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La face cachée des objets urbains: Faut-il ressusciter les cabines téléphoniques?

Faut-il ressusciter les cabines téléphoniques?

Le Huffington Post Québec poursuit sa série La face cachée des objets urbains dans laquelle le mobilier urbain est analysé et présenté sous des facettes insoupçonnées. Aujourd’hui: la cabine téléphonique!

C’est un euphémisme. Chaque année, la cabine téléphonique devient de plus en plus désuète. En 2016, plus de 8 000 des 54 000 téléphones publics restants au Canada – une estimation du CRTC – seront retirés.

On supprime ces objets urbains à un rythme de deux à trois fois plus élevé qu’il y a huit ans. La force du réseau cellulaire a eu raison des cabines qui, dans un passé pas si lointain, étaient encore un service essentiel et apprécié.

Doit-on laisser mourir les cabines téléphoniques et les envoyer au musée ou alors donner une seconde vie à ces objets du patrimoine?

Bell souligne travailler avec des entreprises de recyclage afin que les cabines retirées ne deviennent pas des déchets, mais n’y aurait-il pas lieu de revitaliser l’objet comme tel et l’espace qu’il occupe? Après tout, ces mètres carrés ont souvent une grande valeur et possèdent un avantage indéniable : un filage et une connexion électrique.

En décembre, la Ville de New York a confirmé son intention de transformer la quasi-totalité de ses téléphones publics en bornes d’accès internet sans fil. D’ici 12 ans, avec le projet LinkNYC, 7 500 appareils téléphoniques seront ainsi modifiés pour offrir une connexion ultrarapide et gratuite. Grâce à des revenus publicitaires estimés à 500 millions de dollars sur les 12 ans, on prévoit dépasser facilement l’investissement de 200 millions de dollars. Déjà, la publicité est un filon intéressant. Les téléphones new-yorkais engrangeraient trois fois plus d’argent en commandites qu’en appels.

Avec LinkNYC, la ville de New York transformera des coins de rue autrefois utilisés par des téléphones publics, pour offrir un réseau wifi à ses citoyens et aux touristes.

À Montréal, il n’y a aucun plan pour imiter New York, indique le porte-parole Gonzalo Nunez. La Ville planche sur un autre réseau sans-fil, dans les lieux à haute densité comme les artères commerciales et les parcs. «L’élimination des cabines téléphoniques est une décision qui appartient à Bell Canada», souligne M. Nunez.

Du côté de l’entreprise d’Alexander Graham, on refuse de commenter les plans futurs. Le CRTC est un peu plus bavard, arguant que «rien n’empêche les fournisseurs [comme Bell ou Telus] à essayer des projets innovateurs» pour ressusciter les téléphones publics.

Parce que plusieurs appareils sont sur le respirateur artificiel et demandent plus d’investissements d’entretien qu’ils n’amènent de revenus en appel. En 2013, Bell avait d’ailleurs indiqué au CRTC que 636 appareils n’avaient pas servi une seule fois dans les 13 mois précédents et que sur plus 10 000 téléphones, on passait en moyenne moins d’un appel par jour.

Bell avait tenté par le passé d’offrir des terminaux multimédias donnant accès à internet sur certains téléphones publics, mais devant la pénétration importante des appareils intelligents, l’idée n’a pas porté ses fruits.

Le déclin de la cabine téléphonique n’est pas propre au Canada. Tous les pays occidentaux retirent graduellement leurs téléphones publics, mais certains États ont choisi de ne pas se départir de la cabine, même si elle n’a plus rien de téléphonique. C’est le cas au Royaume-Uni, où la cabine rouge est encore un icône et une attraction touristique. En 2008, British Telecom a commencé à vendre des cabines au prix symbolique d’une livre sterling et les communautés ont répondu à l’appel. Depuis quelques années, on voit des cabines rouges transformées en bibliothèque, en café, en galerie d’art et même en cabine de premiers soins munies de défibrillateur.

«Plusieurs cabines sont laissées à l’abandon et sont dans un état lamentable, bien loin du bel objet qu’ils ont déjà été», explique l’artiste londonienne Andrea Tyrimos qui vient de redonner un coup de jeune à une cabine pour le projet LivingBox (voir galerie de photos plus bas).

La société SolarBox a profité du mouvement britannique pour proposer une cabine verte où les Londoniens peuvent recharger leur téléphone. À Séoul, les autorités viennent de proposer un concept de cabine de sécurité : une personne qui se sent suivie ou menacée peut se réfugier dans une ancienne cabine, qui se barrera avant d’alerter les policiers. Toujours à Séoul, d’ex-téléphones publics servent désormais à recharger des voitures électriques.

Grâce à des panneaux solaires installés sur son toit, la cabine verte de SolarBox permet aux Londoniens de recharger leur téléphone.

Les cabines téléphoniques revisitées

Un peu d'histoire

1889 Le premier téléphone public payant, une invention de l’Américain William Gray, est installé dans une banque de Hartford, au Connecticut.

1905 Pour la première fois, un téléphone public est installé à l’extérieur, sur une rue de Cincinnati, en Ohio.

1926 La célèbre cabine téléphonique rouge anglais fait son apparition, à Londres.

Années 1950 Les cabines téléphoniques en verre remplacent graduellement les cabines de bois.

1952 Le tarif pour passer un appel au Canada passe de 5 à 10 cents.

1978 Dans une scène de cinéma désormais classique, Clark Kent utilise une cabine téléphonique pour se transformer en Superman.

1981 Le tarif, passé à 20 cents en 1974, est haussé à 25 cents au Canada.

2003 Colin Farrell tient la vedette du thriller Phone Booth (La Cabine).

2007 Le tarif passe à 50 cents au Canada.

2012 Le groupe Maroon 5 chante Payphone.

2016 Il reste environ 54 000 téléphones publics au Canada.

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