Réveil difficile ce vendredi 24 juin. Les Européens découvraient avec stupeur que le Royaume-Uni décidait de quitter l'Union Européenne après quarante-trois ans d’appartenance, à 51,9 %, contre 48,1 % pour le camp proeuropéen. Si les politiques ne se sont pas fait attendre pour réagir sur le sujet, Maddyness s'est de son côté penché sur les conséquences d'une telle séparation sur l'économie numérique européenne. 

Si l'impact le plus visible de ce résultat reste pour le moment l'importante fluctuation de la livre sterling, et ce dès le matin de l'annonce des résultats, on assiste également à une conséquence plus psychologique liée à la position délicate des nombreux entrepreneurs installés au Royaume-Uni, qu'ils soient locaux ou étrangers. 

Entrepreneurs : de nouvelles stratégies à mettre en place

Encore sous le choc d'un choix qui pourrait avoir des répercussions économiques difficilement perceptibles aujourd'hui, les entrepreneurs sont déjà amenés à envisager de nouvelles stratégies pour leurs startups.

C'est par exemple le cas d'Arnaud de Montille, cofondateur de la marque Merci Maman. La startup londonienne, qui a ouvert un bureau parisien en mars dernier sans penser au Brexit, envisage si besoin de déplacer une partie de son activité en France. 

" Ces négociations risquent de prendre des années mais je reste confiant. Nous pourrions rapatrier toutes nos activités "européennes" à Paris et garder à Londres, l'activité britannique et l'export hors Europe "
Arnaud de Montille

Philippe Gelis, fondateur du spécialiste des services de change B2B Kantox, est de son côté impacté par le Brexit via la volatilité du marche des changes, son coeur de métier.

" Nous accompagnons donc nos clients dans ce moment trés compliqué en les aidant a mettre en place des stratégies de couverture du risque avec nos solutions

Philippe Gelis

La société, qui "passeporte" ses services depuis Londres vers l'Europe, sera peut-être obligée de se relocaliser en Europe continentale pour des raisons de régulation. Un processus long et compliqué qui n'apportera aucune valeur au client, au contraire.

Theodo, dirigé de son côté par Fabrice Bernhard, qui a démarré son activité à Londres il y a maintenant un an, mise encore pour le moment sur les deux prochaines années, pendant lesquelles Londres gardera ses atouts principaux : cadre légal simple et favorisant la liberté d'entreprendre et la langue anglaise qui permet d'adresser le reste du monde.

" À 3 ans et plus, cela nous force à reconsidérer la question du positionnement des activités internationales. La non-appartenance à la zone Euro était déjà un frein, Brexit pourrait être le coup de grâce "
Fabrice Bernhard

Une réaction partagée par Jean-Francois Cécillon,  managing director des Waddington Custot Galleries, qui estime que la situation va se stabiliser et qu'il est inopportun de réagir a chaud avec des mouvements de panique.  

" L'avantage de ce vote est qu'il va pousser les politiciens continentaux a se poser de vraies questions sur l'Europe et enfin la construire pour servir et protéger et non réguler "
Jean-Francois Cécillon

Un positionnement à moyen terme, donc, accompagné d'efforts et de concessions de chacun. 

Les investisseurs à la recherche de nouvelles rampes de lancement

Si le référendum est respecté (déjà près de 3 millions de britanniques demandent un second vote au parlement via une pétition en ligne), le Royaume-Uni se dirigera ainsi sur une sortie assez rapide de l'Union Européenne, d'ici deux ans et avec des impacts assez immédiats. La zone de trouble que nous traversons actuellement va laisser place d’ici peu à des spéculations précédant l’intervention des politiques. En attendant, plusieurs conséquences liées au Brexit sont déjà visibles, avec en ligne de mire la chute des bourses mondiales et de la livre, pendant que les investisseurs se ruaient de leur côté sur des valeurs refuges comme l'or ou des monnaies plus stables comme le yen ou le franc suisse alors que d'autres misent sur des nouvelles valeurs comme le Bitcoin, dont le cours s'est envolé dès vendredi.

" À partir du moment où les biens et les hommes sont réduits dans leurs mouvements, ça crée des frictions supplémentaires qui, dans un monde majoritairement numérique, vont coûter des points de marge et du chiffre d’affaires aux startups UK "
Marc Fournier, managing partner Serena Capital

Le Royaume-Uni, de par son libéralisme financier et sa culture, était jusqu'ici considéré comme une véritable rampe de lancement pour un grand nombre de financiers et surtout de Venture Capitalists américains. Ces derniers envisageraient dès à présent un changement de stratégie, en allant installer leur siège dans une autre capitale européenne.

Pour rappel, il y a plus de 300 000 Francais expatriés ou résidant à Londres. Plus de 70% d’entre eux exercent en finance, qui représente 10% du PIB. Cela se joue davantage pour les expatriés dans les banques où  plusieurs milliers de salariés doivent être rapatriés en France, ou ailleurs, après l’annonce d’HSBC ou de Morgan Stanley il y a quelques mois disant vouloir déplacer certains de leur salariés en cas de Brexit. Pourtant,  la prochaine place financière n'est pas encore décidée. Francfort ? Paris ? Et si l’Ecosse tirait son épingle du jeu ?

Une opportunité pour la France ?

Si ces changements vont coûter cher aux startups installées au Royaume-Uni, ils peuvent également être une réelle opportunité pour la France. L'Hexagone pourrait alors accueillir de nouveaux talents en son sein. Une chance qui dépendra essentiellement de la manière dont nos politiques en profitent et démontrent que la France est digne d’accueillir de nouveaux talents, selon Marc Fournier.

" Ça n’est pas parce que le Royaume-Uni se prend les pieds dans le tapis que la France mérite sa place en haut de l’affiche "
Marc Fournier

Pour Albin Serviant, CEO d'Easyroomate et coordinateur de la French Tech Hub London, la période d'incertitude dans laquelle entre le Royaume-Uni se révèle être le problème le plus critique des entrepreneurs : décision de financement plus longue, clients hésitants, etc. On assiste ainsi à un accès potentiellement compliqué a un vaste marche pour l’Angleterre et ses jeunes pousses.

" Cela pose la question des réformes de fonds nécessaires en France et ailleurs pour transformer Paris et la France en plateforme séduisante pour les startups européennes "
Albin Serviant

La solution ? Dérouler le tapis rouge aux startups britanniques, en leur offrant l’opportunité de venir s’installer en France grâce à des subventions et des loyers à coût réduit la première année, par exemple, sans avoir pour autant besoin de remanier les lois. Affaire à suivre, donc.