En France le programme APS ne comporte pas de geste de secours en maternelle. En Norvège, une étude a montré que les enfants de 4 à 5 ans peuvent apprendre la PLS.

Une des raisons pour lesquelles les témoins n’interviennent pas dans une situation d’urgence est la peur de mal faire. Peur évidemment irrationnelle, puisqu’en absence de tout geste de secours, la victime va mourir. Le secourisme scolaire est un moyen efficace de banaliser les gestes qui sauvent, c’est pourquoi il a une importance cruciale, trop souvent sous-estimée [1]. En conséquence, il n’est pas assez mis en œuvre, malgré une obligation inscrite dans le Code de l’éducation depuis 2004.

Mais peut-on, dès le plus jeune âge, en maternelle, enseigner les gestes qui sauvent ? Les enfants sont-ils capables de retenir et de restituer ces gestes, le moment venu ?

Norvège

Une étude norvégienne a conclu positivement en 2011. Il se trouve que la Norvège est aussi le pays d’Europe dans lequel la population est la mieux formée, puisque 90 % des adultes sont capables de pratiquer les gestes essentiels selon la Croix-Rouge [2]. Il est donc utile de s’y intéresser. Une équipe de la ville de Bergen a publié cette étude, dans laquelle 5 garçons et 5 filles ont servi de cobayes [3]. Ils étaient âgés de 4 et 5 ans.

Ces enfants ont reçu des enseignements dont le programme comprenait :
– le corps et ses fonctions, évaluation de la conscience et de la respiration
– le traitement des plaies, les saignements
– l’inconscience, la libération des voies aériennes, la position latérale de sécurité,
– la conduite à tenir en situation d’urgence, les appels d’urgence,
– apprentissage des gestes et entraînements sur cas concrets,
– évaluation formative.

Se faire la main

La technique employée pour mémoriser la conduite à tenir est « la règle des cinq doigts de la main ». Chaque doigt représente une action :
– observer la victime
– parler à la victime
– toucher la victime pour essayer de la réveiller
– appeler le 113 (numéro d’urgence en Norvège)
– réconforter et surveiller la victime.

Pour mémoriser la conduite à tenir, le groupe d’enfants a réalisé un poster en forme de main.

La « règle des 5 doigts de la main »
Crédit : Bollig et al.

Gestes assimilés

Deux mois après le cours, 7 des 10 enfants pouvaient vérifier la conscience d’une victime et appeler les secours. Six étaient capables de vérifier la ventilation et 4 de réaliser l’ensemble de la conduite à tenir correctement (alerte complète, PLS et libération des voies aériennes). L’enseignant a aussi observé au quotidien que le cours avait eu des effets positifs sur l’entraide mutuelle des enfants et l’empathie. Par exemple après le décès d’une célébrité, les enfants demandaient à leur enseignant s’il savait comment les secours l’avaient pris en charge et s’il avait été bien réconforté avant de mourir.

Pendant les cours, certains enfants étaient réticents à participer aux cas concrets. Néanmoins, dans leur comportement quotidien, ils ont montré qu’ils avaient bien assimilé les gestes de secours. Dans le cadre de l’étude, l’enseignant a simulé une perte de connaissance alors qu’il surveillait une récréation, sans prévenir qu’il s’agissait d’un exercice. Les enfants ont alors spontanément agi en équipe. Ils ont mis leur maître en PLS à plusieurs, après avoir vérifié sa respiration. Ils se sont souvenus qu’il fallait basculer la tête en arrière et ont discuté ensemble de la nécessité de le faire pour faciliter l’écoulement en cas de vomissement.

Les enfants réalisent une mise en PLS
Crédit : Bollig et al.

En France

En France, le programme APS (apprendre à porter secours) est également prévu en maternelle, de la petite à la grande section. Le contenu est moins ambitieux que celui proposé dans l’étude norvégienne. Il se base sur la prévention, la protection et l’alerte. L’intervention se limite à rassurer la victime sans réaliser d’autre geste. Une étude portant sur 285 enfants du département de la Somme, dont 140 ont suivi le programme APS, a été publiée en 2014 [4]. Elle a montré, comme l’on pouvait s’y attendre, que les enfants qui ont suivi le programme étaient davantage capables de décrire correctement la situation et d’alerter les secours que ceux qui ne l’avaient pas suivi. Par exemple, le nombre d’enfants qui appellent le SAMU en situation d’urgence est au moins multiplié par 5, selon la situation.

Malheureusement le programme APS n’est pas appliqué par tous les maîtres. Dans l’étude réalisée dans la Somme, sur 3300 professeurs des écoles, seuls 2200 avaient suivi la formation appropriée. Mais même parmi ceux-là, tous ne dispensaient pas le programme APS, par manque de volonté. Il serait donc souhaitable que le programme APS soit dispensé plus systématiquement, compte tenu de ses bénéfices sur les enfants. Il serait également souhaitable qu’une réflexion soit menée sur la possibilité d’introduire quelques gestes simples dans ce programme. Si l’étude norvégienne a montré qu’il est possible d’enseigner la PLS à la maternelle, celle-ci ne commence à être introduite dans le programme français qu’en fin de primaire (cycle 3) [5].

Notes

[2First aid for a safer future — Focus on Europe https://www.ifrc.org/PageFiles/5345...

[3Georg Bollig, Anne G Myklebust and Kristin Østringen Effects of first aid training in the kindergarten - a pilot study Scandinavian Journal of Trauma, Resuscitation and Emergency Medicine 2011 19:13 DOI : 10.1186/1757-7241-19-13

[4Ammirati C, Gagnayre R, Amsallem C, et al Are schoolteachers able to teach first aid to children younger than 6 years ? A comparative study BMJ Open 2014 ;4:e005848. doi : 10.1136/bmjopen-2014-005848

[5Reportage sur la formation APS sur le blog d’une école primaire de l’académie de Rouen : http://bit.ly/2bR0h2H

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Apprendre des gestes de secours en maternelle, c’est possible

25 août 2016 par BURGGRAEVE

Les 5 doigts de la main, comme pour les 5 GESTES QUI SAUVENT (formation pratique pour obtenir le permis de conduire - en 4 heures) : Alerter, Baliser, Ventiler, Comprimer, Sauvegarder. (C’était la couverture de la première édition de la brochure gratuite en 1972). Projet de formation de masse (1 million de personnes/an) proposé en 1967 pour la France mais, comme pour l’enseignement au sein de l’Education nationale, peu d’enthousiasme des pouvoirs publics car chacun ne voit que ses affaires administratives et la "responsabilité" de la diffusion du secourisme appartient à chaque département ministériel ! Dans les cabinets ministériels on ne connaît rien du secourisme. Nous avons facilement 30 ans de retard !
Didier BURGGRAEVE, Président du CAPSU.

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