Devenir photojournaliste : les points clés et les étapes à franchir

Cet article de Pierre Morel a été publié sur Medium. Nous le republions aujourd’hui avec l’autorisation de l’auteur. Pierre Morel est photojournaliste depuis 8 ans et collabore avec la presse ainsi que des entreprises. Dans cet article, il revient sur son métier : les points clés pour devenir photojournaliste et les étapes à franchir


Ce texte a été écrit il y a quelques mois en prévision d’un projet de livre que je n’ai pas réussi à finir chez les Éditions Eyrolles (un livre “être photojournaliste aujourd’hui” par Fabiène Gay Jacob Vidal vient de sortir).

Le propos suivant se base sur mon expérience professionnelle après 8 ans de carrière dans le photojournalisme. Je le partage librement en espérant que les aspirants à cette profession y trouveront des clés pour devenir photojournaliste et vivre décemment de ce métier. Dans les annexes de fin, je mets quelques ressources nécessaires.

Introduction

Il existe autant de chemins pour devenir photographes qu’il y a de photographes. Cet adage s’explique par la diversité des manières d’exercer ce métier, mais aussi par son accessibilité. Il n’y a pas besoin de diplôme, de licence professionnelle ou d’un statut quelconque pour faire des reportages photographiques. N’importe qui peut prendre un appareil, photographier sa réalité et raconter des histoires. Cet accès démocratique est l’immense avantage de cette profession mais aussi son premier inconvénient, car cela laisse entendre qu’il est simple et aisé d’être photographe, en un déclenchement. Pour beaucoup, cela génère des frustrations parce que le marché est saturé. Le nombre de photojournalistes est plus important que l’offre de travail effectivement disponible. C’est le problème d’un secteur non régulé. On parle de 4000 étudiants en photographies pour environ 12 000 photographes en activité. C’est un déséquilibre énorme.

À partir de ces considérations, c’est à vous seul de déterminer si vous êtes apte à faire ce métier et c’est aussi à vous de mettre en pratique votre passion, car il faut être passionné, afin de vous former du mieux qu’il soit.

Il n’y a pas d’âge pour se lancer. Beaucoup de photojournalistes ont eu plusieurs vies auparavant. Ils ont travaillé dans des ONG, dans l’armée, comme journalistes écrits, dans l’éducation ou même dans des banques et, à la faveur d’une reconversion, plongent dans ce métier. N’oubliez pas que l’on considère souvent qu’à moins de 40 ans on est toujours un jeune photographe. N’ayez donc pas l’impression d’être trop vieux ou trop jeune. J’ai vendu mes premières photos à 19 ans et d’autres l’ont fait encore plus tôt. Si vous vous sentez prêt et si on vous propose de travailler, ne le refusez pas au prétexte que vous ne seriez pas assez professionnel.

De notre première photo à notre premier reportage vendu correctement, il peut s’écouler de nombreuses années. En moyenne de 5 à 10 ans sont nécessaires pour faire d’une pratique amateur un métier rémunérateur à l’année. Il faut être conscient de cette durée d’entrée moyenne dans la profession. Mais si vous êtes motivés, vous pourrez progresser et espérer vendre vos photos plus rapidement. Vous devez faire gagner de la maturité à votre travail. Le temps et la pratique conjugués à des continuelles prises de risque (au sens créatif et dans la prise d’initiatives) sont le meilleur moyen d’atteindre cet objectif.

Si vous souhaitez quitter votre emploi actuel ou vous reconvertir, prenez bien en considération ce temps nécessaire et tentez de trouver le temps d’apprendre par vous même avant de vous lancer à 100 % dans cette nouvelle activité.

Si vous êtes jeune, vous êtes sûrement encore en quête de certitude, pas forcément sûr de vouloir faire ce métier précisément. Il y a plein de manières d’y goûter sans se lancer pleinement. Profitez du temps que vous avez si vous êtes lycéen ou déjà étudiant pour photographier en amateur, voyager et raconter le monde qui vous entoure. Observez les réactions de votre entourage. Est-ce que votre travail plaît ? Est-ce que vous aimez vraiment ce métier ? Est-ce genre de votre photo qui vous porte ou plutôt la photo de mode, d’architecture, la vidéo ou un autre domaine ?

Si vous répondez de façon positive à ces questions, alors vous devez considérer l’opportunité de professionnaliser votre pratique et de suivre une (ou plusieurs) formation appropriée. Sinon, vous risquez de perdre beaucoup de temps, donc d’argent, avant de faire de la photo votre métier.

Vous pouvez aussi être déjà bien avancé et avoir quelques commandes, mais pas suffisamment. Est-ce que dans ce cas c’est une formation qu’il vous faut ? Comment compléter votre apprentissage ? Peut-être qu’un bon coup de motivation et quelques rencontres suffiraient à vous faire décoller.

1/ Quelles qualités pour être photojournaliste ?

Photojournaliste est un métier qui fait appel à un large panel de qualités et de compétences. Un panel bien plus diversifié qu’il y a 30 ans avec l’apparition du numérique et la mutation des médias. La liste ci-dessous vous donne un aperçu de ce que l’on se doit de maîtriser pour être un bon photojournaliste aujourd’hui. Il ne s’agit d’être bon à 100 % partout, mais d’avoir en tête ces différents éléments pour savoir si vous êtes vraiment fait pour ce métier.

A/Qualité humaines

Être curieux et passionné : c’est le moteur indispensable qui prélude à l’exercice de cette profession. On ne peut vouloir raconter le monde sans avoir de la curiosité et de passion pour celui-ci. Cette curiosité vous amènera à trouver vos sujets, à vouloir raconter des histoires sur ce qui vous intrigue. Si vous n’avez jamais eu envie de voyager, de découvrir d’autres cultures ou d’autres communautés, oubliez tout de suite ce métier.

Avoir le sens du contact : on peut faire ce métier en étant timide, mais ce n’est pas le plus simple. Que ça soit en reportage ou pendant les phases de démarchage, il faudra vous confronter à d’autres personnes. Sur le terrain, il faut être capable de demander des renseignements, de s’imposer, de négocier des accès, de gagner la confiance des personnes photographiées. Ensuite, vous devez vendre votre travail, obtenir des rendez-vous, maintenir votre réseau professionnel. Il faut une bonne intelligence sociale. Heureusement pour vous, l’appareil photo est souvent un bon alibi si vous manquez d’audace ou de confiance en vous. C’est votre allié et votre prétexte à la rencontre vers l’autre. Mais il est sûr que pour faire certains reportages, il ne faut pas avoir peur et être en mesure d’exprimer ses capacités. C’est un métier de contact humain.

Avoir de l’empathie : un photojournaliste doit être en mesure de ressentir le monde qui l’entoure. Il doit être capable de se rapprocher de son sujet ou de comprendre les besoins d’un client, d’un journal. Attention cependant à ne pas faire preuve de trop d’empathie. Vous réaliserez vite que vous ne changerez pas le monde. N’oubliez pas que vous êtes dans un métier où rien n’est dû. Vous répondez à une demande et à un besoin. Faire des photos ne légitime pas votre droit à être professionnel.

Se cultiver et être intéressé par la marche du monde : pas besoin de réussir impérativement un concours de culture générale à Sciences-Po pour être photojournaliste. En revanche, une conscience politique et culturelle du monde moderne est nécessaire. C’est un métier qui raconte l’histoire, la société en marche, la réalité. Que ça soit dans des reportages sur l’intime ou sur les grands évènements d’actualités, vous avez besoin de connaissances pour décrypter ce qui se passe tout autant que pour vous positionner et angler votre projet. Être journaliste implique donc de lire constamment la presse, de se tenir informé. De manifester un intérêt pour l’histoire, la sociologie, la culture l’économie ou même la psychologie, la psychanalyse. Bref, tout ce qui a trait à l’étude du monde et des êtres humains.

Aimer partager : une partie de ce métier consiste à prendre des photos ; l’autre partie, sa finalité, c’est de les montrer. C’est de cette façon que vous existez. Il faut aimer partager ses images, être animé de ce désir d’informer. Vous témoignez à votre manière de votre expérience vécue. Vous n’êtes pas un artiste ermite, vous faites un travail pour que des gens le voient. Vous avez une audience.

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La Tour Eiffel éclairée aux couleurs du drapeau français après les attentats du 13 novembre 2015. Novembre 2015. Pierre Morel

B/Qualité et compétences professionnelles

Être spécialisé : si vous n’avez que la photo comme passion, vous risquez de vous ennuyer. Ce qui marche aujourd’hui, c’est d’avoir une spécialité. Ça peut être un pays (notamment si vous vivez à l’étranger), une passion (la musique par exemple), un sport ou une thématique qui vous touche (la santé, la politique, l’écologie). Commencez par photographier ce qui vous intéresse et vous est proche. Documentez-le. Vous êtes le plus à même d’en parler. Tous les photojournalistes ont une ou plusieurs spécialités et thématiques qui les identifient. Ça ne veut pas dire que vous allez vous restreindre à ces thématiques mais ça sera une partie forte de votre identité.

Ne pas avoir peur de l’informatique et d’Internet :vous passerez bien plus de la moitié de votre temps devant l’ordinateur. En effet, le numérique est utilisé par 99 % des professionnels aujourd’hui et il vous faudra bien maîtriser l’informatique, la postproduction et Internet dans sa globalité (recherche d’informations, présence sur les réseaux sociaux, site web pro). Que ça soit pour se perfectionner en photo ou pour l’aspect journalistique, vous utiliserez tous les jours Internet et les réseaux sociaux pour trouver des informations, prendre des contacts, découvrir des travaux, partager vos images ou les vendre. Le web et la culture numérique sont aujourd’hui les pierres angulaires de notre métier, bien plus que le boîtier.

Savoir se vendre, connaître le marketing : c’est le principal défaut des photographes et journalistes, bien trop souvent concentrés sur le côté artistique ou informatif de leur travail. Ils rechignent très souvent à aborder l’aspect commercial et marketing de leur production. C’est pourtant le plus important. Ce ne sont pas les meilleurs photographes et pigistes qui en vivent le mieux, mais ceux qui savent le mieux se vendre. En France, c’est encore souvent mal vu de penser en termes de marketing, business-plan oubranding, mais c’est la seule voie, dans notre économie moderne, pour s’en sortir.

Parler une ou plusieurs langues étrangères : c’est une compétence importante à mentionner, notamment dans cet ouvrage francophone. Les Français ont trop souvent tendance à se satisfaire de leur seule langue. La maîtrise de l’anglais est aujourd’hui indispensable pour qui veut vivre correctement de ce métier et faire du grand reportage. Pas seulement pour se débrouiller sur le terrain : l’anglais vous ouvre les portes d’un réseau international. Le photojournalisme d’aujourd’hui n’a plus son centre à Paris, mais dans les pays anglo-saxons ou en Asie. C’est en s’intéressant à ce qui se fait là-bas que vous trouverez les clés pour votre avenir.

Maîtriser quelques expressions des pays où vous vous rendez est aussi nécessaire si vous voulez établir une relation de confiance avec les personnes que vous photographiez.

Des femmes travaillant dans l’industrie de la pêche en Mauritanie, février 2015. Pierre Morel pour Pelerin Magazine
Des femmes travaillant dans l’industrie de la pêche en Mauritanie, février 2015. Pierre Morel pour Pelerin Magazine

Savoir s’adapter et gérer la précarité : il est rare qu’une semaine ressemble à une autre dans ce métier. Il faut donc être constamment prêt à s’adapter et à savoir réagir à des demandes imprévues ou à des changements de programme pendant votre reportage. Soyez conscient que vous allez avoir des horaires décalés du reste de la société, qu’il faudra beaucoup vous déplacer. C’est un métier précaire de fait, car pour beaucoup vous l’exercerez en freelance avec peu de garanties sur la pérennité de votre entreprise. Vos revenus mensuels seront irréguliers.

2/ Être autodidacte

Vous pouvez commencer ce métier en traçant une forme trouée dans un carton et en regardant le monde autour de vue à travers elle. Plus sérieusement, il n’est plus si difficile aujourd’hui de trouver un appareil de prise de vue (téléphone, mini compact ou reflex) qui vous permet de photographier votre réalité. Être photojournaliste, ça commence comme ça.

A/ Avec la technique

Les appareils modernes sont devenus beaucoup plus simples d’emploi qu’auparavant. Bien que bardés de nouvelles fonctions, ils sont accessibles au plus grand nombre. Quand vous commencez, ne vous souciez pas d’avoir l’appareil dernier cri à 3000 €. Il ne vous servira rien parce que vous pouvez faire des choses extraordinaires avec un simple Lomo ou un Polaroïd. Beaucoup trop de photographes se concentrent sur la technique et la voient comme une fin en soi. La technique n’est qu’un outil à votre service et elle doit se faire oublier. Pour commencer, prenez donc l’appareil le plus accessible et commencez à pratiquer, à shooter, à essayer les réglages et à multiplier les combinaisons de traitement sur votre ordinateur.

Internet et les bibliothèques regorgent de sites web, de tutoriels et d’ouvrages qui vous donneront toutes les bases pratiques pour apprendre les règles élémentaires de la photographie. Ne négligez pas les revues spécialisées qui sont une mine d’informations. Renseignez-vous sur les notions de composition, l’importance des différents objectifs, le fait de photographier en couleurs ou en noir et blanc, le jeu de la vitesse et l’obturation. Une fois que vous maîtrisez ces quelques notions et un logiciel de postproduction type Lightroom, vous êtes tout à fait prêt pour faire de la photo. Le reste viendra petit à petit avec la pratique et les rencontres.

B/ Avec le genre photojournalisme

Savez-vous réellement ce qu’est le photojournalisme ? La première chose à faire est de se documenter un maximum sur ce métier que vous avez envie d’exercer et de regarder les images d’autres photojournalistes. Que ça soit les célèbres historiques (Cartier-Bresson, Capa, Robert Frank, Eugene Smith) ou les plus récents. Pour ces derniers, c’est simple : parcourez les sites web d’agences photo ou achetez des journaux. Vous aurez un large aperçu de ce qu’est le photojournalisme aujourd’hui. Variez vos sources : des quotidiens (Libération, La Croix…), des magazines (VSD, Pèlerin Magazine…) ou des revues spécialisées en reportages (6 Mois et les autres mooks). Il vous faut absolument acquérir une culture visuelle de la photographie documentaire : la photographie de presse n’est pas la même que la photo de mode, la photo de produit ou la photo people. Il vous faut apprendre à reconnaître les différents genres pour savoir ce que vous, vous allez faire.

Nourrissez votre culture du journalisme et du reportage également : lisez des magazines, regardez des documentaires, prenez des livres d’enquêtes en librairie. Appréciez le travail d’information qui est fait. Comprenez-le. Renseignez-vous sur les coulisses de la presse et sur comment se fait l’information. Les interviews de reporters sont aussi souvent intéressantes.

Il est important de connaître le milieu du reportage et de la photographie. Renseignez-vous sur l’évolution des médias aujourd’hui. Restez à l’affût des nouveaux usages qui apparaissent (ou disparaissent) sur Internet.

C/ Le terrain comme école

Sortez et commencez à photographier ! Vous n’avez pas à attendre une commande ou des autorisations pour faire des photos. Vous avez une passion ? Photographiez-la. Votre village ou votre quartier ? Faites-en tour le avec votre appareil. Photographiez la rue. Faites des portraits de vos proches, ils sont disponibles et cela leur fera plaisir. Progressez ainsi avec votre réalité quotidienne. Essayez de faire des petites séries, de raisonner en termes de reportage. Réalisez une histoire en noir et blanc. Allez photographier le carnaval local ou un évènement sportif ou musical. Ce sont de bons endroits pour travailler ses réflexes et son point de vue.

N’attendez pas pour faire votre premier boulot. Un événement imprévu se déroule là où vous vivez ? Une association a besoin d’une photo pour une exposition ? Une amie voudrait quelques portraits d’elle ? Prenez toutes ces petites occasions comme autant de chances de vous mettre dans la peau d’un professionnel. Il ne s’agit pas de faire un travail gratuit à chaque fois ou de prendre le travail de professionnel, mais bien de saisir ces moments où vous pouvez faire preuve de bénévolat contre un peu d’expérience. On est tous passés par là. Faites-vous un petit blog, un site ou une page facebook et montrez vos images, écrivez des petits reportages. Enfin, n’attendez pas de vous proclamer professionnel pour vendre des images et vous engager sur des contrats. Le passage de l’amateur à professionnel est quelque chose de diffus qui tient plus à l’affirmation de qui vous êtes (et aux rémunérations en découlant) qu’à l’obtention d’un diplôme ou de la carte de presse.

Conclusion : L’autonomie dans l’apprentissage

Faites-vous une liste de sites internet où vous trouverez des informations et des ressources sur le métier. Que vous soyez dans un petit village ou une grande ville, dans un pays pauvre ou riche, vous pouvez commencer à toucher à ce métier et à faire vos premières images sans rien demander à personne, sans photo à faire paraître. C’est une chance immense. Essayez ce métier pendant quelques mois ou quelques années avant de l’adopter et laissez-vous le temps.

Tout photographe ou journaliste a été (et reste) autodidacte. Cette pratique de la photographie et du journalisme se fait d’abord en amateur (au sens où non rémunératrice). C’est important garder cette fraîcheur avec vous tout au long de votre vie professionnelle. La formation ne s’arrête jamais et on apprend tous les jours. Vous devez être actif par rapport à votre parcours et vos connaissances. Le passionné peut se définir comme celui qui apprend et découvre les choses par lui-même et pour lui-même. Pour vivre de cette passion, il faut rester à l’affût et s’adapter en suivant l’évolution de celle-ci. Plus que toutes les autres pratiques, le photojournalisme est dépendant de l’évolution de la société parce qu’il raconte cette société pour ses membres.

3/ Rencontrer d’autres professionnels

Un photographe seul ne peut vivre de ses photos. Il existe par son réseau et par la communauté dans laquelle il s’inscrit. C’est à vous de faire l’effort d’aller à la rencontre de cette communauté de passionnés et de professionnels. C’est encore une étape vers la professionnalisation et la progression de votre travail. Il existe différents lieux où les photojournalistes et reporters se retrouvent : les festivals comme Visa pour l’Image, les rencontres d’Arles ou les Assises du Journalisme sont le meilleur moyen de plonger directement au cœur de la communauté. Il y en a plein d’autres en France ou à l’étranger. Préparez-vous un petit book et des cartes de visite à partager avec ceux que vous rencontrez. Prenez des conseils sur vos images et reportages. Vous allez certainement récolter beaucoup de critiques, mais c’est normal. Il faut persévérer. Il y a souvent dans les festivals des lectures de book formelles ou informelles.

En dehors de ce temps des festivals, visitez des expositions, des galeries, allez à des évènements organisés par les acteurs associatifs du métier (du type UPP ou Freelens). Vous pourrez y prendre la température de la profession et glaner des contacts utiles. Même si c’est un métier individuel, il y a toujours de la place pour des nouveaux venus. Rares sont les photojournalistes ou reporters qui refusent de donner 20 minutes de leur temps pour vous conseiller sur votre travail. Il ne faut pas hésiter à demander (en restant précis) et à ne pas s’arrêter au premier refus. La formation par les pairs fait partie intégrante du métier.

Internet regorge de ressources et d’endroits la communauté des photographes et des journalistes où discute et se retrouve. C’est un excellent outil pour un avoir un retour sur son travail. Les forums internet grand public permettent souvent de progresser en technique, mais attention à ne pas rester uniquement sur ces échanges. On y trouve peu de professionnels du photoreportage et les critiques d’images tendent souvent au classicisme.

Il existe de nombreux sites web qui traitent de l’actualité du photojournalisme en France et à l’étranger. Suivez-les, participez aux discussions. Les réseaux sociaux de type Facebook ou Twitter sont aussi un excellent moyen de trouver des photographes et de suivre la progression de ce métier. N’hésitez pas vous aussi à alimenter ce cercle vertueux en partageant votre expérience, en posant des questions.

4/ La formation par les stages

Il existe de très nombreux stages courts de photographie animés par des professionnels. Souvent d’une durée de quelques jours, ces stages portent soit sur des thématiques purement techniques, soit sur des thématiques plus artistiques. Ils permettent une bonne progression du moment que vous identifiez au mieux la qualité du formateur (il y a à boire et à manger dans ce domaine) et que le contenu du stage correspond à un réel besoin chez vous. Les stages s’échelonnent de 50 euros pour les plus basiques à plus de 1500 euros pour les stages de haut niveau (de type « Master class ») organisés en France ou plus souvent à l’étranger par des photographes renommés. De très nombreux photojournalistes aujourd’hui sont passés par un ou plusieurs stages car c’est l’occasion de montrer son travail à un professionnel disponible et de s’inscrire là encore dans une communauté, avec d’autres stagiaires. Qui plus est, c’est le double avantage d’avoir une formation courte et relativement abordable financièrement. Un conseil, prenez toujours un book avec vous lors de ce stage. N’ayez pas peur de montrer ce que vous faites. Vous êtes là pour ça.

5/ faire une école ou une formation professionnelle ?

Reportage au Lycée Rodin à Paris en octobre 2014. Pierre Morel pour Grazia
Reportage au Lycée Rodin à Paris en octobre 2014. Pierre Morel pour Grazia

Doit-on vraiment faire une école ?

Le marché de la formation photographique est un grand piège, car il existe bien plus de formations et de personnes formées que de places sur le marché du travail pour absorber tous les nouveaux arrivants. De très nombreuses formations surfent sur l’attrait du métier que plusieurs sondages mettent régulièrement dans le top 10 des métiers que les Français rêvent d’exercer. Ne nous trompons pas, les formations de qualité avec des intervenants qualifiés sont peu nombreuses et les places y sont chères. Ce sont ces formations qui vous seront vraiment utiles. Elles ont un vrai côté professionnalisant et vous apprennent à vous vendre, à fixer des tarifs, à monter des projets et des reportages, à connaître le monde de la pige. La qualité d’une école se reconnaît au carnet d’adresse qu’elle fournit. Le réseau est votre principal atout. Regardez la vivacité du réseau d’anciens élèves et la participation de l’école à la communauté (si l’école organise des conférences, édite des livres ou brochures, etc.).

Un des grands défauts des formations est d’avoir des professeurs qui ne sont plus des professionnels de la photographie, mais des professionnels de la formation. Étant extérieurs et imperméables aux réalités actuelles du métier, ils ne sont plus à même de former des photographes et reporters correctement. Faire du photojournalisme ne demande pas une technique impressionnante. Vous pouvez donc vous évitez des formations longues trop techniques comme celles souvent — et malheureusement –dispensées en CAP, BAC pro et BTP qui, pour caricaturer, vont vous faire travailler sur des maths et de la physique plutôt que de vous apprendre la culture photo et les démarches nécessaire à l’insertion professionnelle.

Le seul vrai avantage des formations est de pouvoir gagner du temps puisqu’elles vous font rentrer plus rapidement dans le métier en vous ouvrant notamment un réseau plus rapidement. Elles vous permettent aussi plus souvent d’obtenir un stage pratique de longue durée dans une agence, un collectif ou un journal. Enfin, les écoles de journalisme restent une voie d’excellence et de qualité pour qui veut exercer ce métier et sont un vrai choix à prendre en compte sérieusement, notamment si l’on veut travailler au sein d’une rédaction et non pas comme pigiste.

Notre pays repose sur une tradition de l’élitisme scolaire et du diplôme, mais celle-ci n’a pas de prise dans le photojournalisme. Une fois devenu reporter photographe, seul comptera votre travail et vos idées.

Faire une formation en espérant qu’elle fasse de vous quelqu’un qu’on appellera parce que vous l’avez faite est un leurre. Ce métier est possible pour ceux qui se donnent la possibilité d’en être en restant proactifs avant, pendant et après leur formation.

Aujourd’hui, aucune formation ne vous donne toutes les clés pour être un bon professionnel. Il faut considérer cela comme un complément à votre apprentissage. Le métier est tellement multiforme qu’il faut bricoler son éducation et piocher dans les différentes ressources disponibles. Vous pouvez par exemple faire une formation théorique universitaire pour avoir un bon bagage culturel, profiter de l’été pour faire quelques stages courts de technique ou suivre des tutoriels sur Internet et attendre votre licence ou master en fac pour enchaîner sur une formation professionnelle au photojournalisme ou au journalisme afin d’être plus spécialisé. Toutes les options sont possibles.

Avant de vous engager dans une école ou une formation, posez-vous ces questions :

  • La formation choisie va-t-elle vraiment m’apporter ce dont j’ai besoin ? Ne dois-je pas plutôt développer des compétences transversales (langue étrangère, marketing, rédaction) ?
  • Est-ce que les intervenants et formateurs sont encore des professionnels en activité ?
  • Quelle est la réputation de l’école ? Est-ce qu’elle s’inscrit dans un réseau professionnel et dans la vie de ce métier ?
  • Est-ce que ses anciens élèves sont des professionnels aujourd’hui ? N’hésitez pas à les contacter, à demander des renseignements.
  • Est-ce que le prix de formation en vaut la peine ? Ne pourrais-je pas l’utiliser pour monter un projet de mon côté ? Investir dans des livres, un book et des déplacements sur les festivals ?

Un bon moyen de constater la diversité des profils consiste à lire des interviews ou de bio de photographes. Ils mentionnent souvent leurs parcours et vous verrez les écoles dont le nom revient le plus souvent. Regardez les photographes que vous appréciez le plus et qui sont les plus productifs aujourd’hui. Ça ne signifiera pas que l’école ou la formation est responsable de leur talent ou de leur succès, mais qu’en tout cas elle a dû jouer un rôle positif.

A/ Considérer d’abord les formations annexes

Le photojournalisme raconte le monde et l’analyse. C’est pourquoi vous pouvez très sérieusement considérer des formations en école de commerce ou des cursus universitaires en sciences humaines (histoire, sociologie, ethnologie), en politique (Sciences-Po, études de droit) comme d’excellents tremplins pour faire ce métier. L’idée n’est pas de se diplômer pour accéder à un métier dans ce domaine, mais uniquement d’acquérir un fond de culture générale et des compétences qui vous aideront dans votre métier. Vous aurez tout un bagage culturel et intellectuel qui vous permettra de photographier spécialement certains domaines. Par exemple, Sandro Di Carlo Darsa, un jeune photojournaliste, a étudié l’architecture avant de faire un mémoire sur la photographie d’architecture documentaire en temps de guerre. Diplômé, il s’est tout de suite lancé dans le métier. Si vous êtes dans la tranche des 18–25 ans, sans l’envie de faire une grande école ou un circuit classique, une inscription en faculté est une solution économique qui vous permettra d’apprendre et d’avoir un rythme de vie tout en vous perfectionnant de votre côté. Une formation annexe vous laisse beaucoup de temps.

Vous complèterez votre formation universitaire ou en grande école par un travail autodidacte ou des stages courts.

B/ Les écoles et formations, côté photographie.

On peut arriver au photojournalisme du côté de la photo pure. C’est la majorité des cas ; c’est-à-dire qu’on se forme à être d’abord photographe avant d’être photojournaliste ou reporter. On se forme alors plutôt aux arts visuels dans leur diversité ou à image photographique et à toute sa chaîne (les métiers de retoucheurs, technicien de studio, iconographes).

Restez à l’écoute de vos envies si vous êtes dans une école de l’image : peut-être que c’est le graphisme, la vidéo ou la photo de mode dont vous vous sentirez le plus proche. Vous toucherez à beaucoup de supports et domaines différents et c’est une bonne chose.

les options au lycée et après le bac

Les CAP, BTM, BTS et Bac pro offrent des options dès la sortie du collège pour commencer à apprendre la photographie. Peu en phase avec les réalités professionnelles de l’époque et encore moins avec le photojournalisme, ce genre de formation conduit surtout à des photographes en studios, des techniciens ou des photographes sociaux. Il est parfois plus judicieux de poursuivre une scolarité classique pour consacrer son temps libre au lycée à la pratique amateur de la photographie et au développement d’une écriture propre. Si vous devez rassurer vos parents alors, faites une formation comme celle-ci, mais gardez en tête qu’elle devra être impérativement complété par un travail autodidacte ou alors suivi d’une autre formation.

les grandes écoles, la formation continue

Après le bac ou des études universitaires, vous pouvez vous tourner vers les grandes écoles, les écoles d’art ou certains centres de formation en images. Notez que beaucoup de grandes écoles font de la formation continue professionnelle et proposent des stages courts ou longs de bonne qualité. Elles permettent souvent de faire une année d’étude à l’étranger, elles ont une réputation internationale.

Vous pouvez partir sur une formation très artistique de type les Beaux-Arts, les Art-Déco ou l’École du Louvre, qui ont le mérite de vous donner une solide culture visuelle et une expérience relative en gestion de projet dans le milieu de l’art. De grande qualité technique et avec un très bon réseau, l’école des Gobelins ou l’ENS Louis Lumière forment d’excellents photographes ou retoucheurs.

L’ENS d’Arles donne un bagage culturel complet et forme à une bonne pratique de la photographie, mais souvent ses membres se destinent plus à la photo contemporaine ou à des professions dans le secteur culturel qu’à la photographie de presse.

C/ du côté du journalisme

L’autre moyen de devenir photojournaliste est de se former tout simplement au journalisme. C’est un chemin moins courant étant donné que la plupart des étudiants sortant d’écoles de journalisme se tournent d’avantage vers la rédaction écrite, la télévision ou la radio que vers la photographie uniquement. Et pourtant, c’est une voie d’excellence qui vous garantit d’être en phase avec le secteur de presse et de développer des capacités de journalistes qui vous seront précieuses dans la construction de vos reportages.

Vous pouvez choisir de faire l’une des 13 écoles de journalisme reconnues ou opter pour un cursus en faculté. Il est parfois plus difficile d’entrer dans ces écoles que dans des écoles de photographie et le prix des études peut être rédhibitoire. À part à l’ESJ de Lille, il n’y a pas de cursus uniquement dédié au photojournalisme.

Sachez par ailleurs qu’en formation continue comme dans les formations professionnelles, il existe de nombreux modules « photoreportage » dispensés par les écoles de journalisme. À ce titre, la formation qualifiante photojournalisme en 8 mois à l’EMI-CFD, fait figure d’exception avec celle récemment par l’école SPEOS en partenariat avec Magnum. Bien qu’extrêmement chères, elles se sont faite une réputation en formant chaque année une vingtaine de photographes.

D/ se former à l’étranger

C’est une option à considérer de très près quand on voit le nombre de talents qui sort aujourd’hui d’écoles internationales. De nombreuses écoles en Europe ou aux États-Unis ont des cursus en anglais qui ont l’avantage de brasser une grande diversité de profils. Vous acquérez ainsi une expérience et une ouverture sur l’international très précieuses. C’est sûrement la meilleure option aujourd’hui. Essayez !

6/ Être assistant de photographe ou être pris en stage

Le photographe Daido Moriyama à la Fondation Cartier. Février 2016. Pierre Morel pour Lumento
Le photographe Daido Moriyama à la Fondation Cartier. Février 2016. Pierre Morel pour Lumento

A/ l’assistanat

Je suis surpris de recevoir presque tous les mois des demandes de jeunes, étudiants ou non, qui souhaitent venir m’assister ou venir en stage chez moi. En réalité, il est très rare que les photojournalistes indépendants prennent des assistants. C’est plus le cas des photographes d’agence ou des portraitistes qui, eux, ont presque tout le temps besoin d’un assistant.

Être assistant d’un photographe est une excellente école pour progresser rapidement dans ce métier. Vous gagnez en réactivité et en professionnalisme puisqu’il faut répondre aux besoins du photographe, vous apprenez de son expérience et voyez sa façon de travailler et vous avez une occasion unique de voir le milieu de l’intérieur. À la fin, vous pouvez même lui présenter votre travail et le garder comme un contact précieux pour la suite de votre carrière. Il n’y a pas de règles pour devenir assistant, mais c’est souvent les photographes qui vont venir vers vous plutôt que l’inverse. Venir d’une école photo reconnue peut être un atout non négligeable.

Avant de démarcher, regardez bien le travail du photographe et posez-vous la question de savoir s’il peut avoir besoin de vos services. Ses besoins peuvent concerner par exemple la postproduction, l’iconographie, de l’aide sur un reportage ou un projet précis, mais guère plus. Soyez conscient aussi que financièrement, ce ne sera pas cher payé et que dans le secteur de la photo de presse, il est difficile de vivre en étant uniquement assistant.

La solution intermédiaire avant d’être assistant, c’est d’avoir un photographe tuteur, un parrain en quelque sorte. Là encore, il n’y a pas de règle, mais il arrive fréquemment que des photographes plus expérimentés suivent des jeunes photographes, les conseillent, leur donnent des retours sur les books, ou leur confient des adresses. Mieux encore, peut-être vous proposeront-ils de les accompagner sur un reportage. Tout est possible, mais là encore, c’est votre réseau et votre motivation et votre enthousiasme qui vous permettront de décrocher ce genre de relation.

N’oubliez pas de montrer votre travail quand vous démarchez. Nous autres photographes recevons énormément de lettres de motivation simplement écrites, avec des CV sans charme. Vous êtes des aspirants photographes, votre mode de communication est l’image. Montrez que vous en faites et que vous avez des idées. Dès lors, les photographes en place se feront un plaisir de vous aider.

B/ le stage (agence/collectif/journal)

Parfois proche de l’assistanat d’un photographe, un stage en entreprise est une excellente façon de commencer dans le métier et de se faire un réseau et une culture photo tout en sachant bien que c’est très peu payé et qu’en aucun cas ça ne doit être une solution à long terme. Là encore, les photographes indépendants qui prennent des stagiaires sont très rares. Ciblez donc vos demandes auprès des agences, des journaux, des collectifs ou même des associations culturelles du secteur de la photographie. Ces organisations utilisent toutes, à des degrés divers, des stagiaires. Cela fait partie de la culture d’entreprise. Dans un journal, il est rare de faire des photos en tant que stagiaire, mais vous aurez le loisir de découvrir le fonctionnement du service photo et iconographie. En agence, vous pouvez être au bureau un jour et partir le lendemain accompagner un photographe salarié ou même couvrir des petits sujets. Dans les petits collectifs, on fera appel à vous pour la gestion des projet, du fonds iconographique, mais rarement pour de la prise de vue.

Il est extrêmement dur d’obtenir un stage sans être, soi-même, inscrit à un organisme de formation. Sachez que les formations de prestige permettent souvent d’avoir accès à des organisations plus prestigieuses. Faute de quoi, il faudra compter sur votre réseau et votre motivation. Pour décrocher un stage, comme toujours, privilégiez le téléphone et la rencontre en réel plutôt que le reste.

Conclusion : N’oubliez pas de tout essayer

J’espère que texte vous aura donné une bonne vision des points clés pour devenir photojournaliste et les étapes à franchir. Le propos est plus complexe et dense que pour d’autres métiers où il existe un nombre limité de voies d’accès.

Gardez à l’esprit que personne ne peut décider pour vous la formation la plus adéquate ; souvenez-vous aussi que peu de gens vous jugeront sur votre parcours. En revanche, votre capacité à être autonome dans l’apprentissage, à avoir des idées, à être curieux, à produire et proposer des images, voilà ce qui fera de vous un bon professionnel qui aura du travail. C’est le prix de l’accessibilité de cette profession. Un métier que l’on fait par choix et non par défaut et qu’il convient d’honorer comme tel autant que possible.

Quelques ressources sur le photojournalisme :

Sites web : OAI13, Lens NYT, Time Lightbox, Proof by National Geographic

Magazines : Polka, 6 Mois, Epic Stories, Fisheye

Festivals : Visa pour l’Image, Festival Photoreporter, Assises du journalisme, Les Rencontres d’Arles, Circulations

Associations : UPP, Freelens, Fetart, Illusion & Macadam

Écoles : SPEOS ; EMI-CFD ; Formation transmédias ; Ecoles Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles ; ENS Louis Lumière ; Gobelins.

Stages : Eyes in Progress ; Stage des rencontres d’Arles

Textes : Advice for Young Photographers par Magnum Photos

Livres :


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Crédit photo de couverture : Pierre Morel pour LesJours.fr