/opinion/blogs/columnists
Publicité

L'ASSÉ et la suite des choses...

FD-MANIFESTATION NATIONALE ASSÉ
Maxime Deland/AGENCE QMI


Pendant que le gouvernement Couillard fête sa première année au pouvoir et que l’austérité se déploie, comme en 2012, on s’est beaucoup moqué depuis quelques jours de la dernière «crise» en date au sein de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante – l’ASSÉ.

Démission en bloc, puis destitution «symbolique» de son exécutif suite à la mise en ligne d’une lettre suggérant le report de la grève sociale à l’automne. Question d’y rejoindre alors les syndicats, eux-mêmes en négociation avec le gouvernement. Sans compter d'autres associations étudiantes qui, mécontentes de la timidité de la FEUQ – Fédération étudiante universitaire du Québec – entendent quant à elles se créer un nouveau véhicule plus efficace sur le plan politique.

S’il est vrai que le fonctionnement interne de l’ASSÉ par voie de «démocratie directe» est un mode méconnu par la plupart des gens qui se prononcent néanmoins sur ce qui s’y déroule, il reste que cette démission suivie d’une destitution symbolique de l’exécutif  ressemble nettement plus à un gâchis qu'au «renouveau» qu'y voit sa porte-parole intérimaire. Mais pas nécessairement pour les raisons que l’on pense.

La médiatisation, la semaine dernière, de la fameuse lettre de réflexion de l’exécutif suggérant le report de la grève à l’automne explique en partie la «punition» imposée à l’exécutif. Même si elle était déjà disponible en ligne, la lettre devenait soudainement un objet de débat public alors que des membres la voyaient  comme un objet à venir de débat interne.

Même si elles étaient tout à fait légitimes, les interventions et les critiques publiques de l’ex-présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, portant sur les stratégies de l’ASSÉ, ont également ajouté au bris de confiance déjà existant au sein même de cette dernière. Rappelons que depuis la fin de la grève de 2012, les rapports entre l’ASSÉ et Mme Desjardins sont marqués par une méfiance mutuelle.

Surtout, à tort ou à raison, la circulation de la lettre de l’exécutif - sortant et sorti -, a été reçue comme un recul non pas «stratégique», mais un recul sur le fond des choses. D’autant que dans les faits, la lettre arrivait beacoup trop tard dans la dynamique politique actuelle – soit après que la mobilisation et les manifestations aient déjà commencé.  En d’autres termes, l’exécutif s’est réveillé trop tard.

Bref, la table était mise pour les événements de la dernière fin de semaine à l’ASSÉ.

Maintenant, une fois le constat fait, la question devient : quelle sera la suite des choses pour le mouvement étudiant et la contestation contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard?

Certains en sonnent déjà la mort clinique alors que la vraie question est ailleurs.

Elle est à savoir si, malgré les dissensions immédiates au sein de l’ASSÉ et le résultat des votes de grève qui se prendront cette semaine au sein de certaines associations étudiantes, le mouvement étudiant dans son ensemble, d’ici l’automne, voudra et pourra se préparer à s’arrimer efficacement aux syndicats et aux organismes opposés à l’austérité actuelle. Point.

Car l’enjeu politique ici est réel. Il transcende nettement les dissensions internes à l’ASSÉ. Surtout, il est loin de ne toucher qu’aux seuls étudiants. Quoique, en tant que générations montantes, les compressions actuelles et la réduction du rôle de l'État les toucheront de plein fouet d'ici quelques années à peine.

Cet enjeu politique est celui d’un gouvernement austéritaire, majoritaire, en début de mandat et déterminé à ne pas reculer.

La grève est «sociale» parce que le problème l’est aussi.

Pour le mouvement étudiant, même mobilisé, l'incertitude plane toutefois. Et si, à l'automne, les syndicats et le gouvernement finissaient par s'entendre? Que resterait-il alors de cet «arrimage»?...

***

La sagesse de Guy Rocher

En ces temps d’incertitude et de polarisation caricaturale, la pensée de Guy Rocher est essentielle pour s’aérer les neurones.

Samedi soir, à l’émission de radio «C’est fou...» animée par l'anthropologue Serge Bouchard, Guy Rocher – professeur émérite de sociologie et un des grands intellectuels du Québec moderne – en disait ceci.

Questionné sur l’aspiration à la démocratie des citoyens et au besoin de retrouver un projet de société enlevant, le professeur Rocher répondait ceci.

Le projet, «il est en attente en ce moment. Je le vois dans les contestations. C’est important, ces manifestations. Les contestations. Dans la période que nous connaissons aujourd’hui, l’individualisme, l’austérité, le retrait de l’État. Qu’est-ce qui reste en ce moment? Pour moi, c’est la contestation. Et c’est là, souvent, que s’élabore un projet de société. C’est souvent pas au pouvoir que l’on trouve le projet de société. (...) Pour une action sociale dans la rue efficace, il faut un projet. (...) qui fait rêver. Pour moi, c’est là, en ce moment, qu’on peut trouver le projet de 2025.»

L’animateur lui demande alors ce qu’il pense des tentatives pour «disqualifier» le mouvement étudiant en réduisant leurs revendications à peu de choses.

La réponse de Guy Rocher en dérangera peut-être plusieurs, mais elle est particulièrement juste:

«Si on ne leur accorde pas au moins cet idéal, je pense qu’on diminue la valeur de ce qu’ils font. Et vous savez, si on n’est pas dans la rue à vingt ans, qu’est-ce qu’on sera à cinquante ans? On a besoin de jeunes qui pensent l’avenir d’une manière un peu révolutionnaire.»...

 


Vous désirez réagir à ce texte dans nos pages Opinions?

Écrivez-nous une courte lettre de 100 à 250 mots maximum à l'adresse suivante:

 

Publicité

Publicité


Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.