ATTENTAT DE NICE - Dans la nuit de vendredi à samedi, plus de 260 civils ont trouvé la mort dans des affrontements violents avec les forces armées à Istanbul. La nuit précédente, au moins 84 personnes ont perdu la vie lorsqu’un poids-lourd a délibérément zigzagué dans la foule le 14 juillet à Nice. Ce lundi soir, un homme a attaqué les passagers d'un train à la hache en Allemagne.
Deux semaines auparavant, Alton Sterling et Philando Castile, deux noirs américains, avaient été tués par la police aux Etats-Unis dans des incidents distincts, puis cinq policiers ont été abattus par un sniper à Dallas. Le mois dernier, 49 personnes ont été assassinées par un homme armé dans une emblématique boîte de nuit gay d’Orlando, en Floride.
Et des dizaines d’autres fusillades, attaques à la bombe et de tragédies se sont produites dans les jours et les heures qui ont séparé ces événements. Nous avons tous entendu ces infos. Nous avons vu les images. Nous avons pu voir le terrorisme en vidéo.
Pour les proches des victimes, le chagrin est incommensurable. La douleur que peuvent ressentir les Afro-Américains à la vue de la brutalité qu’exercent les policiers à l’égard des noirs est déjà en soi un prix à payer. La souffrance que représente pour les lesbiennes, les gays, les bisexuels ou les transgenres une attaque visant leur communauté est atroce. Les personnes touchées dans leur intimité par ces tragédies vivent des émotions que nous autres ne pouvons pas appréhender.
Mais même pour ceux qui ne sont pas directement concernés d’une manière ou d’une autre par ces terribles événements, la tristesse et la souffrance sont néanmoins une réalité.
Nous souffrons même si nous ne sommes pas impliqués
Lorsque nous voyons, entendons ou même lisons un texte portant sur des faits traumatisants - même si nous ne sommes pas directement impliqués - nous pouvons déjà exprimer une réaction émotionnelle, explique Robert Hawkins, professeur associé à la Silver School of Social Work de l'université de New York au HuffPost. “C’est un traumatisme qui ne vous est pas nécessairement arrivé, ou que vous n’avez pas nécessairement vécu, mais il en vient à vous toucher”, affirme-t- il.
Ça peut être pire si vous vous identifiez à ceux qui ont été affectés, explique David Kaplan, directeur du secteur professionnel au sein de l’American Counseling Association, qui rassemble plus de 55 000 coachs personnels. “Si vous vous identifiez de quelque manière que ce soit à la personne attaquée, vous allez ressentir de la peine, parce que c’est aussi une part de vous”, ajoute David Kaplan.
Mais ce chagrin, pour normal et attendu qu’il soit, peut engendrer du stress et des insomnies. “Au vu de la fréquence des fusillades et des attentats terroristes, une certaine forme d’anxiété tend à s’installer chez les gens”, a expliqué au New York Times Anita Gadhia-Smith, psychologue installée à Washington - “une certaine forme de vulnérabilité et de sentiment d’impuissance”.
Les événements traumatisants de la vie comptent parmi les premières causes d’anxiété et de dépression, montrent les études scientifiques. Mais les experts avancent qu’entreprendre des démarches pour prendre soin de soi-même ― y compris prendre soin de son sommeil ― est ce qui nous aide le mieux à gérer ce stress.
Le stress provoque des bouleversements chimiques dans nos corps
L’absence de sommeil est la réaction naturelle du corps après avoir entendu ou observé des événements perturbants, d’après Jason Ong, psychologue du sommeil au Northwestern Memorial Hospital de Chicago. Lorsque notre corps libère les hormones liées au stress, la zone du cerveau dédiée au traitement des émotions reste éveillée, explique-t-il, en éteignant certains de ses systèmes qui soutiennent le sommeil.
Même si notre corps sait que nous sommes fatigués, notre cerveau a conscience que quelque chose va mal et qu’il est nécessaire d’y faire face. En bref: les recherches montrent que lorsque nous sommes stressés, les transformations chimiques et biologiques à l’intérieur de nos corps peuvent interférer avec notre sommeil.
Il est important de prendre en main ce stress et ces insomnies au plus tôt, affirment les experts, avant qu’ils ne provoquent des cycles de troubles de la santé mentale et d’insomnies chroniques à long terme (qui peuvent se développer à partir de cycles d’insomnies de courte durée).
“L’anxiété et l’insomnie peuvent se nourrir l’une l’autre et engendrer un processus cyclique”, avance la National Sleep Foundation (Fondation américaine pour le sommeil).
Voici sept “trucs” pour prendre soin de soi, qui peuvent vous aider à gérer les soucis et à mieux dormir:
1. Parlez de ce qui vous préoccupe
Surmonter une tragédie passe en grande partie par l’expression de vos émotions, affirme Steve Orma, psychologue clinicien et auteur de Stop Worrying and Go to Sleep: How to Put Insomnia to Bed for Good (Arrêtez de vous faire du souci et allez dormir : comment mettre l’insomnie au dodo pour de bon, inédit en France).
Si vous êtes triste, accordez-vous le droit de pleurer. Si vous êtes anxieux et que vous avez peur, dites ‘je suis anxieux et j’ai peur’ assure Steve Orma, psychologue clinicien. L'organisme fédéral américain chargé d’organiser le traitement et la prévention des abus de substances psychoactives et des troubles mentaux recommande de partager vos sentiments avec votre famille et vos amis.
2. Faites des choses qui vous aident à vous détendre
Les techniques de relaxation et de méditation aident à soulager le stress et peuvent en particulier être utile savant le coucher, affirme Phyllis Zee, directrice du Centre sur les désordres du sommeil au Northwestern Memorial Hospital.
3. Ne modifiez pas vos habitudes de sommeil
Éprouver des difficultés à trouver le sommeil le soir peut rendre plus tentant de vous lever plus tard le lendemain. Mais prendre de mauvaises habitudes de sommeil ne fera que rendre votre endormissement plus difficile le soir, avance Steve Orma. Si vous n’avez pas l’habitude de faire la sieste, ne commencez pas. Évitez de rester au lit plus tard que d’habitude. Et ne commencez pas non plus tout d’un coup à prendre des somnifères, car une dépendance pourrait s’installer, affirme-t- il.
4. Éteignez les infos le soir
Établissez une période d’embargo sur les infos d’au moins 30 à 45 minutes avant d’aller au lit, afin de vous aider à vous détendre, conseille Jason Ong. Réduire votre exposition à la couverture médiatique de l’actualité violente vous aidera à vous relaxer et à mieux dormir.
5. Maintenez une bonne hygiène de sommeil
Ca peut paraître évident, mais il est bon de rappeler que les instants où vous avez le plus de chances d’éprouver des difficultés à vous endormir sont ceux où il est le plus important de faire des choses qui sont bonnes pour le sommeil, relève Phyllis Zee. Faites de l’exercice dans la journée, mais pas à une période proche du coucher. Prenez le soleil dans la journée, mais évitez les grandes illuminations en soirée (qui peuvent rendre votre endormissement plus difficile et peuvent réellement détériorer votre sommeil).
6. Accordez-vous une pause
Il faut vous convaincre qu’il n’est pas grave de passer quelques mauvaises nuits, affirme Steve Orma. Plus vous vous flagellerez pour ne pas avoir bien dormi, plus ça vous énervera et plus vous serez anxieux à l’idée de ne pas dormir, ce qui alimentera le cycle insomniaque.
Adressez-vous à vous-mêmes comme si vous parliez à votre meilleur ami ou à un enfant… sur un ton très encourageant et positif. Steve Orma, psychologue clinicien. "Adressez-vous à vous-mêmes comme si vous parliez à votre meilleur ami ou à un enfant… Vous emploieriez un ton très encourageant ou positif”, nous avait déjà expliqué Steve Orma. “Vous ne chercheriez pas à leur faire peur.”
7. Faites-vous aider autant que vous en avez besoin
Si vous n’arrivez pas à faire face seul ou avec l’aide de vos proches, adressez-vous à un psychologue ou à un professionnel de santé, recommande l’American Psychological Association. S’il n’existe pas de modèle-type qui s’appliquerait à tout un chacun quant à la durée nécessaire pour qu’un traumatisme passe, l’APA affirme qu’aller chercher l’aide d’un professionnel serait bénéfique si vous vous sentez submergé par la tristesse et le sentiment d’impuissance, si le problème ne semble pas se résoudre après avoir échangé avec votre famille et vos amis et si vous éprouvez des difficultés à maintenir vos habitudes quotidiennes.
Cet article, initialement publié sur le Huffington Post américain, a été traduit de l’anglais par Mathieu Bouquet.