'un procès à l'autre, le vignoble hexagonal vit cet hiver au rythme des comparutions (et des pique-niques) de vignerons en biodynamie devant les chambres correctionnelles. Après l'audition à Dijon du Bourguignon Emmanuel Giboulot, pour le refus de lutter contre la flavescence dorée en Côte d'Or), est venu le procès de l'Angevin Olivier Cousin, poursuivi pour « usurpation d'appellation, tromperie du consommateur et défauts d'étiquetage ». Dans les deux cas, le fond du problème est le même pour Nicolas Joly, le président de l'Association Renaissance des Appellations*, il s'agit d'une « manière forcée de le passage pour des vins technologiques, évitant les risques. On se trouve aux antipodes de la raison d'être des appellations ! » Une appréciation que rejette naturellement la Fédération Viticole d'Anjou et de Saumur, qui s'est portée partie civile (avec l'Institut National de l'Origine et de la Qualité, l'INAO) et ne se voit pas comme un lobby pro-industriel. Ce serait bien au contraire le garant d'un « savoir-faire ancestral sur un terroir millénaire... D'ailleurs, nos exploitations ne font en moyenne que 20 hectares ! » argumente Gaëlle Lihard (service juridique de la Fédération Viticole).
L'affaire a commencé en septembre 2010, quand la Fédération Viticole a demandé, par courrier, à Olivier Cousin de ne plus utiliser le terme Anjou sur ses bouteilles, estimant qu'il « ne suffit pas de produire du vin en Anjou pour que celui-ci puisse se dénommer Anjou ». « Ce genre d'infraction arrive fréquemment, et le courrier nous permet de régler le contentieux sans aller au tribunal » précise Gaëlle Lihard, mais là « c'est la première fois que je n'ai même pas eu de réponse ! » Après deux mois, l'organisme de défense et de gestion a saisi les fraudes, qui ont perquisitionné et accumulé les infractions : l'utilisation du terme protégé Anjou sur l'étiquette de vins non AOC (avec le pied de nez ''Anjou Olivier Cousin''), la mention impropre ''vin bio'' (la mention n'étant autorisée que depuis 2012), mais aussi l'absence de numéros de lots, du logo ''femme enceinte''... En tout, 9 800 bouteilles ont été incriminées. Lors de l'audience du 5 mars au tribunal de grande instance d'Angers, le procureur a demandé une amende de 50 centimes par col (soit une réquisition de 5 000 euros avec sursis), les délibérations seront connues le 4 juin prochain.
Invité ce 4 mars par la journaliste Clara Dupont Monnot à la matinale de FranceInter, Olivier Cousin déclarait rejeter avant tout la confiscation du terme Anjou (ainsi que le statut « non alimentaire » du vin, qui n'impose pas de détailler ses ingrédients sur l'étiquette). Il se définissait comme un « artiste », qui s'est « affranchi en 2005 » de l'AOC, trouvant « qu'il y avait un peu trop de laxisme, l'AOC était devenue une production de masse, une standardisation du vin, il n'y avait plus trop de côté artisanal. » Prenant la défense « d'un bon viticulteur et d'un bon paysan », Nicolas Joly (propriétaire de la Coulée de Serrant, en monopole sur l'AOC éponyme) ajoute que ces trente dernières années les AOC ont été « données à des vins atypiques, non représentatifs : sans charme et sans reproche. Alors que l'on interdit l'AOC à ceux qui ont parfois un petit défaut. Le fond du problème, celui qui met vraiment mal à l'aise, ce sont les comités de dégustation pour l'agrément. »
* : association créé en 2008 pour « l’élaboration d’une véritable déontologie propre à promouvoir la véritable expression des terroirs », et dont Emmanuel Giboulot et Olivier Cousin sont membres.
[Photo d'Olivier Cousin : Sylvie Augereau (Dive Bouteille)]