Comment Keolis roule à l’open source et à l'open data
Le spécialiste du transport public Keolis investit 30 millions d’euros sur trois ans dans le développement d’offres de mobilité connectée et leur dédie une division. Décryptage d’une stratégie qui mise sur l’ouverture à tous les niveaux.
Aurélie Barbaux
Le digital, beaucoup en parlent. Keolis, le spécialiste du transport public (60 000 personnes, 5,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires), passe à l’acte. Parfois avec un peu de précipitation. Sa nouvelle filiale dédiée à la mobilité connectée a déjà un effectif de 600 personnes, un budget de 30 millions d’euros sur trois ans, un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros et un patron, Nicolas Furgé... mais elle n’a pas encore de nom !
Pour l’instant, Jean-Pierre Farandou, PDG, l’appelle "pôle solutions et services". Ni très parlant, ni très original. Il va pourtant lui en falloir un nom, à cette nouvelle filiale, ne serait-ce que pour répondre aux appels d’offres des collectivités qui cherchent à développer des solutions de dématérialisation des titres de transport et de transport intermodal : itinéraire mêlant bus, tramway, vélo en libre-service, location, autopartage...
Investi dans les start-up
L’originalité de la démarche de Keolis n’est pas dans l’annonce d’une filiale sans nom mais dans la stratégie d’ouverture qui l’accompagne. En commençant par la collaboration assumée avec des start-up : Keolis annonce avoir signé depuis quelques mois des partenariats avec cinq start-up françaises (CitéGreen, Bookeo, Forcity, Tripndrive et OpendataSoft) et une israélienne, Moovit, qui propose une application collaborative pour les transports publics dans plus de 600 villes dans le monde.
Le géant de la mobilité ne veut pas se contenter d’intégrer de nouveaux services ou briques technologiques à ses applications mobiles. Pour aller plus loin dans la collaboration, le groupe a pris des participations minoritaires au capital de Moovit en janvier 2015 et, en mars, dans celui de Forcity, une start-up lyonnaise spécialisée dans la simulation de la ville à long terme.
Converti à l’open source
Via sa filiale Canal TP (95 personnes, 10 millions d'euros de chiffre d'affaires), qui doit être intégrée au nouveau pôle de mobilité connectée, Keolis mise aussi sur l’open source. Depuis l’été 2014, Canal TP a en effet ouvert le code source de son application de mobilité intermodal, Navitia, qui est notamment utilisée par la SNCF et est au cœur de l’application Vianavigo de la RATP. "Depuis 1 an, l’API navitia.IO de calcul d’itinéraire a été utilisée par plus de 700 personnes", observe Guillaume Crouïgneau, PDG de Canal TP. Un succès pas si étonnant : "Keolis est le seul opérateur à avoir accepté de donner ses recettes et son cœur d’expérience", observe le dirigeant.
Précurseur de l’open data
Depuis cinq ans, Canal TP emmène aussi Keolis sur les voies de l’Open data, via notamment une collaboration avec OpendataSoft, plate-forme d’hébergement de données ouvertes, qui permet à la SNCF ou aux collectivités local de publire leurs données. Mais ouvrir ses données exploitables, notamment en temps réel, à un coût. Keolis est donc plus favorable au modèle freemium (gratuit sauf pour une utilisation massive ou sans partage des développements). Il revient à ses clients, généralement des agglomérations, d’en décider.
"On veut passer de l’open data à l’open service, explique le directeur de Canal TP. Fournir toujours la même donnée brute, pour le même service, était innovant en 2010 à Rennes, mais cela ne l’est plus. Aujourd’hui, il est plus intéressant de disposer d’API et d’accéder aux interfaces de programmation. C’est pour cette raison que nous avons ouvert le code de Navitia."
lanceur de Meet-up
Mais, encore une fois, pas question de travailler seul dans son coin. Canal TP a donc lancé les premiers "meet-up open transport", qui réunissent une centaine de participants (start-up, chercheurs, étudiants et même parfois concurrents) pour échanger sur des idées de nouvelles mobilités. "L’équipe de Canal TP est également souvent très présente dans les hackathons, à titre personnel ou professionnel", observe Guillaume Crouïgneau. Une culture digitale appelée à se répandre dans la nouvelle division de Keolis.
D’ailleurs, les premières solutions informatiques proposées par Keolis aux collectivités sont elles aussi développées en collaboration. À Blois, la solution de billettique mutualisée a été développée avec Xerox. Pour les grandes villes, les solutions de CRM (gestion de la relation clients) sont basées sur des technologies de Microsoft et Atos. À Strasbourg, le paiement sans contact NFC a été mis en place avec Sopra-Steria. Quant aux solutions de vente en ligne, elles proviennent de Voyages-SNCF.com.
"L’open innovation a été une vraie opportunité pour transformer la culture de l’entreprise et entrer dans une logique de co-construction avec nos clients", observe Jean-Pierre Farandou. Cette pratique permettrait surtout "d’attirer des talents et les développeurs" que tout le monde s’arrache, glisse encore Guillaume Crouïgneau. L’open gagnant.
Aurélie Barbaux
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