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Proxima b : découverte de l’exoplanète la plus proche de la Terre

Détectée grâce à des instruments européens, elle est située dans une zone qui permet la présence d’eau liquide à sa surface, un berceau potentiel pour la vie.

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Publié le 24 août 2016 à 19h02, modifié le 25 août 2016 à 07h55

Temps de Lecture 6 min.

Depuis vingt ans, plus de 3 500 planètes, petites et grandes, gazeuses ou rocheuses, brûlantes ou glacées, enfer ou paradis potentiels, ont été détectées autour d’autres étoiles que notre Soleil.

Mais cette révolution des exoplanètes, aujourd’hui presque banalisée, était jusqu’alors passée à côté de Proxima du Centaure, pourtant l’étoile la plus proche de nous, distante de 4,2 années-lumière « seulement ». Cette « naine rouge », soleil de poche moins brillant que le nôtre, a elle aussi une planète pour compagne, vient d’annoncer un consortium international de chercheurs dans Nature et d’autres revues scientifiques.

Plus excitant encore, cette planète extrasolaire, baptisée Proxima b, est d’une masse comparable à la Terre et voyage sur une orbite « tempérée », écrivent les chercheurs, c’est-à-dire compatible avec la présence à sa surface d’eau liquide – ce qui pourrait en faire une autre arche de vie. Tout cela à notre porte interstellaire !

Depuis plusieurs jours, la nouvelle avait « percolé » sur les réseaux sociaux. En Allemagne, le Spiegel avait partiellement vendu la mèche, suscitant de nombreuses interrogations sur l’ampleur exacte de cette découverte. Mardi 23 août, Nature a organisé une conférence de presse téléphonique avec trois des auteurs de l’article.

« On peut juste calculer des probabilités »

Tranchant avec l’enthousiasme et les spéculations parfois excessifs souvent de mise lors d’exercices similaires organisés par la NASA, les chercheurs européens s’en sont tenus aux faits : « Pour cette détection, nous avons utilisé la technique dite des vitesses radiales », a d’abord indiqué Pedro Amado (Institut d’astrophysique d’Andalousie de Grenade). Celle-ci consiste à mesurer les variations de couleurs de l’étoile induites par le mouvement de la planète autour d’elle.

Comme la sirène d’un camion de pompiers, plus aiguë lorsque celui-ci s’approche, plus grave lorsqu’il s’éloigne, ces mouvements modifiaient périodiquement la perception de la longueur d’onde de la lumière émise par Proxima du Centaure. Il y a plusieurs années, « des mesures effectuées par Harps, un instrument de l’Observatoire européen austral installé à La Silla, au Chili, avaient livré des indices, mais qui pouvaient avoir d’autres explications », a précisé le chercheur.

Vue du ciel austral au-dessus du télescope de 3,6 m de l’ESO à La Silla (Chili), qui a permis la détection de l’exoplanète Proxima b. Celle-ci est en orbite autour de la naine rouge Proxima Centauri (en bas à droite) voisine des étoiles Alpha Centauri A et B (à gauche), qui constituent le système stellaire le plus proche du nôtre.

« Il y avait déjà eu des annonces infondées et on devait être prudent, enchaîne son confrère Guillem Anglada-Escudé (université Queen-Mary de Londres). Il fallait vérifier la périodicité du signal, avec une campagne intensive de mesures, sur soixante jours, avec trente minutes d’observation par jour. Quand on a combiné les deux jeux de données, la représentativité statistique est montée en flèche, et on a déterminé une période de révolution autour de la naine rouge de 11,2 jours. »

Il devenait possible de calculer la masse minimale de l’exoplanète, d’environ 1,3 celle de la Terre. « On peut en déduire la distance avec son étoile, complète Ansgar Reiners (Institut d’astrophysique de Göttingen), et la température à sa surface si elle n’a pas d’atmosphère : soit – 30 °C. » Glaçant ! « Rassurez-vous, si la Terre n’avait pas d’atmosphère, elle aussi aurait une température de surface moyenne de – 20 °C », ajoute aussitôt le chercheur.

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C’est en effet cette atmosphère protectrice qui permet de capter le rayonnement solaire grâce à l’effet de serre. Sur Terre, il est encore modéré ; sur Vénus, plus proche du Soleil, il s’est emballé pour devenir infernal.

Comparaison de l’orbite de la planète Proxima b et de son étoile avec la même région du système solaire. La zone où pourrait subister de l’eau liquide est représentée en vert.

Qu’en est-il sur Proxima b ? « On ne sait rien de l’atmosphère et de la présence ou non d’eau, tranche Ansgar Reiners. On peut juste calculer des probabilités. » Tout comme elle est certainement rocheuse, et non gazeuse, « il y a une probabilité non nulle que cette planète ait une atmosphère ». Si c’était le cas, « la température de surface pourrait y varier de – 30 °C à + 30 °C, selon qu’on se trouve du côté sombre ou du côté clair ».

L’échafaudage des hypothèses est sans fin

Car c’est là une des caractéristiques supposées de Proxima b : vingt fois plus proche de son étoile que la Terre ne l’est du Soleil, elle lui aurait été strictement asservie au fil du temps en raison des forces d’attraction. Deux options sont envisagées : soit elle présente à la naine rouge toujours la même face, comme la Lune par rapport à la Terre, soit elle est entrée en « résonance orbitale 3:2 », comme Mercure, qui effectue trois rotations sur elle-même en deux orbites autour du Soleil.

Ces deux scénarios ont été explorés par une équipe française pour tenter de déterminer quels types de climats peuvent régner sur Proxima b. Ils sont décrits dans la revue Astronomy and Astrophysics. « Nous nous sommes servis de modèles climatiques terrestres, d’abord adaptés à Mars ou Vénus, et désormais aux exoplanètes », indique Martin Turbet, qui réalise une thèse sur le sujet sous la direction de François Forget au Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS-UPMC).

Si Proxima b disposait à l’origine d’un vaste réservoir d’eau, comparable aux océans terrestres, « il y a de fortes chances qu’il subsiste de l’eau liquide à sa surface ». Si ce réservoir était plus limité, cette eau pourrait avoir migré vers les points froids polaires.

Tout dépend de la présence ou non d’une atmosphère capable d’engendrer un effet de serre qui permettrait à une partie de cette glace de fondre, auquel cas, à défaut d’océans, Proxima b pourrait être parcourue de rivières et parsemée de lacs. Sinon, « l’eau aura formé de gigantesques glaciers aux pôles et elle ne sera pas habitable », indique Martin Turbet.

Eventail des climats possibles sur Proxima b en fonction de l’effet de serre de l’atmosphère (CO2) et de la quantité d’eau disponible à la surface, tel que révélé par de multiples simulations numériques. Les deux cas de rotation estimés possibles pour Proxima b sont explorés :  en « rotation synchrone », comme la Lune autour de la Terre, avec une face constamment ensoleillée et une face perpétuellement dans la nuit ; en « résonnance orbitale 3:2 » (comme Mercure, c’est-à-dire 3 rotations en 2 orbites).

L’échafaudage des hypothèses est sans fin : d’autres articles examinent la possibilité que lors de sa formation, Proxima b ait bien disposé d’eau sous forme de glace. Ce qui dépend de sa position initiale par rapport à son étoile, dont la luminosité détermine une « ligne de glace » en deçà de laquelle celle-ci est vaporisée et ne peut s’agréger pour former les planètes.

« Trop d’incertitudes »

Si toutes les conditions sont remplies, la vie a-t-elle eu une chance de s’y développer ? Une des caractéristiques des naines rouges est de produire de très forts rayonnements, ce qui est néfaste au maintien d’une atmosphère, mais aussi à l’apparition de la vie.

On ignore si Proxima b dispose d’un champ magnétique protecteur. Mais on estime que les rayons X sont 250 fois plus forts à la surface de Proxima b que sur Terre, et les ultraviolets extrêmes quinze fois plus virulents, ce qui n’est en principe pas non plus très bon pour assembler les briques élémentaires de la vie. « Il y a trop d’incertitudes dans les modèles d’habitabilité pour le moment », tranche Xavier Dumusque (Observatoire de Genève), qui, en 2012, avait lui aussi annoncé dans Nature la découverte d’une exoplanète autour d’Alpha du Centaure B, l’une des étoiles compagnes de Proxima.

Vue d’artiste de la surface de la planète Proxima b, qui tourne autour de la naine rouge Proxima Centauri, l’étoile la plus proche du système solaire. On devine aussi les étoiles Alpha Centauri A et B, qui complètent le système stellaire du Centaure.

Un mirage ?

Depuis, cette découverte a été remise en question, même si Xavier Dumusque estime que seules de nouvelles observations permettront d’en avoir le cœur net. Proxima b pourrait-elle, elle aussi, n’être qu’un mirage ? « Je pense que c’est une détection solide, qui restera », indique l’astronome américain Artie Hatzes, qui avait émis des doutes sur la planète Alpha du Centaure Bb, et est l’un des « relecteurs » de l’article de Nature, où il publie un commentaire sur la découverte. « Personnellement, je ne pense pas que cette planète soit très habitable, dit-il. Mais on ne sait jamais. »

Les chercheurs imaginent déjà quels indices il faudra tenter d’observer avec les futurs instruments, comme le téléscope géant européen E-ELT de 39 mètres de diamètre, en construction au Chili, ou le successeur de Hubble, le télescope spatial James-Webb, qui sera lancé en 2018.

On ne touchera d’abord Proxima b qu’avec ces yeux-là. Car, pour s’y rendre, il faudra être patient : la lumière elle-même met plus de quatre ans pour faire le voyage – contre huit minutes depuis notre Soleil. Des sondes dotées des technologies actuelles de propulsion ne pourraient guère y arriver avant 20 000 à 80 000 ans, a calculé le site Universe Today.

A moins que le milliardaire russe Iouri Milner ne réussisse son pari : en avril, il a misé 100 millions de dollars (88 millions d’euros) sur le succès de « Breakthrough Starshot », un projet de voile solaire propulsée par laser soutenu par l’astrophysicien Stephen Hawking et Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook. Si tout se passe comme il l’entend, les premières images du survol du système Alpha du Centaure et de Proxima b pourraient nous parvenir en 2061…

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