Fête des mères : « Mon beau bébé ne dormait jamais. JAMAIS. Jamais. »

Fête des mères : « Mon beau bébé ne dormait jamais. JAMAIS. Jamais. »

Sur son compte Facebook, la journaliste Mona Chollet a partagé un très beau texte sur la fête des mères et la notion de sacrifice maternel.

Par Renée Greusard
· Publié le · Mis à jour le
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De la fête des mères, on lit toujours les mêmes choses. Qu’elle est née dans la tête du maréchal Pétain (ce qui n’est pas tout à fait juste), qu’elle est une aubaine commerciale (ce qui est plutôt vrai). Rien de nouveau sous cette pluie de mai.

S’il est en revanche, un texte que nous voudrions retenir de ce week-end de fête des mères, ce serait celui-ci, partagé sur son compte Facebook par Mona Chollet, journaliste au Monde diplomatique, auteure de « Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique » (Zones, 2015) et de « Beauté fatale » (La Découverte Poche). Il s’agit d’un extrait du livre « The Year of Yes » de la scénariste américaine Shonda Rhimes.

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Une médaille d’honneur ?

Une amie dont je préserverai l’anonymat a pleuré en le lisant. C’est que ce texte secoue des peines et traumatismes accumulés chez beaucoup de parents et de mères, plus particulièrement, qui se sentent soit effacées soit culpabilisées de vivre leur vie.

Où la scénariste à l’origine des séries « Grey’s Anatomy » et « Scandal » raconte une anecdote. Un tweet qui lui est arrivé.

« Je suis sur Twitter, en train de prendre des nouvelles du monde, quand je tombe sur un tweet d’un site quelconque sur la maternité qui dit : “ Le manque de sommeil est une médaille d’honneur pour les mamans. ” Quoi ? Une médaille d’honneur ? Mon sang ne fait qu’un tour. J’écume de rage. Une rage particulièrement violente, probablement à cause du syndrome de stress post-traumatique que je traîne depuis la petite enfance de mon aînée. Mon beau, mon parfait, mon miraculeux bébé ? Elle ne dormait jamais. JAMAIS. Jamais. Alors moi non plus. Douze ans plus tard, le souvenir de ces nuits, de mon manque de sommeil, me fait encore vaciller sur mes pieds. Vous voulez torturer quelqu’un ? Offrez-lui un adorable bébé qu’il aimera et qui ne dormira pas. »
Shonda Rhimes, le 15 mars 2016  Los Angeles, et la couverture de son livre
Shonda Rhimes, le 15 mars 2016 à Los Angeles, et la couverture de son livre - Rob Latour/Shutterstock/SIPA

Au-delà de cet étonnement, la scénariste américaine va plus loin :

« En y réfléchissant, je me rends compte que le langage généralement utilisé pour rendre hommage aux femmes est celui de la culpabilité. En particulier s’agissant des mères. “ Elle a tout sacrifié pour ses enfants… Elle n’a jamais pensé à elle-même… Elle leur a tout donné… Elle a travaillé sans relâche pour s’assurer que nous ne manquions de rien. Elle est restée dans l’ombre, elle a été le vent sous nos ailes. ” L’industrie des cartes de vœux est bâtie sur cette idée. “ Dites-lui combien toutes les petites choses qu’elle fait chaque jour de l’année et qui semblent passer inaperçues comptent pour vous. ” Avec une carte à 2,59 dollars. »

Son année passée à dire « oui »

Elle s’interroge donc :

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« Où sont les cartes de vœux qui célèbrent le genre de mères que je connais ? Ou mieux encore, le genre de mère qui m’a élevée ? J’ai besoin d’une carte qui dise : “ Bonne fête à ma maman qui m’a appris à être forte, à être puissante, à être indépendante, à avoir l’esprit de compétition, à assumer fièrement ce que je suis et à me battre pour ce que je veux”. »

Cet extrait, Mona Chollet l’a traduit elle-même. La journaliste qui s’avoue complètement accro à « Grey’s anatomy » (« C’est la 12e saison et je regarde encore ») , tout en jugeant la série « hyper grand guignol, sentimentale » a été marquée par la lecture de « The Year of Yes ».

Dans ce livre, Shonda Rhimes raconte après un reproche de sa sœur (« tu ne dis jamais oui à rien ») son année passé à dire « oui » aux invitations multiples qu’elle avait pris l’habitude de décliner. Mona Chollet concède le côté très américain du livre (« comment je suis devenue quelqu’un alors que je n’étais rien ») mais elle ne cache pas son admiration pour Shonda Rhimes.

« Je suis fan de cette femme vraiment, des messages, de ce qu’elle arrive à faire passer sur la sexualité, l’avortement, les discriminations raciales à travers des formes grands publics, de soap opéras... Tout cela est tellement plus progressiste que n’importe quel film avant-gardiste français. »

Sur la question de la maternité, j’avance qu’il me semble qu’il est en train de se passer quelque chose en ce moment. Une parole féminine déculpabilisée qui émerge. La journaliste commente :

« Internet décuple les discours traditionnel et culpabilisant, un article du Monde le racontait encore bien ce week-end et en même temps un discours qui libère la parole des femmes qui ont envie de dire l’ambivalence de la maternité. »

Mona Chollet n’émet qu’« un seul petit bémol ».

« Shonda Rhimes raconte que la nounou de ses enfants est devenue sa nounou à elle aussi. Même si ce n’est pas évident à faire, il est plus facile pour une femme privilégiée de dire qu’on ne veut pas se sacrifier... »
Renée Greusard
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