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Qu’est-ce qu’un bon leader ? La question a toujours fait couler beaucoup d’encre, et ce n’est pas fini. En tant que scientifique, j’aime bien avoir recours aux chiffres. En 2009, James Zenger a publié une étude fascinante, réalisée auprès de 60 000 salariés, destinée à identifier comment les différentes caractéristiques d’un leader doivent se combiner afin qu’un chef soit perçu comme un «excellent» meneur d’hommes. Parmi ces caractéristiques, Zenger a notamment examiné l’attention accordée aux résultats et les compétences sociales.

Divers types d’aptitudes. L’attention portée aux résultats requiert à la fois de solides compétences analytiques et une forte motivation à résoudre les problèmes pour porter les projets en avant. Surprise : si un leader était perçu comme très attentif aux résultats, la probabilité qu’il soit vu aussi comme un excellent meneur d’hommes n’était que de 14%. Les compétences sociales incluent des qualités comme l’aptitude à communiquer et l’empathie. Si ces compétences étaient fortes, le leader (homme ou femme) était encore moins souvent considéré comme étant « excellent » , le score tombant à un piètre 12 %. Néanmoins, pour les leaders portant à la fois une grande attention aux résultats et étant dotés de grandes compétences sociales, la probabilité d’être perçus comme excellent s’envolait pour atteindre 72%.

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Puissant effet démultiplicateur. Les compétences sociales ont un puissant effet démultiplicateur. Un leader qui en fait preuve peut optimiser les capacités d’analyse des membres de ses équipes beaucoup plus efficacement. Sa capacité à prédire comment les membres d’une équipe travailleront ensemble lui permet de mieux combiner les talents. Souvent, il apparaît que les difficultés que l’on pensait au départ intrinsèques aux tâches à exécuter soient en réalité dues à des problèmes interpersonnels. Un salarié peut se sentir sous-estimé par rapport à un autre, ou penser qu’il fait tout le travail tandis que son collègue se tourne les pouces – amenant l’un et l’autre à faire moins d’efforts pour régler des problèmes qui pourraient être résolus. Les leaders qui possèdent de bonnes compétences sociales sont plus efficaces pour diagnostiquer et résoudre ces situations somme toute banales au travail.

Des résultats surprenants. Combien de leaders, dans les faits, combinent de fortes aptitudes en matière d’attention aux résultats et de compétences sociales? S’il est vrai que ce mélange donne des leaders particulièrement efficaces, les entreprises auraient dû en tenir compte et promouvoir ce type d’individus à des postes à haute responsabilité, n’est-ce pas ? Et bien non. Les équipes de David Rock, le directeur de l’Institut du Neuroleadership, se sont associées au Management Research Group pour mener une étude et répondre à cette question. Ils ont demandé à des milliers de salariés d’évaluer leurs patrons sur leurs aptitudes à se concentrer sur les objectifs à atteindre (un concept proche de l’attention accordée aux résultats) et leurs compétences sociales afin de déterminer la fréquence à laquelle les leaders combinaient des scores élevés sur les deux tableaux. Les résultats sont stupéfiants : moins de 1% des leaders enregistraient à la fois de fortes aptitudes à se concentrer sur les objectifs et de fortes compétences sociales.

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Lobe frontal et zones médianes. Comment expliquer ce phénomène? Comme je le décris dans mon livre «Social: Why our brains are wired to connect», notre cerveau a du mal à se focaliser concomitamment sur les compétences sociales et analytiques. Même si la pensée sociale et la pensée analytique ne sont pas si éloignées l’une de l’autre, l’évolution a doté notre cerveau de circuits différents pour traiter ces deux modes de réflexion. Dans le lobe frontal, les régions les plus proches du crâne, situées à la périphérie externe, assurent la pensée analytique et sont intiment liées au QI. Plus loin, dans les régions cérébrales médianes, là où les deux hémisphères se rejoignent, est logée la pensée sociale, qui nous permet de nous faire une idée de ce qu’une personne pense, ressent et veut atteindre comme objectif en nous fondant sur ce que nous la voyons faire et dire dans un contexte donné.

Cercle auto-entretenu. Mais le plus surprenant reste à venir ! Ces deux circuits fonctionnent comme un balancier neuronal. D’innombrables études de neuroimagerie montrent que plus un de ces réseaux est sollicité, plus l’activité de l’autre se fait discrète. En général, à quelques exceptions près, quand on commence à adopter un type de pensée, basculer vers l’autre est plus compliqué. On peut affirmer sans trop de risques de se tromper que dans le monde des affaires, la pensée analytique l’emporte – occultant ainsi les aspects sociaux qui ont pourtant des retombées importantes sur la productivité et les bénéfices. De plus, les salariés sont bien plus susceptibles d’être promus à des postes à haute responsabilité s’ils ont su relever des défis techniques. Résultat : la hiérarchie est essentiellement constituée de personnes dépourvues des compétences sociales nécessaires pour tirer le meilleur parti des membres de leurs équipes et incapables de former correctement leurs troupes à des postes à responsabilité.

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Meilleur équilibre. Comment améliorer cet état de fait ? Premièrement, nous devons accorder une importance plus grande aux compétences sociales lors des phases de recrutement et de promotion. Deuxièmement, il nous faut créer une culture du mérite qui utilise les deux côtés du balancier neuronal. Réussir cette équation simultanément peut s’avérer difficile, mais le fait de savoir qu’il existe d’autres façons de résoudre les problèmes et d’être productif est un gage de meilleur équilibre.

Lisez plus de romans! A priori, il pourrait être possible de renforcer sa pensée sociale en s’entraînant sur la durée. Les psychosociologues commencent tout juste à étudier les retombées de ce genre de formation. Une piste encourageante, et qui rendrait cet entraînement agréable, suggère que la lecture de romans pourrait renforcer temporairement ces muscles mentaux. Ne serait-ce pas merveilleux si la lecture de L’attrape-coeurs ou du dernier John Grisham était la solution pour gagner plus d’argent ?

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