Loi Travail : sacrifier le fond pour sauver la face
« Les entreprises ont besoin de souplesse, face à une concurrence croissante, à l’essor du numérique ». « Il faut aller plus loin en encadrant le recours abusif aux contrats courts ». Deux déclarations du Premier ministre sur le projet de loi El Khomri, à un mois d’intervalle. Tout et son contraire.
Que pense réellement Manuel Valls ? La question n’a visiblement plus aucune importance, tant le chef du gouvernement est désormais pressé de voir les jeunes manifestants quitter l’espace public et les députés socialistes voter la loi Travail - dans les deux cas, sans les y contraindre. Et tant pis s’il faut sacrifier le fond pour sauver la face.
Si au moins cette « méthode hollandaise » était susceptible d’atteindre son but… En réalité, elle n’aboutit qu’à créer le vide autour de celui qui l’utilise. Que Manuel Valls se retourne et il constatera bientôt que plus personne ne le suit. Les gardiens de la « vraie gauche » (CGT, FO, frondeurs, Unef…) l’ont lâché depuis longtemps et ne reviendront jamais derrière lui. De la CFDT au patronat tendance « dialogue » plutôt que « rentre-dedans », les partenaires sociaux enragent de se faire tordre le bras sur la taxation des CDD. Au sein même du PS, les réformateurs pointent les contradictions (jusqu’ici, le gouvernement a œuvré à baisser le coût du travail et à élargir le recours aux contrats à durée déterminée). Le rapporteur de la loi en personne, le pondéré Christophe Sirugue, rappelle que « le CDD est une forme de souplesse, parfois souhaitée par certains salariés ».
Quant aux électeurs qui voulaient voir en Manuel Valls l’incarnation d’une « deuxième gauche », pragmatique et réformiste, ils auront sans doute été déboussolés, eux aussi, par les renoncements des dernières semaines.
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