« C’est peut-être dû à la douceur angevine… » : à croire que les étudiants de l’université d’Angers se sont donné le mot. Cette petite phrase aux allures de campagne de promotion touristique leur vient spontanément à la bouche lorsqu’on leur demande ce qui explique les excellents taux de réussite de leur université en licence. Dans la note du ministère sur les « parcours de réussite aux diplômes universitaires », publié mardi 9 février, Angers accapare une fois encore le haut du classement en termes de réussite. Comptez 57 % de taux de passage en L2 — juste derrière Paris-VI et ses 60,3 % —, là où la moyenne des universités plafonne à 40 %. L’université est même première en termes de réussite en trois ans pour l’ensemble de la licence : 44,2 %, contre 27,2 % pour l’ensemble des autres universités.
Une université à taille humaine
Qu’importe si ce lundi matin à Saint-Serge, l’un des trois campus d’Angers, situé en centre-ville, les pelouses sont détrempées et que le vent souffle comme jamais, pour Mathieu Gaston aussi, le cadre « convivial et la douceur angevine » sont un élément d’explication de ces bons taux de réussite, « parce que, ici, on se sent bien pour étudier ». C’est plus exactement la « taille humaine de la ville et de l’université qui joue » pour cet étudiant de 20 ans, natif d’Angers et inscrit en deuxième année de licence éco-gestion.
A l’heure où le ministère prône le regroupement des universités et la création de « grands ensembles », plus visibles à l’international, Mathieu Gaston décrit une université d’à peine vingt-deux mille étudiants, répartis dans les villes d’Angers, de Cholet et Saumur… « Du coup, ici les profs, tous très bons, nous connaissent. On a des contacts personnels réguliers avec eux », dit-il. A côté de lui, maintenant assis dans le petit hall de la faculté, où des écrans géants affichent les emplois du temps, son camarade Arthur Degruson acquiesce : « Entre étudiants aussi, on se connaît plutôt bien. Tout le monde a foulé les mêmes escaliers, s’est assis sur les mêmes sièges. Et on travaille souvent en groupe. Cela nous aide beaucoup. »
Transition lycée-faculté : l’information avant tout
Les bons résultats d’Angers ne seraient-ils dus qu’à cette atmosphère propice au travail ? Pas tout à fait. Et pour s’en persuader, il suffit de traverser la Maine, très haute aujourd’hui, en direction du campus de Belle-Beille, qui regroupe les facultés de lettres, sciences humaines et sciences. Au milieu des étudiants abrités devant l’entrée de la fac de lettres, Pierre, 17 ans, est un peu perdu. Lycéen dans un établissement du centre-ville, il met à profit ses vacances scolaires pour voir « si les cours d’histoire [lui] plaisent », à l’occasion des journées « M’essayer, c’est m’adopter ». Organisées depuis six ans dans le cadre de la liaison lycée-université appuyée par le ministère, elles permettent de « lever les doutes des lycéens sur leur orientation en leur faisant découvrir pendant une semaine nos spécialités » explique Christophe Dumas, l’assesseur à la pédagogie de la faculté.
Parce qu’une bonne information des lycéens en amont permet d’éviter leur décrochage futur, des enseignants dits « ambassadeurs » entretiennent aussi pendant toute l’année cette liaison avec les lycées locaux. Arrivé sur les bancs de la fac après avoir fait son choix de filière… et obtenu son bac, l’étudiant angevin est ensuite « assez materné » raconte autour d’un café Kevin Chevalier, étudiant inscrit en master 2 d’histoire. Logement, aide financière, santé, transports en commun, etc., le service d’accompagnement InfoCampus, créé en 2014 et pour lequel il travaille chaque début d’année universitaire, permet de « répondre à toutes les petites questions qu’on peut se poser lorsqu’on débarque à l’université, et qu’on manque encore d’autonomie ». « Le fait de régler tous ces petits problèmes permet sans doute aussi aux étudiants de se concentrer sur les cours » analyse-t-il.
Repérage et rattrapage des décrocheurs
Comment faire ensuite pour repérer les néoarrivants qui seraient en difficulté ? L’université d’Angers a désigné dans plusieurs facultés des « enseignants référents ». Ces derniers rencontrent au moins une fois dans l’année, individuellement, une vingtaine d’étudiants. Kevin Chevalier se souvient que c’est ce qui lui a permis, il y a quelques années, de dépasser « les gros doutes » qu’il avait sur son choix d’études en L1.
Mais ces enseignants sont surtout missionnés pour repérer les élèves qui, dès la première année, auraient lâché prise, ou seraient susceptibles de le faire. L’étude publiée ce jour par le ministère montre ainsi, une fois encore, que 32 % des étudiants inscrits en première année (L1) abandonnent leurs études après une ou deux années. « 57 % de taux de passage en L2 chez nous, c’est bien. Mais il en reste 43 % sur le bord de la route, ce n’est pas suffisant » répond Philippe Leriche, assesseur à la pédagogie à la faculté des sciences. L’université, qui fonctionne beaucoup « en mode projet », multiplie donc les initiatives.
Depuis 2009, le programme Transver’sup, arrêté cette année faute de financement, prenait ainsi le relais des enseignants référents auprès des décrocheurs repérés. Dès le second semestre de L1, ces derniers étaient accompagnés à raison de douze heures par semaine pour réfléchir à leur projet professionnel ou faire des stages en entreprise, afin de se réorienter.
Remise à niveau, contrôle continu, cours-TD…
Malgré la fin du dispositif « très coûteux » qu’était Transver’sup, « on maintient l’effort », assure Philippe Leriche. Il cite une nouvelle initiative, PluriPass, lancée à la rentrée 2015. Ce programme vise à éviter l’échec et « le gâchis » de la première année commune aux études de santé (Paces), qu’il remplace dorénavant à Angers. En un ou deux ans, il permet de préparer les concours de médecine, pharmacie, maïeutique, odontologie, kinésithérapie ou ergothérapie, tout en se formant à d’autres spécialités (biologie, droit, ingénieur, psychologie…). Les déboutés des concours de santé ne « perdent » ainsi pas d’années, puisqu’ils peuvent ensuite intégrer d’autres filières via des passerelles avantageuses.
Philippe Leriche égrène un à un les autres projets d’accompagnement des élèves mis en place dans sa faculté, mais aussi ailleurs, alors même que son « université est l’une des plus sous-dotées de France », rappelle-t-il à plusieurs reprises. Il y a cette L1 de « remise à niveau scientifique », qui s’adresse aux bacheliers ES, L ou technologiques qui souhaitent s’engager dans des études scientifiques. Ou encore les « cours-TD » de première année, autrement dit uniquement des cours par « groupe de quarante maximum ». Il cite encore le « contrôle continu intégral », développé dans plusieurs facultés en première année afin d’éviter « le stress des partiels » et de « connaître son niveau » rapidement après le début de l’année.
Philippe Leriche conclut : « A côté de Nantes ou de Rennes, notre université de taille moyenne doit se démarquer et rester dynamique, elle n’a pas le choix ». Pour l’instant la démarche porte ses fruits.
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