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A quoi servent les prépas privées aux concours ?

La multiplication des concours (médecine, paramédical, ENM…) s’accompagne d’une prolifération d’offres de préparation. Le plus souvent privées… et onéreuses.

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Publié le 20 janvier 2016 à 14h09, modifié le 29 février 2016 à 06h34

Temps de Lecture 4 min.

De nombreux et coûteux organismes privés ambitionnent de préparer aux concours de l'enseignement supérieur.

Dans le sillage des concours donnant accès à une multitude de formations, les prépas privées se répandent à toute vitesse. Si cer­taines d’entre elles sont bâties sur le modèle des classes préparatoires aux ­grandes écoles à temps plein, d’autres se contentent de proposer un « soutien » ponctuel ou quelques heures de cours par semaine.

« Ces organismes sont de plus en plus actifs, confirme Isabelle Auber, conseil­lère chez Fabert, un centre d’orientation qui propose aussi un moteur de ­recherche des établissements privés – lequel recense des centaines de « pré­parations » aux examens et concours, et ce dans tous les domaines. Partout où la sélection est draconienne, les “prépas” s’imposent. C’est un marché en pleine croissance, dont l’émergence répond à l’inquiétude des parents, mais aussi à la diversité accrue des modes de sélection. »

Ces prépas sont toutes payantes, et parfois très chères. Pour une formule à temps plein, il faut compter en général autour de 5 000 euros par an. Mais ­certains cours intensifs peuvent facilement dépasser les 10 000 euros, voire 12 000 euros annuels. Certains can­didats n’hésitent pas à cumuler prépa privée et cours du soir – par exemple pour viser les écoles de commerce les plus cotées. L’addition totale peut alors atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros par an…

« En France, le principe du concours est bien accepté, parce qu’il est paré des ­vertus de la méritocratie, analyse le sociologue François Dubet. Mais il débouche sur un essor des prépas privées qui, elles, n’ont rien de méritocratique. Même si elles coûtent cher, on se dit que le jeu en vaut la chandelle… Ce phénomène par­ticipe de la privatisation rampante de ­l’enseignement supérieur. Il existe au­jourd’hui un nombre croissant de formations privées, qui génèrent à leur tour des prépas privées. Mais comment cri­tiquer leur existence si, de son côté, le secteur public ne propose pas une formation de qualité ? Au bout du compte, cela pose la question du financement de l’éducation. »

« Sélection draconienne »

La vogue de ces « prépas » est tout particulièrement marquée pour l’accès à deux domaines   : la fonction publique (métiers de bibliothécaire, de travailleur social, etc.) et le secteur de la santé. En ce qui concerne les études de médecine, il devient même très difficile d’en entreprendre sans passer par une prépa. Des établissements spécialisés, comme Médisup, ont pris position sur ce créneau, avec une large gamme de programmes. Certaines écoles d’infirmiers ont même monté leur propre cycle préparatoire. Le groupe Ecole supérieure de commerce (ESC) Troyes, par exemple, propose une série de prépas santé et social, pour les concours d’entrée dans les écoles de psychomotriciens, d’orthoptistes, d’audioprothésistes, de podologues ou de travailleurs sociaux.

« Le plus souvent, ces écoles n’offrent que quelques dizaines de places pour des milliers de candidats. La sélection y est donc draconienne, ex­plique Christine Vitalis, la directrice des prépas santé-social du groupe. Mais ­elles délivrent un diplôme d’Etat et garan­tissent un emploi quasi assuré à la sortie. Aussi attirent-elles un grand ­nombre de jeunes. » Sans compter que, si cette ­formation est payante (autour de 3 700 euros pour le paramédical à l’ESC Troyes), les écoles d’infirmiers et de travailleurs sociaux, elles, sont ­publiques et gratuites.

N’importe qui peut aujourd’hui ouvrir sa prépa, à peu près sans contrôle.

N’importe qui peut aujourd’hui ouvrir sa prépa, à peu près sans contrôle. A côté de structures ayant pignon sur rue, d’autres se lancent parfois sans aucun élève, ou n’offrent aucune garantie… A l’ESC Troyes, les prépas santé et social, toutes à plein-temps, affichent des taux de réussite bien supérieurs à la moyenne nationale. « Nous bénéficions d’une solide notoriété dans le secteur, grâce à notre ancienneté », assure Christine Vitalis. « Dans l’ensemble, les abus sont rares, estime de son côté ­Isabelle Auber. De toute façon, si le taux d’admission n’est pas à la hauteur, cela se sait très vite. »

« A la limite de l’escroquerie »

Quelques institutions publiques tentent cependant de prendre le contre-pied de la tendance. Ainsi l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) a-t-elle lancé des prépas « Egalité des chances », entièrement gratuites, à Paris, à Bordeaux et à Douai. « C’est une façon de rester fidèles à nos valeurs d’école républicaine, souligne Xavier Ronsin, le directeur de l’ENM. Pour un concours qui sélectionne de futurs juges et procureurs, il est normal que les lauréats présentent la même diversité que la population – sur le plan social comme sur celui des territoires. »

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Ces cursus accueillent au total 45 élèves – 6 places sont en outre réservées à des candidats de Nouvelle-Calédonie et de Guyane. Le taux de réussite (plus de 20 %) au « premier concours  », réservé aux étudiants, est largement supérieur à celui des prépas privées et des instituts d’études juridiques (IEJ) créés par les universités. La même démarche a aussi été tentée par l’Ecole nationale de l’administration (ENA) – avec un succès tout mitigé : seuls quelques candidats ont intégré l’école, mais plusieurs di­zaines d’entre eux ont réussi un autre concours de la fonction publique.

Ce type de dispositifs ne suffira pourtant pas à inverser la tendance. « Un nombre croissant d’étudiants, soucieux de mettre toutes les chances de leur côté, se croient obligés de s’inscrire en même temps dans un IEJ et dans une prépa ­privée, déplore Xavier Ronsin. On aboutit ainsi à une forme de sélection par ­l’argent. Sans compter que, si la plupart de ces “prépas” font du bon travail, d’autres, même cotées, sont à la limite de l’escroquerie. »

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