Chronique «Aux petits soins»

Des victimes indirectes du vaccin contre la grippe H1N1 indemnisées pour la première fois

Le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que les proches d'une jeune fille souffrant de narcolepsie avec cataplexie causée par le vaccin devaient, en tant que victimes collatérales, être indemnisés.
par Eric Favereau
publié le 12 décembre 2016 à 14h40

C’est une première. Plusieurs membres d'une même famille, victimes indirectes du vaccin contre la grippe H1N1, ont été indemnisées par le tribunal administratif de Strasbourg, fin novembre. Il s’agit du père d’une jeune fille, Julie, qui avait développé une narcolepsie avec cataplexie à la suite de cette vaccination.

Aujourd’hui, les experts reconnaissent un lien entre la survenue d’une narcolepsie et la vaccination contre la grippe H1N1. Une narcolepsie, ce n’est pas très amusant, c’est l’impossibilité de s’empêcher de dormir à n’importe quel moment de la journée. Ce sont des crises de somnolence qui peuvent être courtes ou longues. C’est un endormissement rapide. Quant à la cataplexie, c’est la perte brutale de tonus musculaire, qui entraîne obligatoirement la chute de la personne.

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Lien établi

Peu après les massives campagnes de vaccination contre la grippe H1N1 dans le monde en 2009-2010, plusieurs dizaines voire centaines de cas de narcolepsie ont été signalées à l’été 2010, en Finlande et en Suède. Les experts ont noté qu’il s’agissait quasi exclusivement des personnes ayant été vaccinées contre la grippe A (H1N1) avec Pandemrix, seul vaccin utilisé dans ces pays durant la campagne de vaccination pandémique. Les autorités de santé européennes ont engagé une réévaluation du bénéfice/risque du vaccin Pandemrix : plusieurs études pharmacoépidémiologiques, dont une étude française, ont confirmé le signal, montrant qu’il existait bien une augmentation du risque de narcolepsie. Bref, le lien paraissait établi. En France, ce vaccin Pandemrix a été aussi utilisé, mais pas uniquement. En septembre 2013, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a fait ainsi état de 61 cas de narcolepsie.

Dans ces conditions, la question de l'indemnisation s'est naturellement posée pour les personnes vaccinées. En 2013, 18 dossiers avaient été acceptés par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam). La moyenne des indemnisations étant de 338 000 euros. «En France il doit y avoir plus d'une centaine de personnes touchées, et j'ai moi-même plus de 60 dossiers», nous a détaillé l'avocat Charles Joseph-Oudin, spécialiste des dossiers sanitaires.

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Indemniser les proches

Mais voilà qu'une question est apparue : quid des victimes collatérales, en l’occurrence les proches ? Lors d’accidents médicaux, la question se pose régulièrement ; faut-il en effet indemniser aussi les proches qui ont à subir les conséquences de ces pathologies, et comment ? Dans l’affaire du vaccin contre le H1N1, l’Oniam s’y refusait. Beaucoup de dossiers ont dû aller ainsi jusqu’au Conseil d’Etat. Et c’est ainsi que le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi.

Pour la première fois, la justice a décidé d'indemniser des proches. Un jugement du 30 novembre qui vaut d'être cité dans le détail : «Considérant qu'il résulte de l'instruction que la jeune Lucie a été, du fait de sa narcolepsie, atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire évalué à 50%, que son dommage esthétique permanent et temporaire est estimé à 3/7 et les souffrances endurées à 4/7, que son état de santé a eu des répercussions sur son activité étudiante, sur ses activités d'agrément et qu'il est probable qu'il en aura sur sa vie professionnelle à venir, que sa perte d'autonomie est importante et nécessite une assistance significative de ses parents ; compte tenu qu'il n'est pas contestable que ces préjudices subis par Lucie et causés par sa narcolepsie ont des répercussions sur ses proches, en l'occurrence ses parents et sa sœur, dans la mesure où son état de santé les affecte moralement et perturbe leur quotidien, ils sont ainsi fondés à demander à l'Oniam l'indemnisation du préjudice d'affection, ainsi que du préjudice dit "d'accompagnement" qui doit être analysé comme un préjudice lié aux troubles dans les conditions d'existence.» Et la justice évalue le préjudice à chacun des parents de Lucie à la somme de 10 000 euros et, pour la sœur de cette dernière, à 5 000 euros. Un jugement qui devrait ouvrir la voie à d'autres demandes.

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