"7 opérations de transformation de l'entreprise sur 10 échouent pour avoir négligé le facteur humain", estime Éric Alonso
Directeur chez Carewan, un cabinet de conseil en Ressources humaines, Éric Alonso commente pour L’Usine Nouvelle les résultats de l’étude qu’il a menée sur la transformation des entreprises. La création d’une direction de la transformation n’est pas un gage de succès. Surtout si elle n’intègre pas les préoccupations RH.
L’Usine Nouvelle : En menant une étude sur les directions de la transformation, succombez-vous à la dernière mode managériale ou vous penchez-vous sur un problème de fond ?
Éric Alonso : Nous avons vu fleurir les annonces pour ce type de poste l’an dernier. Un autre signe qui nous a frappés, ce sont des clients qui nous appelaient à titre personnel soit pour se plaindre parce que leur direction leur retirait une partie de leurs missions pour les confier à une direction de la transformation, soit parce qu’ils rejoignaient une direction de ce type. L’ensemble de ces indices nous ont incités à mener une étude sur le sujet, notamment pour comprendre comment les entreprises s’organisaient.
Un des premiers enseignements de notre étude est que les directions de la transformation sont de vraies directions auxquelles on a alloué des moyens. Elles sont rattachées à la direction générale ou à l’échelon d’en dessous. Quand les entreprises ont recruté à l’extérieur pour la diriger, nous avons observé qu’il s’agissait souvent d’un profil confirmé avec de hautes compétences. D’autres indices montrent l’importance accordée par les entreprises à ces directions de la transformation : Rexel a par exemple ouvert une ligne budgétaire conséquente ; la Française des jeux a créé une équipe dédiée.
À quoi vont servir ces directions de la transformation ?
Beaucoup d’entreprises gardent une vision un peu classique de ces directions, pourtant originales. Les directions générales font ce qu’elles savent faire : elles créent un rectangle dans l’organigramme pour la transformation. De cette façon, elles espèrent que les processus vont s’accélérer. Souvent, ces directions ont surtout un rôle de consolidation de l’information : elles reçoivent les reportings et en tirent des conclusions. Pour la direction générale, c’est un moyen d’avoir un contrôle sur les processus de transformation. Créer une direction dédiée est aussi un moyen de donner de la visibilité à cette thématique.
Les directions de la transformation ont-elles toutes cette mission de reporting ? Est-ce leur principal objectif ?
Dans l’échantillon d’une trentaine d’entreprises — plutôt des entreprises du CAC 40 et des grosses ETI — que nous avons étudié, nous avons identifié trois types de direction de la transformation. La première est plutôt financière et est très axée sur le reporting. La seconde est plutôt orientée vers l’accompagnement humain du changement, tandis que la troisième se charge de tout. Dans ce dernier cas, la structure doit construire et piloter le programme de transformation.
Selon le type de structure, les missions ne seront pas les mêmes. Les premières vont vérifier que la forme est respectée et s’intéresser peu au fond. L’important, pour elles, reste que les méthodes maison soient appliquées. Dans les autres, la direction de la transformation va davantage avoir un rôle de facilitateur, d’anticipateur des résistances pour mieux les lever.
Comment sont composées les équipes ?
Dans les équipes, on trouve souvent des salariés qui ont fait une carrière dans le conseil. Ce sont rarement des RH qui sont à la tête de la direction de la transformation mais plutôt des opérationnels, d’anciens patrons de business units ou des personnes qui ont occupé la fonction dans une entreprise non française.
Vous avez identifié six facteurs de succès parmi lesquels figure la prise en compte de la dimension RH. N’est-elle pas systématique ?
Sept opérations de transformation sur dix échouent pour ne pas avoir pris en compte le facteur humain. Souvent, on observe que le programme de transformation est élaboré sans en tenir compte. On ne les sollicite que quand tout a été bouclé. Les DRH doivent alors faire le plan de redéploiement des effectifs, voire le PSE d’un côté et garantir le niveau d’engagement pour les personnes qui restent. Or, d’expérience, le processus n’aurait pas été aussi compliqué si les RH avaient été associées en amont dans l’opération.
Un autre facteur de succès que vous avez identifié est la mobilisation du réseau. Pourquoi ?
Nous croyons beaucoup au fonctionnement en réseau, avec des ambassadeurs de la transformation, des utilisateurs clés… Tout ce qui peut faire que l’on peut mobiliser des relais une fois la transformation enclenchée.
Malheureusement, les directions de la transformation centralisent souvent trop l’information.
Actuellement, la transformation digitale est au cœur des stratégies. Obéit-elle aux mêmes règles ?
Dans notre étude, nous ne l’avons pas traitée en tant que tel. Elle pose une vraie question sur la gouvernance. Savoir qui doit la piloter n’est jamais très clair. Mais ces difficultés doivent être relativisées. De plus en plus de clients me disent "c’est difficile en ce moment, mais dans 5 à 10 ans on n’en parlera plus car elle se sera faite naturellement, avec le renouvellement des générations, la généralisation des outils numériques… "
Il restera aux entreprises une question de culture : elles vont devoir adapter la leur à la culture numérique pour en tirer pleinement profit.
Propos recueillis par Christophe Bys
Lire l’intégralité de l’étude : http://www.carewan.com/assets/pdf/carewan_Etude_transformation_support_crit_VF25022014.pdf
"7 opérations de transformation de l'entreprise sur 10 échouent pour avoir négligé le facteur humain", estime Éric Alonso
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