« La mue du fantassin » : à quoi ressemblera le soldat de demain ?

« La mue du fantassin » : à quoi ressemblera le soldat de demain ?

La guerre est en train de subir un changement radical : le fantassin redevient central et les technologies sont de plus en plus essentielles.

Par Xavier de La Porte
· Publié le · Mis à jour le
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Mon but était de mettre des mots et des faits sur une intuition au sujet de la guerre qui a lieu en ce moment en Irak et en Syrie contre Daech. Une intuition un peu bétasse, mais que je vous livre quand même : l’impression qu’il y a sur ces terrains au moins deux guerres qui se déroulent en même temps et qui s’entremêlent.

  • L’une est celle dont a des images : des types qui se battent dans le sable et les rues poussiéreuses, avec des tenues un peu dépareillées, des armes basiques, contre d’autres types qui s’enfuient à moto, se lancent dans une voiture pleine d’explosifs ou piègent les maisons en cachant de la TNT sous une bâche.
     
  • Et une autre guerre, très technologisée avec ses armes dernier cri, ses avions qui larguent des bombes à visée laser, ses drones et ses fameuses forces spéciales, une autre guerre qu’on ne voie jamais ou dont on n’aperçoit que l’effet, matérialisé par un panache de fumée.

J’en étais donc à rassembler quelques éléments sur les technologies dont sont équipées ces forces spéciales françaises, quand mon œil a été attiré par un article intitulé « la mue du fantassin ». Quel beau titre « la mue du fantassin » ! On pourrait presque croire qu’on va lire un article sur une espèce de papillon à la robe camouflée… Mais non, il s’agissait d’un papier de la revue Innovations, magazine interne de l’entreprise Thalès, acteur majeur de l’industrie d’armement .

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Fantassin amélioré

Pas du tout rebuté par le caractère promotionnel de cet article (l’unique personne citée étant le « directeur des études stratégiques avancées de Thales Research 'amp; Technology »), je l’ai lu avec une fascination dont je ne suis pas totalement fier et que je vais tenter de vous restituer.

On nous explique d’abord que la guerre est en train de subir un changement radical. Les autorités militaires ont tiré des enseignements des conflits récents : une bataille se gagne au sol contre un ennemi qui connaît le terrain, agit de manière pas toujours conventionnelle et est prêt à mourir.

Un membre des forces irakiennes, le 24 octobre 2016, au sud de Mossoul
Un membre des forces irakiennes, le 24 octobre 2016, au sud de Mossoul - AHMAD AL-RUBAYE/AFP

L’efficacité n’est plus garantie par la seule puissance de feu, mais par un déploiement intelligent des armes, une meilleure protection des soldats et une meilleure communication. Le fantassin redevient central.

C’est là que les technologies seront de plus en plus essentielles, pour que ce soldat voit mieux, prenne des décisions plus vite, se coordonne mieux avec le reste des troupes et des armes. Bref, il faut recueillir des informations, les transmettre, les recevoir.

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Armures liquides

Le fantassin moderne est déjà équipé d’un casque GPS, d’une caméra, mais il faudra bientôt, entre autres outils numériques, que son casque soit équipé d’une caméra 360° qui lui offre une vision périphérique et lui permette de zoomer. Mais tout cela pose au moins deux problèmes.

  • D’abord le poids. Tout ça pèse lourd et quand il porte plus de 35 % de son poids, un fantassin est très ralenti (dans mon cas, ça fait 22 kg, ce que je trouve énorme, mais bon…). Deux solutions… L’usage de nanomatériaux plus légers (gros levier d’innovation les nanomatériaux) et la combinaison de plusieurs fonctions en un seul objet, par exemple ajouter une radio dans un fusil (ne me demandez pas où). Mais certains laboratoires travaillent aussi à un exosquelette permettant d’augmenter la force du soldat et donc de supporter plus de poids.
  • Le second problème, c’est l’overdose d’informations. Eh oui, car le soldat risque aussi de d’être débordé par les informations qu’il produit et reçoit, ce qui est contre-productif, surtout en situation de stress. On apprend que l’armée américaine travaille à une tenue pleine de capteurs qui pourraient transmettre au commandement des données physiques du soldat (données cardiaques et électro-encéphaliques) et permettre de moduler l’afflux d’informations à envoyer au soldat en fonction de cet état.

C’est donc ça la « mue du fantassin », et encore je vous passe la description des armures liquides (à bas de nanoparticules pouvant se solidifier en quelques millisecondes).

Au bout d’un moment que l’on parcourt cette littérature sur le soldat de demain, on ne sait plus très bien ce qu’on lit et pourquoi ça nous intéresse. Est-ce que ça nous intéresse comme la projection dans un futur que nous verrons ? Comme de la science-fiction ? Ou comme la réactivation du rêve enfantin de faire la guerre sans jamais mourir ?

En tout cas, on a l’impression que tout cela nous éloigne de cette guerre qui se déroule en ce moment en Irak et en Syrie – la poussière, le sang, les chairs déchirées, le deuil, l’absurde – et c’est là qu’on commence à s’inquiéter.

Xavier de La Porte
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