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Etiquetage nutritionnel : que contiennent vraiment nos assiettes ?

Le système d’affichage Nutri-Score, qui note les aliments en fonction de leur qualité pour la santé, va être appliqué par 33 industriels et distributeurs.

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Publié le 29 septembre 2016 à 10h12, modifié le 21 février 2018 à 14h27

Temps de Lecture 4 min.

Trois mois après la signature de l’ l’arrêté entérinant l’entrée en vigueur du système Nutri-Score d’information sur la qualité nutritionnelle des aliments, le logo va faire son entrée dans les rayonnages de supermarchés. Trente-trois grandes entreprises agroalimentaires et de distribution – dont Danone, Auchan, Casino, Leclerc, Fleury-Michon... – se sont engagés le 15 février à apposer le Nutri-Score, qui reste actuellement facultatif, sur leurs produits avant la fin de l’année.

Le système, qui repose une une échelle de couleurs et de lettres, est loin de faire l’unanimité, notamment parmi les industriels de l’agroalimentaire, et a même fait l’objet d’un intense lobbying. L’ANIA, qui représente plus de 16 000 entreprises, dont une majorité de PME et de TPE mais aussi des multinationales comme Coca-Cola, Nestlé ou Mars, s’opposait dès février 2015 au système élaboré par l’Inserm. En mars, ces derniers ont d’ailleurs annoncé leur intention d’utiliser leur propre système, leur Nutri-couleurs, accusant le Nutri-Score de « stigmatiser les produits ».

Pour mieux appréhender le contenu de nos caddies, nous avons choisi d’appliquer le système retenu par le ministère de la santé, Nutri-Score, à plus de 33 000 produits issus de la base de données collaborative Open Food Facts.

Une note de A à E pour chaque produit

La notation élaborée dans le rapport Hercberg (Serge), du nom du directeur de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’Inserm, est simple : chaque produit se voit attribuer une note (A, B, C, D ou E) et une couleur qui lui correspond. Pour davantage de clarté, la note est rattachée à une couleur selon le même code que les feux de circulation. Un produit noté A (vert) contient une grande proportion d’aliments bons pour la santé, comme les fruits, les légumes, les protéines et les fibres. Un produit noté E (rouge) a au contraire une forte teneur en sucres rapides, en graisse et en sel.

Les notes nutritionnelles proposées dans le rapport remis à la ministre de la santé. Le PNNS est le programme national nutrition santé.

Ce « Nutri-Score » montre la relative pauvreté de la qualité nutritionnelle des produits alimentaires du quotidien.

Près de la moitié des produits (45,5%) ont une mauvaise note nutritionnelle (D ou E)
Note des produits présents dans la base Open Food Facts selon leur note Nutri-Score

Sucreries, boissons, sauces et encas salés contiennent au moins une moitié de produits ayant eu une mauvaise note sur le plan nutritionnel (D ou E). Seules trois catégories sur les dix (céréales et féculents, fruits et légumes et plats préparés) contiennent au moins une moitié de produits ayant eu une bonne note (A ou B).

Le Nutri-Score permet d’évaluer la proportion de nutriments bons pour la santé au regard de celle de nutriments mauvais dans un produit alimentaire. Cette simplification améliore la lisibilité de la qualité nutritionnelle, mais elle ne rend pas obsolète la lecture attentive des ingrédients.

Du sucre dans plus de la moitié des plats préparés

Le système Nutri-Score note ainsi relativement bien les plats préparés (avec 60 % de notes A et B), alors que plus de la moitié d’entre eux contiennent des sucres cachés. « Une grande part des sucres consommés aujourd’hui sont cachés dans des aliments transformés qui ne sont habituellement pas considérés comme des sucreries », expliquait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2014.

Un détour par la lecture des ingrédients s’impose donc pour étudier la question des sucres cachés, qui n’apparaît pas toujours clairement dans le système Nutri-Score. Nous avons observé que les résultats différaient sensiblement entre les produits labellisés bio et les autres. Concernant les premiers, les différentes catégories alimentaires contiennent en moyenne 20 % de produits artificiellement sucrés en moins que leurs équivalents non bio (à l’exclusion de la catégorie « sucreries »).

Pour les produits non labellisés bio, plus de la moitié des plats préparés et des sauces contiennent des sucres ajoutés. Les encas salés portent eux aussi mal leur nom : 43 % d’entre eux contiennent des sucres ajoutés.

Plus de la moitié des plats préparés et des sauces contiennent du sucre ou l'un de ses dérivés
Part des produits contenant du sucre ou des dérivés sucrés (sirop de glucose, sirop de fructose artificiel) dans leurs ingrédients

Additifs « probablement cancérogènes »

Un détour par la lecture des ingrédients s’impose aussi lorsqu’il est question d’additifs alimentaires, qui ne sont pas pris en compte par le Nutri-Score. Parmi les additifs récemment classés en tant que « probablement cancérogène [s] pour l’homme », on trouve les nitrates et les nitrites, originellement destinés à empêcher le développement dans la viande d’une neurotoxine bactérienne, le botulisme. De nos jours, ces additifs seraient plutôt utilisés pour donner à la viande préparée (charcuterie notamment) un rose appétissant, les conditions sanitaires actuelles ne nécessitant plus l’emploi de cet additif, selon une enquête de « Cash investigation ».

Si les normes encadrant la production bio interdisent l’ajout de la plupart des additifs alimentaires, nitrates et nitrites font cependant partie des quarante-huit additifs autorisés. Ainsi, la quasi-totalité des viandes vendue en supermarché contient des nitrates et des nitrites. Environ un tiers des plats préparés non labellisés bio en contiennent aussi.

Presque toutes les viandes vendues contiennent des nitrates et des nitrites, classés comme "probablement cancérigènes" par l'OMS. Les produits bio n'échappent pas à cette règle.
Part des produits français de la base de données Open Food Facts contenant des nitrates et des nitrites, par catégorie de produits

Le rapport du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence créée par l’OMS, publié en octobre 2015, va encore plus loin concernant les produits carnés transformés, tels que les charcuteries, en les classant dans la catégorie « cancérogène pour l’homme ». Les viandes transformées comptent ainsi parmi les responsables du cancer colorectal, au même titre que le tabac. Un enjeu d’autant plus important que 20 % du panier alimentaire des Français est composé de viande et que ce cancer est le troisième le plus fréquent en France, devant le cancer du poumon.

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D’après l’étude individuelle nationale sur les consommations alimentaires (INCA), près d’un quart des Français consommeraient plus de 50 g de charcuteries par jour, soit le seuil à partir duquel la charcuterie est classée comme « cancérigène certain » par l’IARC.

L’information, un enjeu central de la santé publique

Au-delà de la dangerosité pour la santé, les coûts financiers du traitement du cancer colorectal et du diabète sont loin d’être négligeables pour l’Etat. Ainsi, le coût social de l’obésité (27 milliards d’euros) est équivalent à celui du tabac (27,6 milliards d’euros). Un enjeu de santé publique d’autant plus important qu’il touche près d’un Français sur deux.

Près d'un Français sur deux en surpoids ou obèse
Part de la population selon les catégories de poids en 2012

Mais surpoids et obésité ne sont pas également répartis dans la population. La volonté de simplifier l’étiquetage nutritionnel s’inscrit dans un contexte où ce problème de santé publique touche principalement les personnes défavorisées et les moins éduquées.

Plus on est diplômé, moins on est touché par l'obésité
Prévalence de l'obésité dans la population en 2012
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