Mais comment inverser la courbe du chômage des jeunes ?

Mais comment inverser la courbe du chômage des jeunes ?

L’OCDE publie une série de chiffres, qui dresse un portrait peu glorieux de l’emploi des jeunes en France. Ils sont ainsi 1,8 million sans emploi ni diplôme. Il existe pourtant des solutions efficaces pour inverser cette courbe, expérimentées dans d’autres pays. Le point avec Stéphane Carcillo, économiste au département des affaires sociales de l’OCDE.

Dans le jargon des économistes, ces jeunes sans emploi et sans diplôme ont un nom : les « Neets » (de l’anglais, Neither employed nor in education or training). Ils sont au chômage, sortis du système éducatif, avec peu d’espoir de trouver un emploi stable et un fort risque de basculer dans la pauvreté. "Lorsque vous ne terminez pas le lycée, le risque de se retrouver au chômage est près de 40% et 3 fois plus élevés que pour ceux qui font des études supérieures", prévient Stéphane Carcillo.

Plus d’1,8 million de jeunes sans emploi ni diplôme en France

En France, le nombre de ces jeunes sans emploi et sans qualification ne cesse d’augmenter depuis 2005. En 2015, ils étaient ainsi 1,8 million de jeunes en France dans cette situation. "C’est 270.000 de plus qu’en 2008 !", souligne Stéphane Carcillo. "Ils sont ainsi 16,6% en France à ne pas avoir d’emploi et à être sorti du système éducatif. Soit un jeune sur 6 de 15 à 29 ans", précise-t-il. Il s’agit de la ligne rouge sur le graphique ci-dessous, qui, comme on peut le constater, n’est jamais redescendu durant les 10 dernières années. C’est plus que la moyenne des pays de l'OCDE (à savoir, 15%) et loin devant l’Allemagne (8,8%) où la courbe a rapidement baissé à partir de 2010, comme on peut le voir ci-dessous et sur les indicateurs sociaux par pays sur le site de l'OCDE. Dans les pays de l’OCDE, ils sont ainsi 40 millions à n’avoir ni diplôme ni emploi.

Source : OCDE.

Combien de temps ces jeunes passent-ils au chômage ?

En France, près des trois-quarts de ces jeunes déscolarisés passent 7 mois ou plus au chômage, la moitié plus d’un an. C’est beaucoup plus que chez nos voisins européens, où beaucoup de jeunes cumulent emploi et étude.

Quels sont les jeunes les plus exposés ?

Sans surprise, les jeunes qui sont issus de l’immigration sont plus à risque. En France, les jeunes nés à l’étranger ont un risque deux fois plus élevé d’être en dehors de l’emploi. Parmi les explications avancées par Stéphane Carcillo : "un niveau d’étude moins élevé, au-delà d’éventuelles discriminations à l’embauche".

Les jeunes filles ont-elles plus de risque ?

Eh bien, non, pas en France. En moyenne dans l’OCDE, les femmes sans diplôme ont un risque 1,4 fois plus élevés de se retrouver au chômage. Cette relative bonne performance de la France s’explique par le système de la garde d’enfants, avec un coût relativement modeste pour les frais de garde des 0-3 ans (à savoir, 15% du salaire en moyenne dans les pays de l'OCDE, contre moins de 5% en France), mais aussi l’universalité de l’accès des jeunes enfants à la maternelle, ce qui facilite l’accès des femmes à l’éducation et donc à l’emploi.

Ces jeunes finissent-ils par basculer dans la la pauvreté ?

Pas forcément. La France a la chance d’être l’un des pays les plus protecteurs au monde. Ainsi, le taux de pauvreté de ces jeunes y est bien plus faible que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Il est de 10%, contre 8% en moyenne. "En France, la solidarité familiale est très forte et les jeunes sans emploi restent chez leurs parents plus longtemps. La France dispose d’un système de protection sociale très efficace, avec par exemple l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS), les minima sociaux comme le RSA", justifie Stéphane Carcillo. Il faut aussi savoir que l’indemnisation chômage peu s’enclencher dès 4 mois d’activité quelque soit votre âge, ce qui peut être un vrai soutien pour les jeunes qui ont occupé des petits boulots.

Source : OCDE.

Quel coût économique de ces jeunes sans emploi ?

La déscolarisation et la non-activité de tous ces jeunes a un vrai coût économique, dont on parle peu. L’OCDE a estimé tous les revenus bruts qu’ils n’ont pas générés faute d’emploi. Résultat : en moyenne, le manque-à-gagner s'élève entre 0,9% et 1,5% du PIB, soit entre 360 et 605 milliards de dollars pour la zone OCDE et quelque 16 milliards de dollars de croissance gâchée pour la France. "Et c’est sans compter le coût social, les conséquences sur la santé, la criminalité…", complète Stéphane Carcillo.

Comment réduire ce chômage des jeunes ?

Il est essentiel de lutter contre l’échec scolaire, ce qui confirmait d’ailleurs récemment le Conseil de l’éducation. "Cela passe par une refonte du système d’enseignement professionnel et le développement de l’apprentissage", plaide Stéphane Carcillo. Plusieurs expérimentations menées dans d’autres pays de l’OCDE pourraient être instaurées en France. Certains pays nordiques, par exemple, partagent les informations sur l’absentéisme scolaire avec les organismes sociaux. "Quand un jeune de va plus en cours durant plus d’un mois, les services sociaux se déplacent et et lui proposent une voie différente". Selon l'économiste, "après deux ou 3 mois d’absentéisme complet, il est en effet très dur de les faire revenir dans tout parcours avec des programmes horaires".

Autre étape-clé : les aider à travailler sur un projet professionnel. Aux Etats-Unis, il existe un réseau d’écoles appelé "Career Academy" : chaque jeune passe une journée par semaine en entreprise pour définir son projet professionnel et l’encourager à finir son lycée. L’OCDE réclame aussi une augmentation de l’âge de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. "Mais cela suppose de revoir tout notre système d’enseignement professionnel pour offrir des cursusprofessionnalisants variés et plus adaptés aux besoins des jeunes sans diplôme", commente Stéphane Carcillo. En Allemagne, 15% des jeunes sont en apprentissage. C’est 3 fois plus qu’en France ! En 10 ans, l’Australie a doublé le nombre d’apprentis. En France, l’apprentissage s’est développé dans l'enseignement supérieur pour des jeunes déjà diplômés. "La solution est donc d'orienter les jeunes qui décrochent en collège vers des formations qualifiantes de 9 à 12 mois, inspirés des internats de type Job Corps aux Etats-Unis", complète Stéphane Carcillo. En France, il existe les écoles de la Deuxième Chance, mais elles ne disposent 20.000 places, pour 120.000 jeunes déscolarisés. Voilà qui, espèrons-le, devrait donner à réfléchir aux candidats à la Présidentielle.

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Retrouvez les chiffres et les recommandations de l'OCDE en vidéo :

>>> Plus de chiffres pays par pays sur le site de l'OCDE.

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Myriam VEGAS- DE VERNON

Secrétaire médicale Cabinet Kinésitherapeutes

7y

en reculant l'âge de la retraite !

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Nicolas Monseu

Accompagnateur Moyenne Montagne & Docteur en physique

7y

à Grenoble il y a également en ce moment l'initiative des Rencontres Improbables Pour l'Emploi, qui fait émerger des actions pour lutter contre le chômage. D'ailleurs, le CJD 38 était à la première édition non ? la seconde aura lieu le vendredi 25 Novembre

Pierrick ROCHER

CEO @STEEF 🚀on recrute +25 experts cyber en 2024

7y

La rigidité du code du travail, rend les entreprises frileuses à l'idée de recruter des jeunes ou des moins jeunes en CDI. Le portage salarial offre la souplesse à l'entreprise tout en garantissant au salarié les mêmes avantages. Les récentes évolutions du législateur sur le portage salarial le rende encore plus facile à mettre en œuvre.

Delphine JULLIEN

Directrice chez La cuisine de Delph’

7y

C'est clair GREG tu as raison bravo !!!!

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de toutes façons pour créer de l'emploi il faut des entreprises avec des produits compétitifs. or l' industrie en France est en perte de vitesse et nos produits sont souvent peu adaptables à l"export.

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