Turbulent: qui s'agite, cause du trouble. Les petits vignerons artisans sont souvent dépeints comme des fauteurs de trouble. Voyez, le mois dernier, le viticulteur bio Emmanuel Giboulot a failli se retrouver en prison pour avoir refusé d'épandre un produit chimique.

À Montréal, un tout nouveau salon est consacré à ces personnages de la vigne. Il s'appelle... Les Turbulents.

Jean-Paul Brun, Pierre Frick, Olivier Cousin, Dominique Derain, Jérôme Bressy: nombreux sont les vignerons «nature» qui ont eu des démêlés avec le bureau des appellations contrôlées ou la justice. Mais avant d'aller plus loin, réglons tout de suite le cas du terme «nature». Nous l'utiliserons ici pour parler des vignerons (et de leurs vins) qui essaient de (et arrivent parfois à!) produire des jus sans intrants chimiques. Pas de SO2, pas de levures, pas d'acides lactique ou ascorbique, pas de pesticides ou de fongicides dans la vigne.

Perturbateurs? Agitateurs? Semeurs de trouble, ces petits viticulteurs? Alexandre Boily préfère les appeler des «artistes». Le sommelier du restaurant La Salle à Manger, membre de l'agence d'importation Ward et associés, est le maître d'oeuvre du salon, avec Bertrand Mesotten, propriétaire du bar à vin Le Moine Échanson et des Importations du Moine, à Québec. «Lorsqu'on les rencontre, ces vignerons qui ont passé leur vie à comprendre, à apprendre et à attendre la nature pour faire du vin, on comprend que le vin naturel, c'est pas juste un vin sans soufre, c'est une oeuvre motivée par la passion», explique Alexandre Boily.

Le sommelier est avant tout à la recherche de vins d'émotion, de vins vivants et surprenants. «Je suis tanné d'avoir 92 Sancerre qui goûtent la même chose! Oui, un vin naturel peut être déstabilisant, peu conforme à l'appellation, mais ça ne veut pas dire que c'est un vin bourré de défauts. Souvent, c'est un vin qui exprime tout simplement son véritable terroir plutôt que d'essayer de répondre aux attentes du client.»

Le salon laissera toute la place aux 18 vignerons invités, qui pourront interagir directement avec le public, sans l'intermédiaire d'agents. «L'événement n'est pas axé sur les échanges commerciaux mais plutôt sur la rencontre. Contrairement à bien d'autres salons, où les professionnels du vin et le grand public sont conviés séparément, nous avons choisi d'inviter tout le monde en même temps.»

Pour 20$, les visiteurs pourront goûter à une soixantaine de cuvées et rencontrer 18 vignerons. On a pris soin de choisir des vins qui pourront être achetés en importation privée dans les semaines à venir. Pour ceux que l'importation privée intimide, il y aura des instructions claires, nettes et précises à l'endos d'un carton distribué au salon.

Alexandre Boily et Bertrand Mesotten veulent faire des Turbulents un projet sur cinq ans, avec une alternance de vignerons à faire découvrir aux Québécois. «Nous voulons devenir une sorte d'OSBL qui pourrait permettre de voyager à des petits viticulteurs ne pouvant se permettre de quitter la vigne ou n'ayant pas d'argent pour payer leur billet d'avion.»

L'événement se tient au rez-de-chaussée de la Société des arts technologiques. En soirée, on pourra monter au Labo culinaire et s'attabler avec les vignerons. Les chefs Seth Gabrielse et Michelle Marek auront préparé un menu pour accompagner les bouteilles vendues à prix doux.

Les Turbulents, à la Société des arts technologiques le dimanche 30 mars, de 13h à 18h30, suivi à 19h 30 d'un repas au Labo culinaire (40$ taxes et pourboire inclus pour la nourriture), sur réservation, à foodlab@sat.qc.ca.