Pourquoi le satellite de communication quantique que la Chine s'apprête à tester est si stratégique
La Chine ne ménage pas ses efforts dans la recherche technologique. Elle vient de lancer un satellite de communication qui va tenter de transmettre des clés de chiffrement quantiques – et donc inviolables – de Beijing jusqu'à Vienne.
Julien Bergounhoux
La Chine a lancé ce mardi 16 août un satellite un peu particulier dans l'espace. Baptisé Micius, du nom latinisé d'un philosophe chinois du 5e siècle avant JC, il sera utilisé pour tester l'échange de clés de chiffrement quantiques de Beijing (Chine) jusqu'à Vienne (Autriche). Si le test est un succès, il marquera une avancée considérable dans ce champ de recherche, car l'utilisation de photons pour communiquer s'est limitée jusqu'à présent à de courtes distances en laboratoire.
Une première scientifique... et stratégique
L'intérêt de ces clés de chiffrement quantiques est qu'elles sont virtuellement impossibles à intercepter par un ennemi, car leur nature instable fait qu'elles seraient immédiatement détruites. Les données chiffrées seraient alors impossible à exploiter par l'attaquant, quand bien même il les aurait en sa possession. Si des applications concrètes en matière de cybersécurité ne sont pas à l'ordre du jour, cet essai restant hautement expérimental, ce lancement n'en reste pas moins une première mondiale de grande ampleur. Comme le rapporte le Wall Street Journal, ce projet fait partie d'un ambitieux plan national de recherche sur 5 ans que sponsorise le gouvernement chinois. L'objectif : surpasser le niveau des puissances occidentales dans les sciences "dures", pour faire de la Chine un pionnier et plus un suiveur.
Des financements à la hauteur des ambitions
Les scientifiques du monde entier (Etats-Unis, Europe, Japon, etc.) travaillent d'arrache-pied sur les technologies de communication quantique, mais leur soutien financier n'est pas comparable à celui de la Chine, d'après les chercheurs interrogés par le WSJ. Bien que le budget du projet Micius n'ait pas été dévoilé, il s'incrit dans un plan de financement de la recherche dont le budget était de 101 milliards de dollars en 2015, contre seulement 1,9 milliard en 2005. En comparaison, le financement fédéral de la recherche quantique aux USA est d'environ 200 millions de dollars par an.
Vers une course technologique contre les Etats-Unis ?
Les institutions chinoises recrutent aussi ardemment parmi leurs citoyens formés à l'étranger. Le chef du projet Micius, Pan Jianwei, s'est par exemple formé à l'Université de Vienne sous la tutelle du professeur Anton Zeilinger. Ce dernier a tenté de convaincre l'Agence spatiale européenne (ESA) de financer un satellite de communication quantique pendant 15 ans, mais sans succès. Il travaille aujourd'hui sous les ordres de son ancien élève sur le projet Micius. De leur côté, les services de renseignements américains travaillent aussi depuis de nombreuses années sur des technologies quantiques... mais pour pouvoir casser les méthodes de chiffrement conventionnelles. Des capacités hypothétiques auxquelles la Chine chercher visiblement déjà des parades.
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