Review VO – Frostbite #1

Les points positifs : Visuellement superbe ! Le post apo revisité Surprenant et nuancé Les points négatifs : Quelques répétitions Oui, il y a plus original ailleurs

« It’s so cold. Please… I’m just so… cold. »

• Scénario : Joshua Williamson – Dessins, couverture : Jason Shawn Alexander – Couleurs : Luis NCT
  

• Vertigo – Frostbite #1 – 28 septembre 2016 – 32 pages – 3.99$

Alors que DC Comics jouit d’un fort succès commercial auprès des comicshops US, c’est sa branche indé Vertigo qui a bien du mal à suivre la cadence. Après une vague de douze titres l’an dernier dont seul 3 sont encore publiés aujourd’hui, on ne peut pas dire que Jim Lee et Dan Didio n’auront pas essayé de relancer l’imprint, mais sans succès. On peut voir à présent une sorte de nouvelle stratégie se dessiner peu à peu : les auteurs et artistes qui signent un contrat d’exclusivité chez DC ont également à leur charge un comicbook à faire chez Vertigo. Frostbite, par Joshua Williamson, auteur de The Flash, est le premier de ceux-là, avec Jason Shawn Alexander. Ce dernier, habitué de l’horreur chez Dark Horse, s’essaye aujourd’hui dans une épopée sanglante dans un futur post-apocalyptique glacial… Attention au rhume.

En s’appuyant dans un contexte actuel (les craintes du réchauffement climatique), Joshua Williamson établit un postulat simple : les essais pour tourner à notre avantage le réchauffement climatique ont abouti à une catastrophe scientifique qui a apporté une nouvelle ère glaciaire sur Terre. Des millions de personnes ont péri, et les sources de chaleur sont à présent rares et convoitées. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà qu’une maladie mortelle a fait son apparition : le Frostbite, qui donne son nom à cette mini-série en six numéros. Si vous êtes contaminés, vos cellules gèleront lentement, jusqu’à vous transformer en gros cube de glace. Dans ce contexte plus qu’encourageant, l’auteur nous présente son personnage principal, Keaton, une jeune femme qui transporte en douce un tas de marchandises sur les terres (et océans) gelées du continent américain. Au sortir d’une expédition, deux scientifiques viennent la voir pour une mission des plus dangereuses : les transporter à Alcatraz, l’ancienne prison étant devenue un laboratoire de secours. Car les scientifiques pourraient bien avoir trouvé un remède au Frostbite. Mais la route n’a pas encore commencé qu’elle s’annonce pleine d’embûches.

Qu’on se le dise de suite : Frostbite s’annonce clairement comme une mini-série de qualité. Sans vouloir faire des plans sur la comète, ça faisait longtemps qu’un premier numéro chez l’éditeur ne s’était révélé aussi enthousiasmant. Joshua Williamson n’en est pas à son coup d’essai pour les histoires brutales (voir Nailbiter chez Image) et nous livre une introduction sans concession. Son univers post-apo’ a une petite touche d’originalité en troquant les déserts brûlants contre une immensité glacée, un univers dans lequel les restes de l’humanité se montrent impitoyables. L’une des forces au niveau des personnages sera certainement Keaton, jeune femme charismatique mais clairement loin de la figure de l’héroïne altruiste. Oubliez Mad Max qui rend service à qui peut, Keaton a ses propres ambitions, ses intérêts et ses démons intérieurs, et on aura même parfois du mal à être de son côté. Williamson aime aussi surprendre son lectorat et vous offrira quelques rebondissements qu’on ne voit pas venir et qui sont livrés avec force par un artiste en très grande forme.

Ce sera en effet le second point fort de Frostbite : les dessins de Jason Shawn Alexander, que je suis ravi de découvrir ici alors que je n’ai pas pu suivre ses différents travaux précédents. Alexander a une approche assez réaliste pour dépeindre l’environnement et les personnages, avec une palette d’émotions très bien retranscrite, et une vision d’artiste brute, qui colle très bien à l’ambiance du titre. L’artiste dispose de plus d’une marque visuelle très forte et sait accompagner les différents climax du numéro pour que le lecteur en soit véritablement marqué. On ajoute à cela une très belle maîtrise de la colorisation par Luis NCT, qui sait user de multiples effets pour rendre l’atmosphère enneigée et glaciale sur papier. Des tons bleutés qui tranchent avec merveille avec le rouge (sang) de l’action et de la chaleur qui sont également les moteurs de l’histoire. Pour revenir sur celle-ci, avec des personnages forts d’un côté (les « gentils » qui, comme je vous l’ai dit, ne sont pas non plus unilatéraux), on attend à retrouver de vrais « bad guys » de l’autre, et notamment un certain Fuego, dont on imagine le tempérament à l’image de son surnom.

Tout est-il parfait pour autant ? Evidemment non, et on pourra noter quelques faiblesses par ci par là qui viendront faire défaut à un numéro pourtant très appréciable. Joshua Williamson en fait notamment un petit peu trop dans l’installation du contexte de Keaton et dans la présentation de son univers. En découlent plusieurs répétitions explicatives qui donnent l’impression que l’auteur a besoin d’appuyer son propos, comme si le lecteur n’était pas capable de comprendre par lui même ce qu’il a déjà écrit une première fois. On pourra aussi malgré tout reprocher un manque de grosse prise de risque pour le moment (quoique…) et certains iront toujours répéter que ici et là, il y a de meilleures idées et de meilleures histoires. Certes. Est-ce que ça rend Frostbite moins bon ? Assurément : non.

Ce ne sera peut-être pas la tuerie du siècle mais comme numéro d’introduction, Frostbite est une réussite pour Vertigo. Un post apo soigné qui réussit à surprendre avec des personnages imprévisibles, avec une patte visuelle séduisante. Clairement une très bonne découverte en cette fin d’année, qui aura été Ô combien difficile pour l’imprint indé de DC.