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Facebook attaqué sur la neutralité du Net en Inde

L'entreprise, qui propose aux Indiens une application pour se connecter gratuitement à Internet, est accusée de favoriser son propre réseau social. Une atteinte à la neutralité du Net.

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Publié le 20 avril 2015 à 17h09, modifié le 20 avril 2015 à 17h25

Temps de Lecture 4 min.

Mark Zuckerberg est-il en train de créer un « Internet pour les pauvres » ? C'est en tout cas ce dont l'entreprise est accusée en Inde, en tant que créateur de l'application internet.org. Cette dernière permet aux utilisateurs de mobiles de se connecter à Internet gratuitement, mais seulement à une quarantaine de services, parmi lesquels Facebook. La semaine dernière, après plusieurs jours de controverse, certains éditeurs de ces services ont décidé de mettre un terme à leur participation au projet. En cause : la neutralité du Net, mise à mal, selon eux, par le service.

« Options limitées »

La neutralité du Net est un principe qui régit Internet depuis ses débuts, et qui garantit un traitement technique identique à tous les fournisseurs de contenus, petits ou grands, consensuels ou dérangeants. Il s'agit d'un principe simple de non-discrimination : tout le monde doit avoir un égal accès à Internet et aucun contenu ne doit bénéficier d'un traitement préférentiel et s'afficher plus vite que les autres.

Or, en proposant un accès à Internet limité, Facebook viole ce principe, qui plus est en valorisant ses propres contenus. Le voyagiste Cleartrip a été le premier à annoncer sur son blog qu'il quittait le projet, mercredi 15 avril :

« Les récents débats sur la neutralité du Net nous ont amenés à repenser notre approche concernant internet.org, et l'idée que de grandes entreprises aient leur mot à dire sur qui a accès à quoi. (...) Nous ne voulons pas influencer les choix des consommateurs en limitant leurs options. »

D'autres ont embrayé, comme le grand groupe de médias indien Times Group, qui encourage ses concurrents à faire de même dans un communiqué :

« Nous soutenons la neutralité du Net car elle offre un terrain de jeu juste et égalitaire à toutes les entreprises – grandes ou petites – pour produire les meilleurs services et les offrir aux consommateurs. Nous mènerons la lutte pour la neutralité du Net, mais nous avons besoin que nos confrères le fassent aussi, pour que le terrain de jeu reste égalitaire. »

« Nous avons cru naïvement contribuer à une bonne action »

Facebook a lancé son application internet.org en Inde en février, après la Zambie, la Tanzanie, le Kenya, le Ghana ou encore la Colombie. Elle propose une quarantaine de services, de Wikipédia à Facebook en passant par un moteur de recherche ou un outil de messagerie instantanée, mais aussi l'accès à des sites d'information, d'éducation, de santé ou de recherche d'emploi. Un accès gratuit, issu d'un partenariat entre l'opérateur téléphonique Reliance et Facebook.

« Il n'y a eu aucun arrangement financier entre nous et internet.org » , explique Cleartrip. « Nous n'avons pas été payés, et nous n'avons pas dû payer pour participer. (...) Puisqu'il n'y avait pas de question d'argent, nous avons cru naïvement que nous allions contribuer à une bonne action. »

Mais la façon dont sont choisis les services présents dans l'application reste obscure, et internet.org est soupçonné de favoriser certaines entreprises. C'est par exemple Bing qui permet d'effectuer des recherches, et non Google – ou tout autre moteur de recherche. Cela a-t-il un lien avec les parts détenues par Microsoft, qui possède Bing, dans Facebook ? YouTube, le plus important site de vidéos, appartenant à Google, ne fait pas non plus partie des services proposés. Dans un contexte où Facebook tente, plus largement, d'imposer son propre service de vidéos…

Mark Zuckerberg réplique

Face aux accusations, Mark Zuckerberg a rédigé une longue explication sur son compte Facebook :

« Nous soutenons pleinement la neutralité du Net. (...) Mais la neutralité du Net n'entre pas en contradiction avec le fait de travailler pour connecter de plus en plus de personnes. Ces deux principes – la connectivité universelle et la neutralité du Net – peuvent et doivent coexister. Pour donner à plus de personnes accès à Internet, il est utile d'offrir quelques services gratuitement. Si quelqu'un n'a pas les moyens de payer une connexion, il vaut toujours mieux un peu d'accès que pas du tout. »

Un positionnement taxé de « racisme économique » par le site d'information Quartz, et qui mène, selon Wired, à la création d'un « Internet pour les pauvres ».

Pourtant, comme le rappelle Mark Zuckerberg, l'entreprise affirme soutenir la neutralité du Net, et ce depuis de nombreuses années. En 2009, le patron avait cosigné une lettre vantant les mérites de la neutralité du Net avec d'autres fondateurs de grandes entreprises du Web comme Google ou Amazon. Pour, écrivait-il, « assurer que les consommateurs aient la possibilité de choisir les contenus et les services auxquels ils souhaitent accéder avec leur connexion Internet. » En 2010, Facebook avait réaffirmé, via son porte-parole Andrew Noyes, qu'il « continuait à soutenir les principes de la neutralité du Net » et un « Internet ouvert, accessible aux innovateurs, peu importe leur taille ou leur richesse ».

Une œuvre philanthropique raillée

Plus récemment, Facebook avait protesté, l'été dernier, contre la proposition de la Commission fédérale des communications (FCC) visant à introduire la possibilité d'un meilleur accès aux réseaux pour les entreprises contre rémunération. L'Internet Association, dont fait partie Facebook aux côtés des autres géants du Web, avait alors fustigé une « ségrégation de l'Internet ».

Aujourd'hui, Mark Zuckerberg se retranche derrière l'aspect philanthropique d'Internet.org, qu'il met en avant depuis les débuts du projet en 2013. « Les arguments sur la neutralité du Net ne devraient pas être utilisés pour empêcher les personnes les plus démunies de la société d'accéder à Internet », précise-t-il sur son compte Facebook. Une « bonne action » raillée par ses détracteurs, qui l'accusent depuis les premiers pas d'internet.org de vouloir connecter la planète pour son propre intérêt.

Lire (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Faux arguments et vrais débats sur la « neutralité du Net »
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