 115, Loi visant
lutter contre la maltraitance envers les personnes anes et toute autre personne majeure en
situation de vulnrabilit, rencontre peu dopposition. En effet, comment ne pas adhrer lide
de mettre en place des mcanismes pour protger lintgrit et la dignit des personnes anes.
Prsents majoritairement dans les tablissements du rseau de la sant et des services sociaux,
et bien au fait des problmatiques lies aux conditions de vie des personnes anes en situation
de vulnrabilit, les membres de lOrdre adhrent cet objectif.

Toutefois, nous souhaitons attirer lattention du lgislateur sur les risques, pour les
personnes concernes, que pourraient gnrer les modifications au Code des professions et
certaines lois relatives la protection des renseignements personnels, particulirement en
matire de secret professionnel et de confidentialit, modifications qui pourraient porter
ombrage au droit lautodtermination de la personne et au lien de confiance.

Le lien de confiance est essentiel et incontournable au niveau de linteraction entre les


professionnels de la sant et des relations humaines dont les travailleurs sociaux et les
thrapeutes conjugaux et familiaux et les personnes auprs desquelles ils interviennent,
notamment en contexte de maltraitance. Ces impacts ngatifs risquent dtre dautant plus
problmatiques du fait que le projet de loi vise lensemble des personnes majeures vulnrables.

En ce sens, notre principale rserve porte sur la divulgation obligatoire dinformations


obtenues sous le couvert du secret professionnel dans des situations autres que labus financier
et matriel envers les personnes anes.

LA MALTRAITANCE ET LA BIENTRAITANCE;

DES CONCEPTS QUI MRITENT DTRE MIEUX CONNUS


Le projet de loi 115 sinspire de la dfinition de la maltraitance propose par
lOrganisation mondiale de la sant (OMS) et laquelle lOrdre adhre :
La maltraitance est un geste singulier ou rptitif ou un dfaut daction approprie qui se
produit dans une relation o il devrait y avoir de la confiance et qui cause du tort ou de la
dtresse une personne4 .

Lors dun point de presse, en octobre dernier, la ministre titulaire de ce projet de loi
affirmait que :
La maltraitance est un phnomne dont il faut constamment se proccuper. Bien que des
actions importantes aient t dployes au cours des dernires annes, des situations de la
maltraitance sont malheureusement encore rpertories.

Du mme souffle, la ministre Francine Charbonneau, prcisait quil existe sept formes de
maltraitance : la maltraitance physique, psychologique, sexuelle, matrielle ou financire,
organisationnelle, la violation des droits de la personne et lgisme. notre avis, et selon
lexprience clinique de nos membres, nous croyons que la maltraitance matrielle et financire
compte parmi les plus frquentes.

De son ct, la bientraitance loin dtre simplement labsence de maltraitance envers


les personnes anes se traduit par des gestes individuels et collectifs en lien avec les besoins de
la personne et vise le bien-tre, le respect de la dignit, lpanouissement, lestime de soi,
linclusion et la scurit. Elle favorise galement des actions respectueuses des valeurs, de la
culture, des croyances, de lhistoire de vie, de la singularit, de la dignit de la personne, en
considrant son autodtermination et en tenant compte de sa condition physique, psychologique
et sociale5.

Du point de vue de lOrdre, il est essentiel ici dajouter la dimension sociale , laquelle
est au cur de la finalit du bien-tre, elle-mme fondamentale dans une perspective de
bientraitance.

Loi visant lutter contre la maltraitance envers les ans et toute autre personne majeure en situation de
vulnrabilit, chapitre 1, article 2.2.
5

Adaptation par lOrdre de la dfinition de la bientraitance propose dans un document de travail produit par Jacky
Rioux, conseiller, Secrtariat aux ans, ministre de la Famille, septembre 2016.

La prise en compte de la dimension sociale peut en outre servir dancrage la planification


et la ralisation dactions collectives et individuelles portant sur les dterminants sociaux de la
sant et du bien-tre.

Consquemment, ltat gagnerait mettre en place une stratgie de sensibilisation, de


communication et de formation visant la fois faire connatre les concepts de maltraitance et
de bientraitance, tant par le grand public que chez lensemble des gestionnaires du rseau de la
sant et des services sociaux ainsi que des professionnels et des intervenants appels interagir
avec des personnes majeures vulnrables, en gnral, et des personnes anes vulnrables,
en particulier.

RECOMMANDATION 1
LOrdre recommande que ltat dveloppe et mette en uvre un plan visant
sensibiliser le grand public ainsi que lensemble des gestionnaires, professionnels, intervenants
et proches aidants au phnomne de maltraitance envers les personnes majeures vulnrables
et promouvoir des comportements et des mesures favorisant la bientraitance.
De plus, il serait important que les milieux denseignement incluent les notions de
maltraitance et de bientraitance dans les formations offertes aux tudiants du domaine de la
sant mentale et des relations humaines des cgeps et des universits. Des formations similaires
devraient galement tre offertes au personnel qui uvre auprs des personnes anes, ainsi
quun processus permettant de mesurer les acquis et le maintien de bonnes pratiques.

RECOMMANDATION 2
LOrdre recommande ltat de faire le ncessaire pour que les concepts de
maltraitance et de bientraitance soient inclus dans les programmes de formation offerts aux
tudiants du domaine de la sant mentale et des relations humaines des cgeps et des
universits ainsi quauprs du personnel qui uvre auprs des personnes aines.

UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA MALTRAITANCE


AU SEIN DE CHAQUE TABLISSEMENT
LOrdre accueille favorablement lobligation, pour tous les tablissements publics
(incluant les ressources intermdiaires ainsi que les ressources de type familial du rseau de la
sant et des services sociaux) dadopter et de mettre en uvre une politique de lutte contre la
maltraitance. La mise en place dune telle politique lance un message social clair du caractre non
acceptable de la maltraitance, en lien direct avec larticle 48 de la Charte qubcoise des droits et
liberts de la personne6 qui proclame que :
Toute personne ge ou toute personne handicape a droit d'tre protge contre
toute forme d'exploitation.
Toute personne a aussi droit la protection et la scurit que doivent lui apporter sa
famille ou les personnes qui en tiennent lieu.

Bien que le principe soit noble, force est de constater quil rvle une ralit
proccupante sur ltat de nos ressources dhbergement au Qubec. Comme socit, nous
devons rflchir sur les raisons qui expliquent lincapacit actuelle des gestionnaires des centres
dhbergement pour personnes ges du rseau dassurer la scurit et la bientraitance des
personnes qui leur sont confies. Nous ressentons un certain malaise constater que ltat doive
lgifrer pour contraindre les tablissements, dont cest pourtant le mandat et la responsabilit,
de prendre soin adquatement de ces personnes.

En ce sens, nous partageons la lecture que font plusieurs autres organisations selon
laquelle les dcisions conomiques et politiques des dernires dcennies constituent autant de
facteurs aggravants. notre avis, la restructuration du rseau de la sant et des services sociaux,
leffritement des services publics, les coupes budgtaires, la rduction du personnel et la
dtrioration des conditions de pratique des professionnels et intervenants expliquent en partie
ltat actuel des ressources publiques dhbergement et leur capacit jouer efficacement leur
rle. La vrificatrice gnrale, en 20127, et le Commissaire la sant et au bien-tre, en 20168,

Charte des droits et liberts de la personne, RLRQ, c. C-12, article 48.

Vrificateur gnral du Qubec (2012). Rapport du vrificateur gnral du Qubec pour lanne 2012-13, vrification
de loptimisation des ressources personnes ges en perte dautonomie Services dhbergement chapitre 4,
Qubec, Vrificateur gnral du Qubec.
8

Commissaire la sant et au bien-tre (2016). Entendre la voix citoyenne pour amliorer loffre de soins et services.
Rapport dapprciation thmatique de la performance du systme de sant et de services sociaux. Un tat des lieux.
Qubec : gouvernement du Qubec.

ont signifi tour tour au gouvernement le dcalage important entre les politiques adoptes et
leur mise en uvre, sur le terrain.

Dautre part, le lgislateur doit sassurer que les commissaires locaux aux plaintes et la
qualit des services disposeront des ressources et de lindpendance ncessaires pour exercer
efficacement ce nouveau rle, particulirement dans un contexte o ceux-ci sont de moins en
moins nombreux au sein des CIUSSS et des CISSS. De plus, le projet de loi ne prcise pas qui aura
la tche deffectuer les suivis ncessaires pour sassurer que les personnes anes, leurs
reprsentants lgaux ou les membres de leur famille qui dposent des plaintes ne subissent pas
de reprsailles la suite dune dnonciation. Il sagit pourtant dun lment fondamental qui
influence la dcision de ces personnes de porter plainte ou non.

RECOMMANDATION 3
LOrdre demande ltat de sassurer que les commissaires locaux aux plaintes et la
qualit des services disposent des ressources ncessaires pour exercer efficacement le rle que
leur attribue le projet de loi 115.
RECOMMANDATION 4
LOrdre demande ltat de faire en sorte que les commissaires locaux aux plaintes et
la qualit des services, ou toutes autres personnes dsignes, soient responsables dassurer
les suivis ncessaires afin que les personnes anes, leurs reprsentants lgaux ou les membres
de leur famille ne subissent pas de reprsailles la suite dune dnonciation.
la lumire de certaines situations rapportes loccasion par les mdias, il faut se rjouir
du fait que le projet de loi 115 interdise formellement les poursuites en justice pour une
personne qui fait un signalement de bonne foi . De mme, le personnel qui dnonce une
situation sera labri de rtrogradation ou de suspension. Enfin, lidentit du dnonciateur
sera galement protge.

RECOMMANDATION 5
LOrdre appuie les dispositions du projet de loi 115 interdisant les poursuites en justice
pour les personnes qui effectuent un signalement de bonne foi, les dispositions faisant en sorte
que les membres du personnel qui dnoncent des situations de maltraitance soient labri de
rtrogradation ou de suspension ainsi que celles qui protgent lidentit du dnonciateur.

10

LE PROCESSUS DINTERVENTION
ET LES ENTENTES INTERSECTORIELLES
Le projet de loi 115 confie la ministre responsable des Ans et la Lutte contre
lintimidation le mandat de coordonner la mise en place dun processus dintervention concernant
la maltraitance envers les ans, notamment par la conclusion dune entente entre
ltablissement, le directeur des poursuites criminelles et pnales, les corps de police locaux, la
Suret du Qubec et toute autre personne juge utile . Sur ce point, lOrdre appuie et adhre
toute dmarche visant la mise en commun des comptences de tous les professionnels et
intervenants impliqus auprs des personnes anes en situation potentielle de maltraitance.

RECOMMANDATION 6
LOrdre appuie et adhre toute dmarche visant la mise en commun des comptences
de tous les professionnels et intervenants impliqus auprs des personnes anes en situation
potentielle de maltraitance.
De plus, dans les faits, de telles ententes existent dj, sous forme de projets pilotes dans
quatre rgions du Qubec. Ces ententes, comme les interventions de concertation
intersectorielles ralises dans plusieurs communauts locales, sont notamment supportes par
le Guide de rfrence pour contrer la maltraitance envers les personnes anes. Ce Guide, fruit de
plusieurs annes de travail et riche de nombreuses contributions, constitue un rfrent prcieux
pour agir en prvention ou en contexte de maltraitance9. Nous ne pouvons qutre en accord avec
ce type dinitiatives qui sinscrit dans une perspective de dveloppement social des
communauts, reconnaissant ainsi une responsabilit collective pour contrer la maltraitance.

Conformment aux bonnes pratiques dintervention sociale fondes sur les principes de
respect, de droit et dautodtermination des personnes, le Guide de rfrence fait valoir
limportance dobtenir le consentement dune personne apte le fournir pour en valuer la
situation et lui proposer des interventions ou lui fournir des services10. Une telle orientation
demeure fondamentale pour les travailleurs sociaux, mme en contexte de maltraitance, et plus

LOTSTCFQ a dailleurs contribu llaboration de la 2e dition (2016).

10

Voir par exemple cet gard : Simard, Robert avec la collaboration de Roxane Leboeuf (2014). Rles et enjeux lis
lintervention auprs des personnes anes victimes dexploitation financire , dans Crte, Raymonde, Tchotourian,
Ivan et Marie Beaulieu (sous la direction de). (2014). Lexploitation financire des personnes anes : prvention,
rsolution et sanction, ditions Yvon Blais, p. 477 488.

11

spcifiquement en cas de maltraitance matrielle et financire, lune des formes de maltraitance


les plus frquentes chez les personnes anes. Les difficults de reconnaissance de la situation par
la personne ane, toutefois, posent souvent un dfi majeur. Un lien de confiance dvelopp dans
le cadre dun accompagnement soutenu savre ncessaire pour favoriser cette reconnaissance
et convenir avec la personne des interventions les plus appropries dans sa situation.

Les conditions de pratique ncessaires un tel accompagnement doivent tre prsentes,


savoir le temps requis, la possibilit dintervenir dans le milieu de vie de la personne et auprs
de ses proches, les discussions avec les partenaires, les mesures dencadrement et de soutien
professionnel. Les tablissements doivent ainsi disposer des ressources ncessaires et dune
organisation des services adquate cet effet, ce qui nest pas toujours le cas selon nos
observations. La lourdeur des charges de cas et les exigences bureaucratiques, notamment,
psent sur la capacit des travailleurs sociaux duvrer en contexte de maltraitance dans des
conditions de pratique optimales et facilitantes.

Il arrive que les travailleurs sociaux se retrouvent face un dilemme thique srieux
lorsque les personnes anes vulnrables et victimes de maltraitance, ne les autorisent pas
divulguer de linformation un tiers au sujet de leur situation. Le dilemme est le suivant :
respecter la volont de la personne ou lever le secret professionnel? Dans de tels contextes, les
travailleurs sociaux doivent effectuer une valuation rigoureuse de la situation et prendre en
considration lensemble des consquences possibles de leur dcision afin qu terme la
dnonciation nentrane pas de consquences plus aggravantes, pour la personne, que la situation
initiale. Notons que le travailleur social sexpose aussi, lui-mme, des consquences
potentielles. Ainsi, nous croyons que le lgislateur doit faire preuve dune grande prudence avant
de permettre la dnonciation de situations de maltraitance potentielle envers des personnes
anes vulnrables sans le consentement de la personne concerne.

RECOMMANDATION 7
LOrdre recommande au lgislateur de faire preuve dune grande prudence avant de
permettre la dnonciation de situations de maltraitance potentielle envers des personnes
anes vulnrables sans le consentement de la personne concerne.

12

LES PILIERS DU SYSTME PROFESSIONNEL


ET DE LINTERVENTION EN SANT MENTALE
ET EN RELATIONS HUMAINES
Plusieurs notions qui constituent les piliers sur lesquels repose le systme professionnel
et, par le fait mme la profession de travailleur social sont touchs par ce projet de loi, notamment
le lien de confiance essentiel lalliance thrapeutique entre le professionnel et la personne
le droit lautodtermination de la personne et le respect du secret professionnel. tant donn
limportance de ces notions, nous croyons cet effet que le lgislateur doit faire preuve dune
grande prudence en la matire.

LA CONFIDENTIALIT
La confidentialit constitue un principe fondamental protg par la Charte des droits et
liberts de la personne11, le Code civil du Qubec12 ainsi que diverses autres lois. Chez les
professionnels du domaine de la sant mentale et des relations humaines, la confidentialit est
balise et assure notamment par le code de dontologie, le secret professionnel ainsi que par le
jugement professionnel.

LE SECRET PROFESSIONNEL
Le secret professionnel sapplique aux professionnels qui dispensent des services des
personnes. Son objet est dassurer la protection du client et non celle du professionnel. Ainsi, le
professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient
sa connaissance dans lexercice de sa profession. Il ne peut tre relev de son obligation au secret
professionnel que si son client y renonce, cette renonciation expresse ou tacite, mais toujours
claire et volontaire; ou si la loi lordonne ou le lui permet.

LALLIANCE COLLABORATIVE, LA RELATION THRAPEUTIQUE


Le secret professionnel tire son fondement dans limportance dobtenir la vrit sur ltat
de sant de la personne et, selon le cas, sur ltat de sa situation personnelle ou financire13. Au
plan clinique, le secret professionnel constitue la base mme dune relation de confiance et de

11

Charte des droits et liberts de la personne, articles 1, 2, 5 et 9.

12

Code civil du Qubec, L.Q., 1991, c. 64, art. 35-41; Dispositions sur le respect de la rputation et de la vie prive.

13

Turmel, 2012.

13

collaboration entre le professionnel et la personne qui le consulte. Le secret professionnel est


aussi un puissant levier pour lvaluation et lintervention. En se dvoilant en toute confiance, la
personne offre au professionnel la possibilit davoir une meilleure comprhension de sa situation
et, par la mme occasion, dintervenir avec justesse en fonction de ses besoins et de sa ralit.
Cest pourquoi le secret professionnel est fondamental et doit tre prserv.

LE JUGEMENT PROFESSIONNEL ET LVALUATION RIGOUREUSE


En tout temps, le travailleur social doit exercer son jugement professionnel pour dcider
de la conduite professionnelle privilgier. Ce jugement repose essentiellement sur une
valuation rigoureuse qui demeure avant tout un acte professionnel rflchi. Pour ce faire, le
travailleur social met profit les comptences et les savoirs issus de la pratique, les connaissances
thoriques ainsi que les valeurs du travail social.

LE DROIT LAUTODTERMINATION DE LA PERSONNE


En travail social, lautodtermination est une valeur primordiale. En vertu de cette valeur,
le travailleur social doit respecter la volont de la personne de conserver confidentielles des
informations quil lui rvle mme si ces informations peuvent tre drangeantes, choquantes,
voire rprhensibles, au plan moral ou social pour le travailleur social. De plus, mme si la
personne ane est considre comme tant vulnrable, ou mme dclare inapte, elle pourrait
tre pnalise par la dnonciation obligatoire dune situation (perte dun lien avec une
personne significative).

14

LES CONDITIONS ENTOURANT


LA LEVE DU SECRET PROFESSIONNEL
Llargissement des exceptions permettant la leve du secret professionnel et la
dnonciation de situations de maltraitance potentielle limite la porte du principe
dautodtermination de la personne et soulve des questions thiques importantes :
Nous ne pouvons ignorer la question de lquilibre entre le devoir dune socit [et de
ses membres] de protger une personne vulnrable et le besoin fondamental de respecter
lautonomie et la dignit de celle-ci. Nous entendons ici par autonomie les aspects lis
sa libert et sa capacit de prendre des dcisions qui la concernent directement et, de
faon gnrale, dorienter sa vie partir de ses propres valeurs et selon le sens quune
personne peut donner sa vie ou au contexte dvnements particuliers. [] Il y a une
pondration mettre en application et notre socit doit dcider quelles valeurs elle
souhaite privilgier14 [nos soulignements].

En ce qui concerne spcifiquement les personnes anes, une autre auteure identifie un
enjeu primordial :
Il existe des similarits entre le juridique et le psychologique qui se situent au niveau
dune volont et des actions en vue de respecter et de faire respecter les droits du majeur
avanc en ge; ces professionnels du juridique et du psychosocial vivent un dilemme
dordre thique lorsquils doivent choisir entre protger le majeur vulnrable (la vie) ou
respecter son autodtermination (la libert) 15 [nos soulignements].

Selon les nouvelles dispositions proposes par le projet de loi 115, un professionnel du
domaine de la sant mentale et des relations humaines pourrait sans obtenir le consentement
libre et clair de son client ou mme contre le gr de celui-ci transmettre des informations
un tiers dans plusieurs situations. En effet, sont vises les situations o la vie nest pas
immdiatement menace, mais qui peuvent nanmoins entraner des torts pour la sant et le
bien-tre de la personne. Par exemple, la violence conjugale, litinrance, la dpendance, etc.

14

Frank BARBARA, Rflexions thiques sur la sauvegarde de lautonomie dans S.F.C.B.Q., vol. 182, Dveloppements
rcents sur les pouvoirs publics et la protection (2003), Cowansville, ditions Yvon Blais, p. 196.
15

Ginette SIMONEAU, Autonomie dcisionnelle des personnes ges selon Mars et Vnus , dans S.F.C.B.Q., vol.
301, Dveloppements rcents sur la protection des personnes vulnrables (2009), Cowansville, ditions
Yvon Blais, p. 14.

15

EST-IL NCESSAIRE DALLER AUSSI LOIN


POUR ATTEINDRE LA FINALIT DU PROJET DE LOI?
Globalement, et nous lavons exprim plus tt dans ce mmoire, nous adhrons la
volont de ltat dintervenir pour contrer la maltraitance auprs des personnes anes
vulnrables. cet effet, notons quil existe dj un certain nombre de mesures qui vont en ce
sens, notamment les mesures alternatives louverture dun rgime de protection (procuration
bancaire, gestion par un tiers, etc.) et la mise en place, au sein des tablissements, de lieux
dchanges o le rsident et ses proches peuvent faire part de leurs proccupations.

Mme si le titre du projet de loi englobe toutes les personnes majeures en situation de
vulnrabilit, nous dcodons que les personnes anes victimes de maltraitance matrielle et
financire sont particulirement cibles. notre avis, la majorit de ces cas pourrait tre
solutionne efficacement, entre autres, en mettant en place les moyens ncessaires au
dploiement de meilleures conditions de pratique pour lensemble des professionnels qui ont
intervenir dans ces situations. Nous entendons ici la capacit dexercer pleinement leur jugement
professionnel, de recourir lensemble de leurs comptences et de pouvoir consacrer le temps
ncessaire pour accompagner la personne potentiellement victime de maltraitance. Le
professionnel pourrait ainsi dvelopper un processus lamenant comprendre la situation et
identifier les solutions possibles. De plus, il pourrait galement inviter la personne consentir
la leve du secret professionnel pour dnoncer une situation de maltraitance potentielle lorsquil
est ncessaire de le faire.

RECOMMANDATION 8
LOrdre demande la ministre responsable de sassurer que les professionnels qui
uvrent auprs des personnes anes vulnrables bnficient de conditions de pratique leur
permettant de dployer lensemble de leurs comptences, dexercer pleinement leur jugement
professionnel et du temps ncessaire pour accompagner adquatement les personnes anes
potentiellement victimes de maltraitance dans un processus dintervention menant la
rsolution du problme.
Nous ninsisterons jamais suffisamment sur ce point : il faut se proccuper des risques,
pour la personne concerne, daller lencontre de sa volont sans savoir prcisment quelles en
seront les consquences, particulirement lorsque labuseur est un conjoint, un enfant, une

16

personne significative. Dans de telles situations, le jugement clinique du professionnel est


fondamental.

17

LA MALTRAITANCE INSTITUTIONNELLE
Par maltraitance institutionnelle, nous rfrons et adhrons la dfinition que propose
la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes anes :
Toute situation cre ou tolre par une procdure des tablissements et qui
compromet lexercice des droits et des liberts des usagers ou qui leur cr des
prjudices16.

Plusieurs dcisions gouvernementales, depuis les 20 dernires annes, ont des impacts
directs et indirects sur la qualit des soins et services offerts la population en gnral et aux
personnes vulnrables en particulier. Par voix de consquences, certains facteurs lis la
maltraitance sont lis au fonctionnement des tablissements dhbergement des personnes
anes. Il en rsulte un gouffre entre la notion de milieu de vie17, adopte par le ministre de la
Sant et des Services sociaux, et la ralit vcue tant par les rsidents que par le personnel
soignant. Nommons ici certains de ces facteurs : restructuration en profondeur du rseau,
manque de personnel en gnral et de personnel qualifi en particulier, organisation du travail
qui rend difficile souvent impossible la dispensation des soins de base pourtant
ncessaires, etc. Pourtant, dans le document Un milieu de vie de qualit pour les personnes
hberges en CHSLD18, le premier principe directeur indique clairement :
Les caractristiques, les besoins et les attentes des rsidents constituent le fondement
de toute dcision en matire dorganisation, dintervention et damnagement.

Autre lment important en lien avec lapproche milieu de vie, selon la Chaire de
recherche sur la maltraitance envers les personnes anes :
En plus de faire la promotion de la bientraitance et de la qualit des soins est des
services, cette approche [milieu de vie] est considre comme tant une pratique efficace
pour contrer la maltraitance19.

16

SPVM et Chaire de recherche sur la maltraitance des personnes anes (2016), Fiche synthse et statistiques. Lutte
contre la maltraitance envers les ans.
17

Ministre de la Sant et des Services sociaux du Qubec (2003). Un milieu de vie de qualit pour les personnes
hberges en CHSLD. Orientations ministrielles.
18

Ministre de la Sant et des Services sociaux du Qubec (2003). Un milieu de vie de qualit pour les personnes
hberges en CHSLD. Orientations ministrielles, p. 3.
19

Chaire de recherche sur la maltraitance des personnes anes (2016).

18

Toutefois, le Protecteur du citoyen rappelle que la mise en place dun milieu de vie de
qualit ncessite que les quipes de gestion responsables manifestent du leadership afin de
prioriser la rponse aux besoins et attentes des rsidents20 .

Abondant dans le mme sens, plusieurs organisations rappellent rgulirement la


pertinence dorganiser les soins et les services selon les besoins des personnes, autour des notions
dautonomie, dintgration et de participation sociale, insistant ainsi sur le dfi constant que
reprsente le maintien de lquilibre entre les notions de milieu de vie et milieu de soins. De plus,
il peut tre difficile, dans certaines situations, de faire la part des choses entre des lacunes au
niveau de la prestation des soins et des services (manque de ressources, de formation et un acte
de maltraitance commit par un membre du personnel, un rsident, un proche ou un bnvole).

Au niveau social, la question de la maltraitance institutionnelle se manifeste


principalement par le dsengagement de ltat face ses responsabilits. La question des soins
et des services la personne hberge est partage entre diffrents niveaux dintervention : le
personnel, linstitution, ltat et les proches aidants. Pourtant, de plus en plus, ltat dlgue des
mandats aux tablissements sans se soucier des conditions dapplication de ses politiques ni des
conditions dans lesquelles le personnel doit assumer ses tches. Or, limputabilit des
tablissements, et des gestionnaires, est un lment important. En effet, ceux-ci sont peu enclins
assumer leurs responsabilits dans ces cas prcis. Sans verser dans lanecdotique, pensons ces
personnes anes forces de porter des produits dincontinence parce que le personnel narrive
pas les accompagner la salle de bain suffisamment rapidement, ou encore celles qui sont
attaches leur fauteuil, de peur quelles ne chutent, alors quelles sont encore capables de se
dplacer. Comment concilier des ralits avec les meilleures pratiques qui ncessitent que tous
se sentent responsables, imputables, impuissants?

RECOMMANDATION 9
LOrdre recommande la ministre responsable de sensibiliser les ministres concerns
au phnomne de la maltraitance institutionnelle afin que des mesures adquates soient
adoptes et mises en uvre pour contrer ce phnomne.

20

Protecteur du citoyen (2016). Rapport annuel dactivits 2015-2016, p.102.

19

Nous sommes daccord avec les observations de la Chaire de recherche en maltraitance


qui recommande ltat de veiller ce que soient introduits au sein des divers programmes de
formation des notions claires concernant la maltraitance, comment en reconnaitre les
manifestations, comment la contrer, etc. Nous sommes mme de constater quil y a place
amlioration sur ce plan, tant au niveau de la formation collgiale quuniversitaire, mais
galement en ce qui a trait la formation continue. En milieu dhbergement, la formation doit
tre offerte lensemble du personnel, y compris les intervenants non professionnels et de faon
rcurrente, non seulement pour compenser au roulement du personnel, mais galement pour
permettre tous de demeurer la fine pointe des connaissances et des meilleures pratiques en
la matire.

20

ENCADRER LUTILISATION
DES CAMRAS DE SURVEILLANCE
Le projet de loi 115 modifie larticle 505 de la Loi sur les services de sant et les services
sociaux en ajoutant la disposition permettant de :
dterminer les modalits dutilisation des mcanismes de surveillance, tels des camras
ou tout autre moyen technologique, dans les installations maintenues par un
tablissement, dans les ressources intermdiaires ou les ressources de type familial, dans
les rsidences prives pour ans ou dans tout autre lieu en lien avec la prestation de
services de sant et de services sociaux quil dtermine .

LOrdre ayant dj contribu des changes initis par le MSSS sur lencadrement de
lutilisation de camras et autres moyens technologiques aux fins de surveillance dans les CHSLD,
nous prsentons ici trois proccupations que nous avons dj souleves cet effet.

LACCOMPAGNEMENT DE LA PERSONNE POSSIBLEMENT MALTRAITE


La dcision dun rsident dun centre dhbergement, de ses proches ou de son
reprsentant lgal de recourir une camra de surveillance, installe dans sa chambre, est
appuye sur le fait que cette personne est chez-elle dans sa chambre et quelle craint pour sa
scurit ou son intgrit. La plupart du temps, les personnes ou leur famille invoquent des
sentiments dinscurit, de soupons de vol, de ngligence, dabus ou de maltraitance pour
recourir cette forme de surveillance. Une premire question se pose notre avis : qui
accompagnera cette personne ou son reprsentant lgal dans la prise dune telle dcision? Le
personnel soignant ne peut assumer cette responsabilit, selon nous, considrant quil pourrait
tre mis en cause par les soupons de maltraitance. Le comit des rsidents pourrait jouer ce rle,
puisquil est gnralement prsent et proche des personnes hberges. Ajoutons que les
travailleurs sociaux pourraient galement contribuer laccompagnement de la personne
possiblement maltraite. Le travailleur social est en effet lexpert des questions lies au
consentement, des mesures de protection et du respect des droits et de linteraction avec
lenvironnement de la personne (proches, famille).

LUSAGER OU SON REPRSENTANT LGAL


Lorsque la personne hberge est dclare inapte, la dcision dinstaller une camra
reviendrait son reprsentant lgal, en occurrence son mandataire, curateur ou curateur priv.
Cependant, cette faon de faire nassure pas ncessairement le respect de lautodtermination
21

de la personne hberge et de sa dignit. En effet, mme si la personne est dclare inapte, tout
doit tre mis en uvre pour obtenir quand mme son consentement en fonction de lautonomie
dcisionnelle quelle dtient.

Une attention particulire doit galement tre porte aux personnes hberges qui
peuvent tre, dans les faits, inaptes, qui nont pas de reprsentant lgal, mais qui peuvent
compter sur des proches pour assurer une certaine reprsentation. Quels rles pourront jouer
ces personnes dans le processus dcisionnel li linstallation de camras de surveillance?

lment important, ltablissement doit prendre toutes les dispositions ncessaires pour
viter que les rsidents qui ont recours aux camras de surveillance ne soient victimes
dintimidation ou de reprsailles.

RECOMMANDATION 10
LOrdre recommande la ministre responsable de voir ce que les tablissements
prennent toutes les dispositions ncessaires pour viter que les rsidents qui ont recours aux
camras de surveillance ne soient victimes dintimidation ou de reprsailles.
DES MESURES ALTERNATIVES POUR AGIR EN AMONT
La dcision dinstaller une camra dans la chambre dune personne hberge est
gnralement motive par le besoin de protger cette personne dans un contexte o il y a une
perte de confiance. Entre la pose dune camra et la situation qui la motive, une panoplie
dinterventions sont possibles et devraient tre mises en uvre pour pallier les inquitudes de la
personne et de ses proches. Incidemment, plusieurs questions ont t souleves par le Comit
national dthique sur le vieillissement :
Est-il normal quon ne prenne pas ou quon nait pas le temps dchanger avec les
familles sur les conditions associes une maladie ou la perte dautonomie, sur les
risques associs aux pertes progressives et sur les choix dinterventions qui seront faire?
Est-il normal quon ne puisse pas changer avec les familles sur leurs inquitudes et sur
les fondements de celles-ci, sans passer par un lourd processus administratif et avant
quune situation ne devienne conflictuelle?21

21

Comit national dthique sur le vieillissement, Avis No 1, Aspects thiques de lutilisation de camras vido dans les
milieux de vie des ans, Qubec, 2015, p. 82.

22

Nous croyons que ltablissement a la responsabilit de mettre en place un lieu de paroles


et dchanges entre les parties concernes et quil ne peut reposer uniquement sur lusager ou
son reprsentant lgal dopter pour la camra de surveillance, alors que la plupart des situations
pourraient se rsoudre plus simplement.

EN AMONT, LIMPORTANCE DINSTAURER UN CLIMAT DE CONFIANCE


La communication, la transparence et laccessibilit sont des notions essentielles pour
que sinstalle un climat de confiance entre les rsidents, leur famille et le personnel dun
tablissement. En labsence dun tel climat de confiance, le rflexe lgitime de certaines
personnes sera de chercher dautres moyens dobtenir des rponses leurs questions ou leurs
inquitudes. LOrdre souhaite ardemment que les politiques de lutte contre la maltraitance
comportent un volet ducation et sensibilisation lendroit du personnel des tablissements
concerns, des familles et des proches afin quil soit clairement tabli que le respect de ces
personnes doit tre une proccupation partage par tous, en tout temps et en toutes
circonstances.

RECOMMANDATION 11
LOrdre souhaite que la ministre responsable sassure que les politiques de lutte contre
la maltraitance comportent un volet ducation et sensibilisation lendroit du personnel
des tablissements concerns, des familles et des proches afin quil soit clairement tabli que
le respect de ces personnes doit tre une proccupation partage par tous, en tout temps et en
toutes circonstances.

23

EN CONCLUSION
Pour toutes les raisons voques pralablement, nous ritrons notre adhsion la
volont de ltat dagir afin de contrer la maltraitance envers les personnes anes vulnrables et
autres personnes majeures en situation de vulnrabilit. la suite des appels la prudence
exprims concernant les dispositions relatives la leve du secret professionnel proposes par le
projet de loi, nous invitons le lgislateur sil devait choisir daller de lavant en ce sens, tre
plus spcifique et mieux circonscrire les situations de maltraitance vises par la divulgation et y
maintenir son caractre discrtionnaire.

RECOMMANDATION 12
Tout en affirmant la primaut du principe de lautodtermination des personnes et
limportance du lien de confiance entre le professionnel et la personne ane vulnrable, lOrdre
invite le lgislateur tre plus spcifique et mieux circonscrire les situations de maltraitance
vises par la divulgation et y maintenir son caractre discrtionnaire. Ce faisant, lOrdre prne
nanmoins le recours des mesures plus souples et moins lourdes de consquences et faisant
appel, notamment, la mise en place de conditions de pratique permettant aux professionnels
de dployer lensemble de leurs comptences.
Toutefois, mme dans une telle approche restrictive, nous croyons toujours que de
bonnes conditions de pratique, qui permettent la pleine expression du jugement professionnel,
sont en mesure de dsamorcer la majorit des situations. Dans tous les cas, il faut garder lesprit
le srieux et les consquences potentiellement graves de la leve du secret professionnel et de la
dnonciation. Nous nous appuyons sur notre mandat de protection du public pour tayer cette
mise en garde et pour insister sur limportance de prserver le droit lautodtermination des
personnes.

24

LISTE DE NOS RECOMMANDATIONS


RECOMMANDATION 1
LOrdre recommande la mise uvre dun plan visant sensibiliser le grand public ainsi que
lensemble des gestionnaires, professionnels, intervenants et proches aidants au phnomne de
maltraitance envers les personnes majeures vulnrables et promouvoir des comportements et
des mesures favorisant la bientraitance.
RECOMMANDATION 2
LOrdre recommande que les concepts de maltraitance et de bientraitance soient inclus dans les
programmes de formation offerts aux tudiants du domaine de la sant mentale et des relations
humaines des cgeps et des universits ainsi quauprs du personnel qui uvre auprs des
personnes aines.
RECOMMANDATION 3
LOrdre souhaite que les commissaires locaux aux plaintes et la qualit des services disposent
des ressources et de lindpendance ncessaires pour exercer efficacement le rle que leur
attribue le projet de loi 115.
RECOMMANDATION 4
LOrdre souhaite que les commissaires locaux aux plaintes et la qualit des services (ou toute
autre personne dsigne pour jouer ce rle) soient responsables dassurer les suivis ncessaires
afin que les personnes anes, leurs reprsentants lgaux ou les membres de leur famille ne
subissent pas de reprsailles la suite dune dnonciation.
RECOMMANDATION 5
LOrdre appuie les dispositions du projet de loi 115 interdisant les poursuites en justice pour les
personnes qui effectuent un signalement de bonne foi, les dispositions faisant en sorte que les
membres du personnel qui dnoncent des situations de maltraitance soient labri de
rtrogradation ou de suspension ainsi que celles qui protgent lidentit du dnonciateur.
RECOMMANDATION 6
LOrdre appuie et adhre toute dmarche visant la mise en commun des comptences de tous
les professionnels et intervenants impliqus auprs des personnes anes en situation potentielle
de maltraitance.
RECOMMANDATION 7
LOrdre recommande au lgislateur de faire preuve dune grande prudence avant de permettre
la dnonciation de situations de maltraitance potentielle envers des personnes anes vulnrables
sans le consentement de la personne concerne.
RECOMMANDATION 8
LOrdre demande que les professionnels qui uvrent auprs des personnes anes vulnrables
bnficient de conditions de pratique leur permettant de dployer lensemble de leurs
comptences, dexercer pleinement leur jugement professionnel et du temps ncessaire pour
accompagner adquatement les personnes anes potentiellement victimes de maltraitance dans
un processus dintervention menant la rsolution du problme.
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RECOMMANDATION 9
LOrdre souhaite que la ministre responsable soit en mesure de sensibiliser les ministres
concerns par la maltraitance institutionnelle afin que des mesures adquates soient adoptes et
mises en uvre pour contrer ce phnomne.
RECOMMANDATION 10
LOrdre souhaite que les tablissements prennent toutes les dispositions ncessaires pour viter
que les rsidents qui ont recours aux camras de surveillance ne soient victimes dintimidation ou
de reprsailles.
RECOMMANDATION 11
LOrdre souhaite que les politiques de lutte contre la maltraitance comportent un volet
ducation et sensibilisation lendroit du personnel des tablissements concerns, des
familles et des proches afin quil soit clairement tabli que le respect de ces personnes doit tre
une proccupation partage par tous, en tout temps et en toutes circonstances.
RECOMMANDATION 12
Tout en affirmant la primaut du principe de lautodtermination des personnes et limportance
du lien de confiance entre le professionnel et la personne ane vulnrable, lOrdre invite le
lgislateur tre plus spcifique et mieux circonscrire les situations de maltraitance vises par
la divulgation et y maintenir son caractre discrtionnaire. Ce faisant, lOrdre prne nanmoins
le recours des mesures plus souples et moins lourdes de consquences et faisant appel,
notamment, la mise en place de conditions de pratique permettant aux professionnels de
dployer lensemble de leurs comptences.

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